La création de valeur intervient toujours davantage hors bourse

Yves Hulmann

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Il n’a jamais été aussi facile de se financer à l’aide de capitaux privés qu’actuellement, souligne Maurice Pedergnana, directeur de la SECA.

Un nouveau record de financement à l’aide du capital-risque a été atteint en Suisse l’an dernier. En 2018, les start-up helvétiques ont reçu près de 1,24 milliard de francs en capital-risque au cours de 230 tours de financement, a indiqué le Swiss Venture Capital Report 2019, publié mardi par le portail d'information startupticker.ch, en collaboration avec l'Association suisse des investisseurs en capital et de financement (SECA). Cette augmentation de 299 millions de francs, ou de 32% sur un an, par rapport à 2017 impressionne encore davantage lorsqu’on la met en perspective sur plusieurs années. 

Montant quadruplé en six ans

En 2012, 316 millions de francs avaient été levés par des jeunes pousses helvétiques au cours de 61 tours de financement. En 2018, les cinq plus grands tours de financement réalisés en Suisse ont déjà dépassé à eux seuls ce montant: les principales levées de fonds ont été réalisées, dans l’ordre, par la fintech zougoise SEBA Crypto (100 millions de francs), l’éditeur de logiciels lausannois Nexthink (84,2 millions), la société zurichoise active dans la réalité virtuelle WayRay (77 millions), la biotech bâloise Therachon (59,4 millions) et la plateforme zougoise spécialisée dans les produits de luxe CHRONEXT (33,2 millions). Cette année, le secteur des technologies de l’information et des télécommunications (ICT) a récolté le plus d’argent (685 millions de francs), devançant les sciences de la vie (253 millions) et les techniques médicale (123 millions).
Pas de doute pour Thomas Heimann, directeur des statistiques à la SECA, «ces chiffres attestent de la maturité atteinte par l’écosystème de création d’entreprises en Suisse».

Seules quatre jeunes entreprises technologiques suisses
ont réalisé une entrée en bourse l’an dernier.

A l’inverse, seules quatre jeunes entreprises technologiques helvétiques ont réalisé une entrée en bourse l’an dernier, à savoir Sensirion, Medartis, Polyphor et A Small World. Une vingtaine d’entreprises ont en revanche été revendues par leur fondateur directement à une grande société. La plus grande transaction de ce type a été réalisée par la biotech genevoise Prexton Therapeutics, selon le rapport de la SECA.

Le nombre relativement modeste de sociétés helvétiques financées avec du capital-risque qui ont osé franchir le pas de l’entrée en bourse contraste avec l’euphorie qui prévalait au début des années 2000. Une évolution qui ne surprend pas vraiment Maurice Pedergnana qui est aussi professeur en finance à l’institut IFZ rattaché à la Haute Ecole de Lucerne. «Aux Etats-Unis, le nombre des entrées en bourse a reculé significativement. La création de valeur effective hors bourse tend à augmenter. Et même pour nombre de nouvelles sociétés qui font ensuite une IPO, la part de la création de valeur qui intervient avant l’entrée en bourse tend à gagner en importance», observe-t-il. «Les possibilités pour une entreprise de se financer sans être coté en bourse n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui», résume le professeur.

La part allouée au capital-risque
est insignifiante chez les caisses de pension.

Pour les investisseurs qui placent leur argent uniquement via des véhicules cotés en bourse, cela signifie aussi qu’ils se satisfont d’un univers de placement plus restreint. Et qu’ils renoncent à des rendements potentiellement élevés: «Dans le capital-risque, le rendement moyen, en tenant compte de la médiane, est à deux chiffres», rappelle Thomas Heimann.

En Suisse, les caisses de pension n’investissent toujours qu’une infime partie de leurs placements dans le capital-risque et le capital-investissement. Même parmi les grandes institutions de prévoyance qui gèrent des actifs dépassant le milliard de francs, la part allouée au capital-investissement, considéré dans sa totalité, n’atteint que 3,9% - dont seulement un dixième, soit 0,3%, est consacrée au capital-risque proprement dit, observe Maurice Pedergnana.

Des investissements plus accessibles

Pour les investisseurs, les possibilités de placement dans des fonds de capital-risque continuent de gagner en diversité. Plus d’une douzaine de nouveaux fonds dédiés au capital-risque ont ainsi été mis sur pied en 2018, observe la SECA. Des fonds réservés aux seuls investisseurs les plus fortunés? Thomas Heimann nuance: «La plupart des fonds dédiés au capital-risque sont réservés à des investisseurs qualifiés. Via l’intermédiaire de pool, il est néanmoins devenu plus facile d’y accéder. Il n’est plus nécessaire d’avoir au moins un demi-million de francs pour pouvoir investir dans le capital-risque», relativise-t-il.

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