L'anniversaire approche, aucune raison de s'en réjouir

Martin Neff, Raiffeisen

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Nous fêterons bientôt le dixième anniversaire du plus gros krach financier de tous les temps. Le 15 septembre 2018, Lehman Brothers a fait faillite.

Nous fêterons bientôt le dixième anniversaire du plus gros krach financier de tous les temps. Le 15 septembre 2018, Lehman Brothers a fait faillite. La correction nécessaire du marché immobilier américain s’était déjà manifestée bien avant. Au plus tard lors de la quasi-faillite de la banque d’investissement traditionnelle Bear Stearns, que seul le rachat par le concurrent JPMorgan Chase & Co le 30 mai 2018 a permis d’éviter, plus personne ne pouvait ignorer que la fête était finie sur le marché immobilier. Cela n’a cependant pas empêché certains établissements de continuer à miser sur la hausse des prix et de lancer des produits extrêmement risqués afin de profiter au maximum de l’envolée espérée.

C’est du moins ce qu’ils expliquaient aux clients auxquels ces produits étaient vendus. Les banques elles-mêmes se sont défaites de ces titres à tour de bras. Elles se les transmettaient entre elles comme des patates chaudes et il s’est finalement avéré que ces titres étaient toxiques et n’avaient aucune valeur.

Le seuil à partir duquel les banques sont considérées
comme une menace a été quintuplé.

Cela peut-il se reproduire? La question est légitime. Si l’on en croît la politique, c’est pratiquement exclu. Elle a sauvé les établissements financiers moribonds, mais malheureusement aussi d’importance systémique grâce à l’argent des contribuables. Elle leur a en revanche imposé des conditions très strictes afin de stabiliser le système financier. La réglementation du système bancaire a donc longtemps été la priorité de la politique mondiale et on a effectivement pu croire un certain temps que les règles imposées au secteur financier seraient si rigoureuses que les dommages collatéraux résultant d’incitations erronées pourraient être évitées à l’avenir. Ce n’est malheureusement pas le cas.

L’Europe et de nombreuses autres régions du monde comptent toujours des établissements plus ou moins moribonds, qui n’ont pu et ne peuvent toujours survivre que grâce à la manipulation des taux d’intérêts. Aux Etats-Unis, le président Trump vient juste d’assouplir la réglementation bancaire en invalidant partiellement le Dodd-Frank-Act introduit par son prédécesseur afin d’exclure à l’avenir la nécessité de sauver des banques avec des recettes fiscales.

Le seuil à partir duquel les banques sont considérées comme une menace pour le système financier en cas de faillite a notamment été relevé de 50 à 250 milliards de dollars et donc quintuplé. De nombreux établissements ne sont par ailleurs plus obligés de se soumettre au test de résistance annuel de la Réserve fédérale. Les avis sont partagés quant à son utilité et il s’apparente déjà presque à une farce en Europe. Des établissements sont certes régulièrement épinglés, mais c’est généralement trop tard et il faut ensuite attendre le prochain test de résistance.    

Une Suisse exemplaire

Ce n’est pas le cas en Suisse. On y est resté fidèle à la ligne qui veut que les établissements d’importance systémique soient davantage bridés et une réglementation qui se distingue notamment de celles des autres pays par ses exigences en matière de fonds propres a été élaborée. La plupart des banques sont évidemment loin d’être ravies. Elles s’attachent principalement au principe de proportionnalité de la réglementation. Et il est bien sûr possible d’opter pour une réglementation excessive qui finit par affaiblir durablement la compétitivité d’un secteur économique.

On oublie volontiers qu’un établissement suisse
a dû être sauvé avec l’argent des contribuables.

Dans le sillage du Brexit, la Grande-Bretagne s’inquiète par exemple déjà pour la place financière londonienne et tend à assouplir la réglementation par rapport à ce qui était initialement prévu. La place financière de Zurich n’est elle aussi plus que l’ombre de ce qu’elle fut autrefois, ce que les milieux bancaires se plaisent à imputer à la réglementation plus stricte des autorités de surveillance. C’est bien possible, mais on oublie volontiers en Suisse qu’un établissement suisse a dû être sauvé avec l’argent des contribuables.

Excès de prudence de la Suisse

J’estime depuis longtemps, notamment aussi dans cette chronique, qu’une réglementation plus stricte ne constitue pas nécessairement un désavantage concurrentiel. Surtout quand elle renforce ce qui fait l’essence même de la Suisse, à savoir la stabilité.

La stabilité du système politique, des finances publiques, mais aussi du secteur bancaire sont des facteurs précieux pour la place. Mais une exagération est bien sûr toujours possible. Et c’est le cas actuellement, une fois de plus. La Banque nationale suisse ayant, des années durant, mis en garde contre l’éclatement de la bulle des logements en propriété, elle vient à présent de se focaliser sur le marché des immeubles résidentiels de rendement dans son dernier «Financial Stability Report». Et l’argumentation est toujours la même.

Lorsque les taux d’intérêt augmentent (le rapport parle d’«interest rate shocks»), le marché est rapidement plongé dans le noir. Je n’ai qu’une chose à dire à ce propos. Un choc des taux d’intérêt est tellement improbable qu’il n’y a même pas lieu de s’en préoccuper. Et si c’est néanmoins le cas, au moins faudrait-il opter pour une approche différenciée. Une hausse rapide des taux d’intérêt ne se manifeste qu’en cas d’expansion économique avec une surchauffe massive et une envolée de l’inflation. Ce scénario est-il réaliste actuellement et dans un proche avenir? Je vous laisse le soin de répondre à cette question et vous fais mes adieux pour deux semaines de vacances. Je vous retrouverai le 15 août. Je vous souhaite de bonnes vacances!