La pauvreté coûte trop cher

Anna Aznaour

2 minutes de lecture

Jacques Grivel, financier et philanthrope suisse, «irrigue» avec son apport les micro-entreprises du tiers monde pour combattre la pauvreté sur la planète.

Thierry Mauvernay et Jacques Grivel. Seules quelque 50 banques dans le monde pratiquent la microfinance. © Anna Aznaour

«Pour développer les pays émergents, il faut deux conditions : la démocratie et la microfinance», estime Thierry Mauvernay, CEO de Debiopharm et hôte du conférencier Jacques Grivel. Ce dernier, diplômé de l’EPFL, financier et créateur de la société Fundo, vient en aide aux petits entrepreneurs dans des pays en voie de développement. En quinze ans d’activité, plus de 2 millions d’entreprises à travers 65 pays ont ainsi pu bénéficier de ses microcrédits pour se lancer et croître.

Microfinance : comment ça marche

Il s’agit d’une chaîne d’investisseurs. Fundo récolte des capitaux institutionnels en Suisse, et accorde des prêts à environ 200 micro-banques dans des pays émergents, qui elles, les prêtent à leur tour à un chargé de crédit. Ce dernier, lui, se déplace dans différentes localités pour rencontrer des micro-entrepreneurs potentiels. Le taux d’intérêt des emprunts est de 30%, chiffre élevé qui s’explique par les 15% d’inflation dans la monnaie locale. Les fonds reçus, les emprunteurs qui partent souvent de rien, utilisent uniquement sur le marché de leur pays, et ont, de ce fait, une croissance infinie par rapport à leur situation de départ. Le montant du prêt par personne et par pays est de l’ordre d’un tiers du PIB par habitant, et se situe entre 300 et 3'000 dollars. Cette échelle de fonds nécessaire à l’entreprenariat est presque similaire en Suisse, où, pour créer une société à responsabilité limité (SÀRL) il faut 20'000 francs, soit un tiers du PIB par habitant du pays qui est de 60'000 francs.

La microfinance peut :
  • réguler la démographie : Le taux élevé de natalité dans les pays émergents est souvent lié à la précarité du lendemain, c'est-à-dire que les gens font beaucoup d’enfants en guise d’assurance vie afin d’avoir du soutien à un âge avancé. La micro-finance les aide à sortir de la précarité et, ce faisant, régule la démographie mondiale ;
  • financer les retraites en Suisse : un retraité qui a 2'500 francs par mois dans notre pays touche plus d’argent que 95% de la population mondiale. Or le vieillissement de la population et le payement des rentes AVS en Suisse peuvent bénéficier de la croissance des pays émergents, qui constituent des terreaux propices pour des investissements au rendement important. Au cours des quatorze dernières années, pour ce type de microcrédit, il n’y a eu que 3 mois négatifs. Ce qui rend cet instrument financier le plus sûr de tous, et a, par ailleurs, permis d’amortir la crise financière de 2008 ;
  • stopper la migration vers l’Europe : de plus en plus d’Africains prennent le risque de traverser la Méditerranée pour fuir la misère de leur pays où ils ne trouvent pas de travail ;
  • faciliter l’accès aux services financiers : la moitié de la population du Nigéria, qui compte 200 millions d’habitants, n’a ni carte d’identité ni compte bancaire. Une réalité qui oblige les gens à avoir beaucoup de cash sur eux, et entrave leurs possibilités d’épargne et d’investissements.

Actuellement, seules quelque 50 banques dans le monde pratiquent la microfinance, et les deux pays les plus actifs en la matière sont la Suisse et les Pays-Bas. «S’il y a beaucoup de violence dans le monde, c’est aussi parce que les gens sont en colère à cause de l’injustice qui est à l’origine de leur situation précaire. Leur donner la possibilité de disposer de moyens pour s’en sortir, c’est leur rendre leur dignité», conclut Jacques Grivel.