Le commerce, le sujet qui fâche

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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Le blocage de l’Organe d’appel de l’OMC orchestré par les Etats-Unis infligera des dommages durables à l’ordre mondial actuel.

Siège de l'OMC à Genève. ©Keystone

L’approche de Noël ravive, sur les marchés financiers, les souvenirs douloureux de l’année 2018. Les circonstances sont pourtant très différentes: alors qu’elle resserrait sa politique monétaire il y a un an, la Réserve fédérale américaine a procédé à trois baisses de taux en 2019. Néanmoins, l’assouplissement de la politique monétaire américaine donne le ton aux économies et aux marchés financiers mondiaux, ce qui favorise une certaine «joie de Noël». En revanche, la hausse des marchés est probablement limitée par la décélération des taux de croissance du PIB au niveau mondial.

Selon les estimations de l’OMC, la croissance des volumes du commerce mondial
aurait chuté à environ 1,5% en 2019, contre près de 5% en 2017.

Dans l’ensemble, la croissance du PIB de la plupart des économies a ralenti mais reste proche des taux de croissance potentiels. Avec un taux de croissance de 0,1% en glissement annuel au troisième trimestre, l’Allemagne a évité de justesse une récession technique. Toutefois, les craintes de récession persistent en dépit de la détente monétaire, notamment à cause de chiffres décevants en Chine, en Inde, au Brésil et au Mexique, entre autres. Certaines statistiques économiques récentes ont indiqué un possible plancher pour l’activité manufacturière. Si les données à venir confirment cette tendance, cela soutiendra non seulement le cycle économique, mais aussi la confiance et, probablement, l’appétit pour le risque. Dans ce contexte, la variable cruciale est la croissance des volumes du commerce mondial. Selon les estimations de l’OMC, cette croissance aurait chuté à environ 1,5% en 2019, contre près de 5% en 2017. Or une contraction des échanges accroîtrait d’autant la probabilité d’une récession.

Sans conteste, le commerce est le sujet qui fâche. Le mois à venir pourrait nous réserver de bonnes surprises sous la forme d’un accord commercial préliminaire entre la Chine et les Etats-Unis. Il est également envisageable que les Etats-Unis ratifient la version révisée de l’ALENA déjà la semaine prochaine. Favorables aux marchés boursiers (tandis que les rendements progresseraient sans doute sur les marchés obligataires), de tels résultats réduiraient les risques pesant sur les cycles économiques régionaux et mondiaux. D’autre part, si la menace des droits de douane ciblant le secteur automobile persistait, elle pourrait modifier les perspectives, notamment pour l’Allemagne et le Japon.

Au Royaume-Uni, au vu des résultats de l’élection anticipée
provoquée par Theresa May, la prudence reste de mise.

En dehors du commerce, les principaux risques à court terme concernent les élections du jour au Royaume-Uni. On peine à imaginer un résultat capable de modifier fondamentalement les perspectives du Royaume-Uni. Indépendamment du parti qui en sortira vainqueur, une majorité nette dégagerait en partie l’horizon. Cependant, au vu des résultats de l’élection anticipée provoquée par Theresa May, la prudence reste de mise. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les résultats ne sont pas connus.

La date du 10 décembre semble destinée à entrer dans l’histoire comme le jour où l’OMC a perdu le pouvoir de faire appliquer les règles du commerce international découlant d’accords multilatéraux. A cette date, deux des trois juges restants de l’Organe d’appel de l’OMC (sa «Cour suprême») ont vu en effet leur mandat expirer. Les espoirs de les voir remplacés ont été anéantis par 12 ans de blocage de toute nouvelle nomination par les Etats-Unis, alors que cet organe est normalement composé de 7 juges. Au-delà des volumes d’échanges commerciaux et d’une éventuelle récession, cette situation infligera des dommages durables à l’ordre mondial actuel.

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