L’origine des performances contrastées des hedge funds

Cedric Vuignier, José Sanchez, Banque SYZ

6 minutes de lecture

La «guerre commerciale» entre la Chine et les Etats-Unis, la hausse des taux d’intérêt américains et des revirements de tendance radicaux en sont à l’origine.

  • Retour de la volatilité et nouvelles opportunités.
  • Dispersion accrue des rendements.
  • Creusement des spreads des opérations de fusion.
  • Prédilection pour les stratégies de faible exposition nette dans le cadre des actions.

SITUATION À CE JOUR

Au cours des quatre premiers mois de 2018, la volatilité a fait son grand retour sur le marché actions. Nous nous attendions à ce qu’elle augmente par rapport à ses niveaux anormalement bas de l’an dernier. Le recours plus fréquent aux stratégies d’arbitrage en 2017 a été payant, principalement l’arbitrage des obligations et de la volatilité, ces deux composantes étant restées positives pendant la correction survenue en février et en mars.

La «guerre commerciale» entre la Chine et les Etats-Unis, la hausse des taux d’intérêt américains et des revirements de tendance radicaux sont à l’origine des performances très contrastées des hedge funds. Certains gérants ayant pris plus de risques (par exemple via un niveau de concentration plus important) en raison de la faiblesse de la volatilité en 2017 ont été pénalisés par des événements idiosyncratiques au cours de la période. Mais si les hedge funds ont terminé la période en légère baisse, ils sont restés positifs, selon les indices.

La plupart des gérants Discretionary Macro
ont rencontré des difficultés pour générer des performances.

Nous sommes convaincus que l’environnement actuel est favorable aux hedge funds. Les investisseurs éprouvent des difficultés pour allouer leurs capitaux et cette classe d’actifs offre des rendements ainsi qu’une protection contre le risque de baisse qui devrait s’avérer utile compte tenu du climat d’incertitude qui devrait régner dans les années à venir. Le processus de normalisation devrait se poursuivre, mais le durcissement de la Réserve fédérale américaine (Fed) et la réduction du programme d’assouplissement quantitatif en Europe devraient être favorables aux opérations sur taux et créer de nouvelles opportunités sur le marché actions. Ils devraient également permettre de maintenir les niveaux accrus de volatilité et de dispersion des performances favorables à la plupart des stratégies.

Vous trouverez à la fin de cette étude notre opinion sur la blockchain et les crypto-monnaies.

MACRO

Tout comme au cours des quatre derniers mois de 2017, la plupart des gérants Discretionary Macro ont rencontré des difficultés pour générer des performances au cours des quatre premiers mois de 2018. L’année avait pourtant bien commencé, les allocations risquées ayant bénéficié des plus hauts sur 20 ans atteints par les marchés. En effet, malgré le niveau relativement faible de certains budgets de risque, les gérants avaient, pour la plupart, conservé une préférence pour la croissance mondiale synchronisée, principalement via des positions short sur les obligations et long sur les actions. Les gérants systématiques ont tiré parti du nouveau thème axé sur une exposition short aux dollars US. Mais les choses se sont corsées début février avec l’augmentation de la volatilité après des années au plus bas, ce qui a eu pour effet de générer des résultats contrastés pour les gérants discrétionnaires. La progression des taux a compensé la correction massive des actions qui a pénalisé la majorité des gérants systématiques. Par conséquent, l’exposition aux actions a été revue à la baisse, la plupart des gérants ayant clôturé la période sous revue avec une approche défensive.

Nos perspectives

Nous maintenons nos perspectives positives concernant la stratégie Macro, compte tenu de l’importance accrue accordée aux fondamentaux et du fait que les taux commencent à peser sur les marchés émergents. Les gérants tentent de concilier des perspectives de croissance optimistes avec une phase de consolidation indéterminée, sur fond de risque de «guerre commerciale» entre la Chine et les Etats-Unis.

Les taux à 3 mois se sont envolés ces dernières années

Source: Morgan Stanley Research, Bloomberg, SYZ Asset Management.
Données au: 30 avril 2018
EQUITY HEDGE

Les marchés sont particulièrement agités depuis quelque temps: les rendements américains à 10 ans ont gagné plus de 100 pb entre leur plus bas en septembre 2017 et leur plus haut à 3,03% atteint en avril 2018. Pendant ce temps, les marchés actions ont connu une mauvaise passe. La hausse des taux se traduit par une augmentation du coût du capital pour les entreprises et influe mécaniquement sur leurs valorisations dans les modèles de trésorerie actualisés. Toutefois, l’augmentation des coûts de financement a un impact bien plus important sur les secteurs à forte intensité capitalistique ou dont les titres sont assimilables à des obligations, tels que les services aux collectivités, les télécommunications ou les biens de consommation de première nécessité, que sur les secteurs axés sur la croissance comme les technologies ou les biens de consommation cycliques. Ce phénomène se reflète dans la performance des secteurs mondiaux depuis le début de l’année jusqu’à fin avril. Les biens de consommation discrétionnaire ont augmenté de 4,4% en dollars et les technologies de l’information et l’énergie de 3,5%. En revanche, les biens de consommation de première nécessité (-7,2%), l’immobilier (-5,1%) et les télécommunications (-3,9%) ont sous-performé dans un marché globalement stable. Malgré les performances négatives enregistrées en février et en mars, l’indice HFRI Equity Hedge a gagné 0,8% sur la période principalement grâce aux bons résultats de janvier (2,9%). La sous-stratégie HFRI Equity Market Neutral a progressé de 0,5% pendant les quatre premiers mois de l’année.

Nos perspectives

L’environnement est devenu plus sélectif pour les gérants Equity Long/Short compte tenu de la forte augmentation des corrélations entre actions et du coût du capital depuis le début de l’année. Toutefois, la hausse de la volatilité ouvre aussi de nouvelles opportunités. Par conséquent, nous préférons les fonds sectoriels ou plurisectoriels assortis d’une faible exposition nette afin d’atténuer les rotations sectorielles soudaines et les pertes importantes sur les marchés.

Les secteurs défensifs des biens de consommation ont été affectés par la récente hausse des rendements, alors que les biens de consommation cycliques sont restés solides

Source: Bloomberg, SYZ Asset Management.
Données au: 30 juin 2017 - 30 avril 2018
EVENT-DRIVEN

Pendant la période sous revue, la dispersion des rendements des hedge funds Event-Driven s’est fortement accrue. La volatilité des actions a atteint des sommets en février et influé sur les fonds de type «Special Situations» fortement exposés au bêta. Les spreads des stratégies Merger Arbitrage se sont creusés en février et en avril et ont atteint des niveaux quasiment inédits au cours de ces dernières années. Les investisseurs ne s’attendaient pas à ce que les autorités américaines, notamment le ministère de la Justice et le Comité des investissements étrangers, rejettent autant d’opérations. Si les Etats-Unis offraient par le passé des conditions prévisibles en matière de fusions-acquisitions, ce n’est plus le cas depuis l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump. En outre, à la suite de l’annonce du président américain de la possible imposition de droits de douane sur les importations chinoises, le ministère chinois du Commerce a décidé de différer son accord pour l’acquisition de NXP par Qualcomm, alors que huit autres pays avaient déjà approuvé l’opération. Le fabricant américain de puces électroniques doit, contre toute attente, déposer une nouvelle demande auprès de la Chine. Les actions de NXP ont chuté, ce qui a entraîné des pertes importantes pour les spécialistes des fusions. Le creusement des spreads a dans un premier temps pénalisé les investisseurs, mais il offre également des opportunités pour les fonds plus flexibles. Les opportunités de crédit sont restées relativement limitées, mais elles devraient augmenter en phase avec le changement de direction du cycle économique.

Nos perspectives

Compte tenu de l’augmentation de la volatilité des actions et des spreads des stratégies d’arbitrage de fusion, les perspectives des stratégies Special Situations se sont assombries contrairement à celles des fonds Merger Arbitrage qui se sont éclaircies. Il semble judicieux de surpondérer l’Europe, où les règles sont plus stables, et de sous-pondérer les Etats-Unis et les marchés émergents, compte tenu de l’imprévisibilité du gouvernement américain et de ses relations avec la Chine.

Indice exclusif de dispersion des rendements des hedge funds Event-Driven

Source: SYZ Asset Management. Données au: 30 avril 2018
RELATIVE VALUE

Le retour tant attendu de la volatilité après des années au plus bas (volatilité réalisée et implicite) a eu lieu le 5 février, après un mois de janvier irrationnel. Les gérants Credit ont eu des difficultés à s’adapter à la hausse de la volatilité des actions et à la baisse des rendements des emprunts d’Etat. Les obligations à haut rendement ont fait l’objet de sorties de capitaux en raison de l’intérêt des investisseurs pour les titres à taux variable. Les gérants Long/Short ont surperformé les gérants Distressed, car l’allocation aux titres résiduels n’a pas été payante. Le positionnement est resté relativement idiosyncratique, la plupart des gérants n’ayant pas dépassé la fourchette basse de leur budget de risque. A l’inverse, les stratégies de taux et d’arbitrage de volatilité ont affiché de solides performances et ont su tirer parti du revirement de tendance de la volatilité pour réallouer plus de capitaux aux positions Equity Volatility Arbitrage et Swap Rates.

Nos perspectives

Les opportunités sont de plus en plus nombreuses pour les spécialistes des taux et de la volatilité, en raison de l’augmentation des rendements et des «swap spreads» et surtout de la normalisation de la volatilité des actions. Comme indiqué précédemment, nous restons prudents quant aux stratégies Credit Long/Short, car la plupart des gérants adoptent une attitude défensive, attendant que la volatilité présente sur le marché actions gagne celui du crédit. Toutefois, nous sommes confiants vis-à-vis de la stratégie Capital Structure Arbitrage qui devrait bénéficier de l’hétérogénéité accrue des performances.

La volatilité réalisée du S&P 500 progresse enfin

Source: Morgan Stanley Research, Bloomberg, SYZ Asset Management.
Données au: 30 avril 2018
NOS CONVICTIONS

Blockchain et crypto-monnaies: révolution ou illusion?

La blockchain, même si elle n’en est qu’à ses balbutiements, est une technologie révolutionnaire et innovante. Elle changera probablement les normes de nombreux secteurs économiques.

Dans celui de la finance, par exemple, avec des applications réelles dans les domaines des paiements internationaux (accès bancaire dans les zones reculées, forme de monnaie stable), des paiements B2B (menace pour le système SWIFT), du trading et du règlement de titres, de la gestion de garanties bancaires, etc.

Il n’est pas simple de s’exposer à la technologie de la blockchain. L’une des meilleures façons d’y parvenir est sans doute d’investir dans des entreprises qui développent ou proposent des solutions basées sur la blockchain. Ces entreprises sont principalement des start-up constituant des investissements en capital-risque et nécessitant une approche fondée sur le capital-investissement avec un horizon d’investissement à long terme.

Si une crypto-monnaie devenait la nouvelle norme internationale,
son cours pourrait bien augmenter.

Il est également possible d’investir, de manière directe, dans les crypto-monnaies pour s’exposer à la croissance de la technologie de la blockchain et, de manière indirecte, dans son infrastructure sous-jacente. Le bitcoin est la première application visible de la blockchain, mais il est difficile d’en estimer la valeur. Les investissements dans le bitcoin ou toute autre crypto-monnaie restent donc un pari sur l’avenir.

La technologie devrait avoir de nombreuses applications dans les années à venir, mais l’utilisation d’un plus grand nombre de crypto-monnaies, notamment le bitcoin, est moins sûre, car elle risque de se heurter à certaines limites. Cependant, si une crypto-monnaie devenait la nouvelle norme internationale et une «monnaie de réserve» adoptée par tous les acteurs du marché, son cours pourrait bien augmenter. Mais ce n’est encore qu’une hypothèse et rien ne prouve que cette monnaie serait le bitcoin.

Malgré ces incertitudes, les personnes souhaitant investir dans une ou plusieurs crypto-monnaies au sein d’un portefeuille mondial seront ravies d’apprendre que ces instruments offrent les avantages de la diversification grâce à une très faible corrélation avec les actifs traditionnels. De plus, les crypto-monnaies ne nécessitent pas d’allocation importante compte tenu de la volatilité élevée et des rendements importants attendus.

Parmi les solutions d’investissement alternatives existantes, les fonds diversifiés intégrant plusieurs crypto-monnaies constituent probablement l’option la moins risquée pour investir dans ce domaine. En revanche, la sélection de tels fonds nécessite des compétences spécifiques en matière de compréhension technologique et, plus important encore, une évaluation minutieuse du cadre opérationnel et des risques liés à la sécurité. Il est d’autant plus difficile de prendre les précautions nécessaires que très peu de gérants de crypto-monnaies disposent d’historiques de performance éprouvés et suffisamment longs.

Le bitcoin et les classes d’actifs traditionnelles présentent de faibles corrélations

Source: Bloomberg, SYZ Asset Management.
Données au: 31 octobre 2012 - 30 avril 2018