La finance au féminin

Salima Barragan

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«Les femmes investissent via les réseaux sociaux et les plateformes de trading», observe Barbara Stewart.

En matière d’investissements, le fossé entre les genres s’estompe. Au début des années quatre-vingt, la participation des hommes dans les marchés boursiers américains s’élevait à 60% alors que seulement 40% de femmes y participaient. Près de quarante ans plus tard, nous arrivons à la parité. Les banques et sociétés financières qui l’on aussi constaté, ajustent leur communication à l’attention des dames, devenues des cibles commerciales de premier ordre. Comment les «boursicoteuses» se distinguent-elles? Barbara Stewart qui est experte et chercheuse sur les besoins des femmes dans les investissements, est de passage à Genève mercredi lors d’une conférence organisée par CFA Society Switzerland pour répondre à cette question. Elle partagera les conclusions de la 9ième édition de son livre blanc.

Une approche pragmatique

Après avoir enquêté sur un grand panel de femmes qui investissent dans les actions, Barbara Stewart a découvert qu’en matière de placements, leur façon de communiquer diffère de celle de leurs homologues masculins: «Les femmes ont acquis des notions de gestion par des discussions informelles. Elles préfèrent apprendre à trader en partageant des expériences vécues individuelles». Selon l’enquête, seulement 15% de femmes ont sollicité les conseils de spécialistes de l’investissement et 11% ont eu recours à une formation financière spécifique.

Plus de 85% des femmes favorisent en priorité les actifs
qui promeuvent la santé et le bien-être des employés.

Une fois les notions de base intégrées, que font-elles de leur liquidité? «Elle l’investissent dans leur idéaux», répond la chercheuse qui a précédemment travaillé dans le secteur bancaire: «Lors d’une expérience professionnelle au sein d’une grande banque nordique, j’ai constaté que 96% des femmes investissaient dans des produits durables», illustre-elle. Ainsi leurs décisions d’investissement semblent moins motivées par des espérances de rendement exprimées en pourcentage que par leurs convictions personnelles. Bien que les profils d’investissement ne diffèrent guère entre les deux sexes, plus de 85% des femmes favorisent en priorité les actifs qui promeuvent la santé et le bien-être des employés et des consommateurs (contre 70% chez les hommes).

Balayer les stéréotypes

Les stéréotypes ont la vie dure et il n’est pas rare d’entendre, surtout dans le monde de la finance, que «les femmes ne prennent pas de risques». Leur aversion au risque est-elle aussi élevée que prétendue? Lorsqu’il s’agit de la mesurer, Barbara Stewart préfère utiliser l’expression «conscience du risque». «En général les femmes sont perfectionnistes, elles vont rentrer dans les détails et sur-analyser les informations. En fin de compte, elles prennent leurs décisions d’investissement sur la base de risques bien calculés», explique-t-elle. Les femmes seraient-elles en fait non moins téméraires, mais plus assidues dans leurs devoirs de gestion que leurs homologues masculins?

A l’heure d'Investdiva.com

Pour la chercheuse canadienne, c’est par l’explosion des médias sociaux et des plateformes de trading qu’elle explique la popularité soudaine de la finance auprès des femmes: «Ces nouveaux médias, les clubs d’investissement et les chats dédiés rendent la finance plus accessible que jamais via leur smartphone». Des applications conviviales où acheter et vendre des actions devient aussi aisé que commander des biens en ligne.

Les réseaux de plateformes de trading sociaux ont changé la donne
et ont déjà devancé les banques en captant de juteuses parts de marché.

A titre d’exemple, Sallie Krawcheck, l’ancienne CEO de Merrill Lynch Wealth Management and Smith Barney, a lancé avec succès sa plateforme de trading social Elleinvest.com, dont le slogan est «Investissez comme une femme». Krawcheck explique les stratégies d’investissement aux femmes connectées à son réseau. Ces nouveaux genres de plateformes de trading au féminin sont d’excellents lieux de rencontres virtuels pour s’informer, échanger et réseauter à tout heure de la journée. Des femmes fortunées comme Serena Williams auraient déjà été conquises par ce site.

L’analyste financière et chartiste Kiana Danial est une seconde illustration médiatique de la monté en puissance des femmes dans le trading. A travers sa plateforme de trading en ligne Investdiva.com dédiée aux femmes, cette professionnelle des marchés d’origine Perse «apprend aux mamans occupées comment gagner 12’673 dollars de revenus passifs par mois avec les actions, sans pour autant être une férue de math», lit-on sur un de ses site web. Maintenant, à voir si les performances annoncées suivent…mais cela est un autre débat.

Les banques s’adaptent…

Ces nouvelles possibilités de boursicotage en communauté ont bouleversé le comportement des femmes qui partagent entre elles leurs idées d’investissement et lèvent aisément des campagnes de crowdfunding.

Les sociétés financières bien établies, habituées à une clientèle majoritairement patriarcale, n’avaient aucun enjeu commercial vis-à-vis des femmes (qui traditionnellement, rappelons-le, ne s’occupaient pas vraiment des questions d’argent). Mais les réseaux de plateformes de trading sociaux ont changé la donne et ont déjà devancé les banques en captant de juteuses parts de marché. «Les institutions financières traditionnelles se dépêchent de changer leur communication pour attirer les femmes, qui souhaitent dorénavant être indépendantes financièrement», note Barbara Stewart.