La taxonomie verte, pour un langage commun de l’UE

Jean-Philippe Desmartin, Edmond de Rothschild Asset Management

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L’Union européenne, qui s’engage sur la neutralité carbone d’ici 2050, souhaite accélérer le financement des actifs verts.

En ce début 2020, la nouvelle Commission européenne, en premier lieu via sa présidente Ursula von der Leyen, affirme ses ambitions en matière de financement de la transition énergétique et environnementale. L’Union européenne (UE) souhaite favoriser le fléchage d’un flux croissant de financements vers les actifs verts. Ces véhicules existent depuis des décennies. Des Eco funds existaient ainsi déjà en Suisse au début des années 1990 et les fonds thématiques verts et autres «green bonds» se développent rapidement depuis le début des années 2010. La nouveauté avec le système de classification des activités économiques durables sur le plan environnemental de la taxonomie verte est de disposer désormais d’un langage commun au sein de l’UE, notamment pour limiter, voire éviter les accusations de «greenwashing». Le timing est bon car l’urgence climatique et l’engagement de l’UE, à l’exception de la Pologne, de s’engager sur la neutralité carbone à l’horizon 2050 imposent une accélération des investissements dans les actifs verts au cours de la décennie qui débute.

Une activité économique sera considérée comme durable si elle contribue
à au moins un des six objectifs environnementaux et ne nuit pas aux autres.
L’outil est complexe et encore en cours de finalisation

Après un rapport complexe de 414 pages publié en juin, la Commission européenne s’est accordée fin 2019 sur les grandes caractéristiques de cette taxonomie verte pour une finalisation et une mise en œuvre progressive entre fin 2020 et fin 2022. L’approche globale est cohérente. Elle liste de façon précise les activités économiques considérées comme vertes (efficacité énergétique, énergies renouvelables…) dans chacun des six objectifs environnementaux européens. Les six objectifs sont l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la protection de l'eau et des ressources marines, l’économie circulaire incluant le recyclage des déchets, la prévention et le contrôle de la pollution et la biodiversité. Une activité économique sera considérée comme durable si elle contribue à au moins un des six objectifs et ne nuit pas aux autres. La taxonomie verte devrait également intégrer des exigences a minima en matière sociale et de gouvernance. Deux sujets sensibles, le gaz naturel et le nucléaire, seront tranchés prochainement afin d’être retenus ou pas comme technologies favorisant la transition.

L’accès aux informations permettant de classifier les produits et services des entreprises
comme verts est en l’état une montagne infranchissable pour les investisseurs.
Les grandes entreprises cotées mises à contribution

L’accès aux datas, aux informations permettant de classifier les produits et services des entreprises comme verts est en l’état une montagne infranchissable pour les investisseurs. Bonne nouvelle, la régulation européenne impose aux entreprises cotées dans l’Union européenne de plus de 500 collaborateurs de communiquer à l’avenir sur la part de leurs chiffres d’affaires et de leurs investissements qui relèvent de la taxonomie verte. C’est un bon début pour construire une courbe d’expérience aussi bien du côté des émetteurs, des investisseurs que du régulateur européen. Les investisseurs de l’UE devront expliquer de façon transparente comment ils intègrent la taxonomie verte dans leurs fonds verts spécifiquement mais aussi plus généralement dans leur démarche d’intégration ESG au sens des Principes d’Investissement Responsable (PRI) des Nations Unies. 

Un outil pour appuyer un leadership européen sur le climat?

Les investisseurs publics (comme la Banque Centrale Européenne et la Banque Européenne d’Investissement) et privés (investisseurs institutionnels et asset managers) de l’UE sont les premiers acteurs à se saisir de la taxonomie verte et commencent dès aujourd’hui le travail de digestion et d’appropriation de cet outil pour être prêts en 2021-2022, voire avant. Le sujet intéresse aussi en dehors de l’UE, en tout premier lieu les voisins européens comme la Suisse. L’UE n’exclut pas que cet outil serve à appuyer son leadership affiché sur le climat. L’avenir dira ce qu’il en est. Il sera intéressant d’observer à cet égard comment les acteurs globaux des marchés financiers tels que les agences de notation financière vont s’en saisir… ou pas.

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