La patience est de rigueur

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin

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Une sous-pondération des actions et un positionnement plus défensif dans le portefeuille sont recommandés pour résister aux fluctuations des marchés.

Le nouveau regain de tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine a pris les investisseurs à contre-pied et a entraîné un net repli des marchés financiers en mai. L’accroissement des incertitudes pourrait retarder la reprise attendue de l’économie et les investisseurs devront faire preuve de patience jusqu’à ce que la situation s’améliore. Nous ne pensons pas que la Réserve fédérale américaine va se précipiter à la rescousse de l’économie, ce qui pourrait se traduire par de nouvelles déconvenues. C’est pourquoi, nous maintenons la sous-pondération des actions et gardons un positionnement prudent au sein de nos portefeuilles mixtes. Les performances des portefeuilles depuis le début de l’année sont très satisfaisantes et nous tablons sur une nouvelle amélioration de l’environnement d’investissement au second semestre.

En mai, le moral des investisseurs a oscillé entre espoir et désespoir.

Le récent regain de tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et l’incertitude croissante des investisseurs quant à une nouvelle escalade et à ses effets négatifs sur l’évolution de la conjoncture économique mondiale ont entraîné d’importantes fluctuations sur les marchés financiers. En mai, le moral des investisseurs a oscillé entre espoir et désespoir. Les actions des marchés émergents (ME) ont particulièrement souffert des annonces de droits de douane.

 

Les emprunts d’État à long terme ont fait office de valeurs refuge, à la faveur de l’hypothèse d’une possible baisse des taux directeurs.

Macro-économie: la reprise devrait intervenir plus tard que prévu

Alors que l’anticipation d’une reprise économique au second semestre avait déjà été intégrée dans le scénario central de nombreux analystes, l’incertitude quant aux conflits commerciaux – avec la Chine mais aussi en Europe et au Japon – et la déception occasionnée par les données macro-économiques aux États-Unis ont entraîné une baisse des prévisions économiques et plombé le moral des investisseurs. L’incertitude liée à l’évolution de la politique commerciale peut, dans le pire des cas, déclencher une récession. En temps normal, elle devrait retarder la reprise attendue au second semestre.

 

Le véritable danger ne réside pas tant dans les salves de droits de douane que dans les mesures qui vont au-delà des simples barrières tarifaires. L’exclusion de Huawei, le géant chinois de la technologie, du marché américain est susceptible de déclencher de nouvelles mesures de rétorsion de la part de la Chine. Les chaînes d’approvisionnement de certaines entreprises mondiales risquent de connaître des changements majeurs, qui auront des répercussions négatives sur les bénéfices et les investissements. Les coûts de la guerre commerciale étant très élevés et imprévisibles pour les deux camps, il est très probable que les États-Unis et la Chine parviendront à un accord. Une solution provisoire n’est toutefois pas attendue avant le sommet du G20 de fin juin au Japon. 

Il n’est pas surprenant que le marché anticipe actuellement
plus de deux baisses des taux directeurs cette année.
Obligations: la Fed réagira-t-elle?

La forte hausse des incertitudes politiques sur les marchés a considérablement accru la demande de valeurs refuge, comme les obligations d’État américaines et allemandes. En outre, les anticipations d’inflation ont sensiblement baissé et l’environnement de politique monétaire est très accommodant, ce qui maintient la pression sur les rendements.

 

L’anticipation de baisse des taux s’explique également par la grande confiance des investisseurs dans le soutien de la Réserve fédérale (Fed), soutien que les membres de la Fed font tout pour maintenir. Selon Eric Rosengren, membre votant du FOMC, les risques pesant sur l’économie américaine sont actuellement suffisamment élevés pour justifier une politique monétaire attentiste. James Bullard, qui a également le droit de vote, craint même que la hausse des taux d’intérêt de décembre dernier ait été un peu trop importante. Il n’est donc pas surprenant que le marché anticipe actuellement plus de deux baisses des taux directeurs cette année. Cela semble quelque peu exagéré, d’autant que l’économie américaine croît au-dessus de son potentiel, que le taux de chômage est à son plus bas niveau sur 50 ans et que les salaires augmentent.

Seules les obligations des ME en monnaie locale
ont subi des pressions ces dernières semaines.
Les obligations des ME résistent

Dans ce contexte, les obligations des marchés émergents (ME) ont bien résisté, malgré la légère hausse récente des primes de risque de crédit. L’environnement économique reste porteur, les pressions inflationnistes sont faibles et les banques centrales locales disposent encore d’une importante marge de manœuvre sur le plan monétaire. Seules les obligations des ME en monnaie locale ont subi des pressions ces dernières semaines en raison de la vigueur du dollar américain. Cependant, la nette sous-évaluation des monnaies des ME par rapport au dollar américain, le niveau élevé des taux d’intérêt réels et la stabilité de l’environnement monétaire conjuguée à de possibles baisses des taux d’intérêt plaident en faveur de la classe d’actifs.

 
Actions: les pays émergents recèlent du potentiel

La montée des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine domine l’évolution des marchés boursiers mondiaux. Les fluctuations journalières du marché ont fortement augmenté depuis l’onde de choc créée par le tweet du président américain. Chaque nouveau message se traduit par des fluctuations parfois très importantes. Ces dernières semaines, le ton s’est considérablement durci tant aux États-Unis qu’en Chine et les actions des ME et en particulier le marché boursier chinois ont subi de fortes pressions à la baisse. La hausse des droits de douane sur les produits chinois importés aux États-Unis et l’embargo commercial américain contre le groupe technologique chinois Huawei pèsent lourdement sur l’Empire du Milieu. Mais Pékin reste fermement convaincu que son marché financier domestique doit refléter la vigueur de l’économie. Et la marge de manœuvre de la Chine en matière de politique budgétaire et monétaire est élevée. Le scénario d’une accélération de la croissance en Chine reste intact et les actions chinoises devraient donc également se redresser. La baisse des taux d’intérêt en dollar américain et la dépréciation du billet vert devraient également soutenir les autres pays émergents.

Allocation d’actifs: positionnement prudent

L’environnement reste délicat pour les actions. Actuellement, les risques prédominent et l’offensive lancée contre la Chine par l’administration américaine reste un facteur d’incertitude qu’il ne faut pas sous-estimer. Nous prévoyons toujours que les États-Unis et la Chine parviendront à un accord dans le différend commercial qui les oppose. Reste à savoir l’ampleur des dommages qui seront causés d’ici là et le retard que prendra la reprise attendue de l’économie. Les investisseurs risquent donc de devoir s’armer de beaucoup de patience pour résister aux fluctuations des marchés. Aussi préconisons-nous une sous-pondération des actions et un positionnement plus défensif dans le portefeuille.

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