La volatilité pèse sur les green bonds

Cyril Gomez

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Les émissions atteignent jusqu’ici pratiquement les mêmes niveaux qu’en 2017, remarque la banque SEB. Analyse avec Christopher Flensborg.

La volatilité sur les marchés financiers a amené les émetteurs d’obligations vertes (green bonds) à rester sur la défensive en 2018. Fin octobre, les émissions de green bonds se sont élevées à 131 milliards de dollars seulement, d’après le rapport publié lundi par le groupe bancaire suédois SEB. Qui souligne que ce chiffre est pratiquement le même que celui observé durant la même période de l’an dernier. Ce devait pourtant être une année de célébration pour le marché à forte croissance des obligations vertes, lancées pour la première fois le 5 novembre 2008 par la Banque Mondiale, en partenariat avec plusieurs institutions financières dont SEB.

Christopher Flensborg, Head of Climate & Sustainable Finance chez SEB, souligne toutefois que l’encours des obligations vertes vient de dépasser pour la première fois le seuil critique de 500 milliards de dollars (525 milliards pour être exact). Ce, en dépit d’une chute de 30% des émissions au troisième trimestre. L’expert insiste également sur le fait que l’évolution terne des dix premiers mois de l’année en cours ne reflète en aucune façon une baisse d’intérêt de la part des investisseurs.

En Chine, la baisse des émissions a été la plus prononcée,
chutant de 30% à 16,7 milliards de dollars entre janvier et octobre.

«Cette tendance trouve son origine dans l’imbrication de dynamiques d’ordre macroéconomique et liées aux marchés financiers sans rapport avec les investissements verts en soi», explique Christopher Flensborg. Pour qui le caractère erratique et volatile des marchés financiers semble être la cause fondamentale de cette atténuation. Mais tout ne dérive pas de l’environnement de marché.

En Chine, par exemple, le second plus gros émetteurs après les États-Unis cette année, la baisse des émissions a été la plus prononcée, chutant de 30% à 16,7 milliards de dollars entre début janvier et fin octobre. Cette tendance est la conséquence directe du processus de désendettement des agents économiques chinois, qu’il s’agisse d’entreprises financières (62% des émissions) et non financières (26%). Les agences gouvernementales (Banque de Développement Agricole de Chine et la China Export-Import Bank) couvrent le reste des émissions.

Il est à noter, toutefois, que cette forte baisse en Chine est le résultat de calculs effectués par Bloomberg. Mais si l’on prend pour base les statistiques officielles des autorités chinoises, le total des émissions atteint un peu plus de 20 milliards. Soit une hausse de 10% par rapport à la même période l’an dernier. Aussi, en prenant en compte les critères du Climate Bond Initiative (CIB), principale source pour les méthodologies d’évaluation et d’audit des projets verts auprès du secteur publique et privé, sur les 13 milliards de dollars de green bonds émises au premier semestre seuls 9,3 milliards répondent aux critères du CBI.

Les contributions positives viennent principalement
d’Europe qui est clairement l'étoile montante.

Aux États-Unis, où les émissions totalisent 28 milliards de dollars depuis le début de l’année, celles-ci sont en baisse de 14%. Cette région représente l’une des plus sous-exploitées, compte tenu de son potentiel. Cinq émetteurs spécialisés dans la titrisation y pèsent pour 60% des émissions, dont l’agence gouvernementale hypothécaire Fannie Mae est de loin le leader avec 15 milliards de dollars de titres adossés à des prêts hypothécaires (MBS) verts, rien qu’au troisième trimestre. Le mois dernier, SEB fut le co-manager et conseiller de Fannie Mae dans le cadre de l’émission d’un MBS multi-famille garanti (GeMS), soit la huitième émission dont les tranches sont garanties par des MBS verts.

Ces MBS ont la particularité d’exiger des emprunteurs qu’ils s’engagent à améliorer l’efficacité énergétique et de consommation d’eau dans les constructions, réduisant ainsi les coûts opérationnels et les émissions de gaz à effet de serre des appartements. Le reste du marché a été dominé par sept émetteurs totalisant 5,5 milliards de dollars, ainsi que par 31 municipalités ayant émis pour 4,6 milliards de dollars de green bonds. Ces émetteurs comprennent essentiellement la Commission des Services Publics de San Francisco (San Francisco PUC), la Banque d’Infrastructure et de Développement Économique de Californie, l’Entreprise des Transports Publics de la ville de New York (New York MTA) et le Service d’Eau Potable du District de Columbia (D.C. Water). 

Compte tenu du vaste potentiel encore inexploré aux États-Unis, Christopher Flensborg dit s’attendre à des développements positifs l’an prochain sur ce marché. L’un des facteurs d’entrave à la croissance des obligations vertes aux États-Unis repose notamment dans la réforme fiscale interdisant aux États régionaux et locaux d’émettre des obligations refinancées. Celles-ci consistent en obligations exonérées d’impôt servant à refinancer des encours de dettes via un refinancement anticipé.

«Ceci montre que les efforts structurels entrepris
par la Commission européenne portent leurs fruits.»

Les contributions positives viennent principalement d’Europe, suivi de l’Asie (ex-Chine), ainsi que des organismes supranationaux tels que la Banque Mondiale. «L’Europe est clairement l’étoile montante, affichant une augmentation constante du nombre d’émissions sur une période de douze mois terminée en octobre. Ce qui est désormais un constante au cours des deux dernières années», observe Christopher R. Kaminker, Directeur de la Recherche au sein de la division Climate & Sustainable Finance et conseiller senior pour les Grandes Entreprises et Institutions Financières chez SEB.

Les pays nordiques sont les marchés les plus dynamiques du Vieux Continent, leurs émissions ayant presque triplé à 16 milliards de dollars à fin octobre par rapport aux dix premiers mois de l’année 2017. Ce qui compense les baisses enregistrées en France et en Allemagne, principaux marchés en termes de volumes. Ainsi, alors que la France et l’Allemagne voient leurs émissions reculer de 20% et 19%, respectivement, depuis janvier, les émissions norvégiennes progressent de plus de 1180%, celles en provenance de Suède de plus de 50%. Ailleurs, l’Espagne et l’Italie enregistrent des taux de croissance de 56% et 21%, respectivement.

«Ceci montre que les efforts structurels entrepris par la Commission européenne (CE) portent leurs fruits en tant que facteurs de soutien», souligne Christopher Flensborg. «Ainsi, si la CE parvient à maintenir son rythme et publier davantage de directives, les perspectives pour l’Europe devraient rester très positives», espère Christopher Flensborg. «Globalement, nous sommes haussiers pour 2019, ainsi qu’à moyen et long terme, sur la base d’un stock croissant d’opérations de refinancement à combler combiné à la formation importante de projets d’investissement dans les infrastructures vertes», anticipe Christopher Flensborg.

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