La propagande déplacée de la Chine sur la pandémie

Minxin Pei, Claremont McKenna College

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La fermeture de tout le pays a coûté cher à la Chine en termes économiques. On s'attend à ce que le PIB du premier trimestre plonge de 9%.

Il y a à peine un mois, la Chine était aux prises avec l'épidémie de coronavirus COVID-19. Des milliers de nouvelles infections étaient confirmées chaque jour. Les hôpitaux étaient submergés. Les gens mourraient par centaines. Les gens ne pouvaient pas sortir de chez eux. Mais le confinement draconien du gouvernement semble avoir fonctionné: l'épidémie semble maintenant sous contrôle. Et apparemment, les dirigeants chinois ont ignoré ses leçons les plus essentielles.

Pour s'en rendre compte, il est bon de se pencher sur leur manière de gérer cette crise. Après avoir entendu qu'un nouveau coronavirus avait été détecté à Wuhan dans la province de Hubei, le premier instinct des autorités locales, comme nous le savons, a consisté à censurer l'information. La police a adressé des avertissements à ceux qui ont alerté l'opinion, comme le docteur Li Wenliang, basé à Wuhan, qui est décédé des suites de la maladie. (La police de Wuhan s'est récemment excusée auprès de la famille de Li.)

Cela aurait dû motiver les dirigeants chinois à mesurer les coûts de la censure et à reconsidérer la nomination de membres du parti sans qualifications à des postes clés de santé publique. Le chef de la Commission sanitaire de la province de Hubei, congédié durant la crise, n'avait aucune formation ni expérience médicale dans le domaine de la santé publique.

Les dirigeants chinois devraient s'inspirer de Singapour et Taïwan
pour tirer les leçons d'une réponse plus intelligente à la crise.

En outre, certains autres pays, en particulier Singapour et Taïwan, ont réussi à contenir l'épidémie COVID-19 sans encourir les coûts élevés que la Chine a connu lorsqu'elle a placé au moins 760 millions de Chinois sous divers degrés de confinement à résidence. Les dirigeants chinois devraient s'inspirer de ces pays pour tirer les leçons d'une réponse plus intelligente à la crise.

Mais loin d'apprendre de leurs erreurs passées, les dirigeants chinois tentent de les dissimuler. Alors que la quasi-totalité de l'économie mondiale s'arrête bel et bien afin de contenir le virus issu de Chine et que les décès en Italie – le nouvel épicentre de la pandémie – dépassent le chiffre de 7500, le Parti communiste chinois a fait passer sa machine de propagande à la vitesse supérieure. Son objectif: modifier le récit de la crise du COVID-19.

Au pays, cela implique de vanter les dirigeants du PC chinois pour mobiliser le pays en vue de «gagner la guerre» contre le virus. Cela signifie également des encouragements vis à vis de la propagation dans les médias sociaux chinois d'histoires exagérées ou complètement fausses sur les réponses «ineptes» des démocraties occidentales à l'épidémie.

À l'étranger, la machine de propagande chinoise organise un fort battage médiatique sur la baisse des taux d'infection, dans le but de prouver qu'un fort leadership centralisé est plus efficace qu'une gouvernance démocratique. Dans le même temps, le gouvernement envoie une aide humanitaire – notamment des professionnels de santé et des fournitures médicales – à des pays durement touchés comme l'Iran, l'Italie et les Philippines.

Mais si les dirigeants chinois espèrent utiliser la pandémie de COVID-19 pour établir  et communiquer leur pouvoir de convaincre, ils vont être probablement très déçus. Tout d'abord, le monde n'est pas près d'oublier de sitôt le rôle que sa tentative préalable de dissimulation a joué – et qui a permis la propagation du virus.

L'opinion dominante hors de Chine à l'heure actuelle consiste à dire que si les dirigeants du pays avaient pris des mesures décisives immédiatement et de manière transparente, la pandémie actuelle aurait pu être évitée. Le PC chinois peut contester ce récit autant qu'il veut, il ne peut pas forcer les médias internationaux à abonder en ce sens. La propagande chinoise n'a jamais trouvé beaucoup de preneurs sur le marché libre des idées: en effet, la plupart des tentatives précédentes du PC chinois en vue d'influencer l'opinion publique internationale sont tombées à plat.

Si une deuxième vague d'infections survient, comme cela est probable,
répéter la même stratégie pourrait conduirait à la ruine économique.

En outre, peu de gens sont tentés par une stratégie de confinement à la manière chinoise. La fermeture de tout le pays a coûté cher à la Chine en termes économiques. On s'attend à ce que le PIB du premier trimestre plonge de 9%. Si une deuxième vague d'infections survient, comme cela est probable, répéter la même stratégie pourrait conduirait à la ruine économique.

Bien sûr, si c'était la seule façon de sauver des vies, les gens pourraient être d'accord. Mais Hong Kong, Singapour et Taïwan semblent tous avoir trouvé un meilleur équilibre entre protection de la santé publique et maintien de l'activité économique.

Dans ce contexte, les efforts humanitaires de la Chine n'auront que peu de chances de redorer son blason. Oui, c'est mieux qu'aucune proposition d'aide du tout. Mais le pays pourrait faire bien davantage pour renforcer la santé publique à l'échelle mondiale – en commençant par partager les quantités massives de données et de connaissances recueillies sur le virus.

La Chine pourrait également intensifier la production de matériels de protection, en particulier des combinaisons HAZMAT et des masques médicaux. La Chine a fabriqué la moitié des masques médicaux du monde avant l'épidémie de COVID-19, et elle a depuis multiplié sa production par 12. Si le virus est vraiment sous contrôle, rien ne l'empêche de faire don de ce matériel de secours à des pays durement frappés, confrontés à de graves pénuries.

En particulier, la Chine devrait faire un don important – par exemple, un milliard de masques médicaux et un million de combinaisons HAZMAT (dix jours d'approvisionnement pour 50 000 professionnels de santé) – aux États-Unis. Cela pourrait suffisamment apaiser les tensions entre les deux pays pour leur permettre – ainsi qu'à l'Union européenne et au Japon – de poursuivre une réponse coordonnée à la pandémie, en particulier une action visant à consolider le système financier mondial et de grands plans de relance pour éviter une dépression.

Lorsque cette pandémie sera enfin terminée, les gens se souviendront de ce que la Chine a fait, et non de ce qu'elle a dit. La Chine restera dans l'histoire soit en tant qu'élément déclencheur qui a fait éclater la crise du COVID-19, soit en tant qu'une des raisons pour lesquelles elle s'est terminée.

 

Copyright: Project Syndicate, 2020.

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