L’investissement responsable: le rôle actif des fonds passifs

Andreas Zingg, Vanguard

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Parvenir à concilier les exigences d’investisseurs orientés court terme avec une création de valeur à long terme reste un défi pour les entreprises.

Ces cinq dernières années, l’intérêt des sociétés pour la gestion d’entreprise axée sur la création de valeur responsable et durable a fortement augmenté. En Suisse également, car les investisseurs individuels et institutionnels souhaiteraient que leurs objectifs à long terme soient satisfaits, et que leurs investissements dans des entreprises soient bien gérés et efficacement surveillés. Parvenir à concilier les exigences d’investisseurs orientés vers le court terme avec une création de valeur à long terme reste néanmoins un défi pour les entreprises du monde entier.

Aussi, les commissions d’experts et les autorités de surveillance au sein de l’Union Européenne (UE), en Grande-Bretagne et dans d’autres pays européens cherchent-elles des solutions pour instaurer des horizons de planification à long terme, tant dans les entreprises que chez leurs actionnaires. Par exemple, la stratégie de la Commission européenne en matière de finance durable entend promouvoir l’intégration des facteurs ESG (environnementaux, sociétaux, et de gouvernance) sur les marchés financiers. Le nouveau UK Stewardship Code ou code de bonne gestion pour les investisseurs institutionnels et prestataires de services financiers britanniques aborde également la question du développement durable. L’accent est mis sur la responsabilité de l’investisseur, autrement dit la manière dont les droits de vote des investisseurs sont utilisés et l’organisation du dialogue avec les organes dirigeants et de surveillance des entreprises cotées en bourse.

Critères ESG, un recentrage sur l’essentiel

Les investisseurs au long cours accordent de l’importance à la création de valeur durable. L’analyse ESG devrait donc suivre le principe de matérialité et identifier les thèmes déterminants pour la performance.

 Les facteurs importants en matière de développement durable
varient selon le secteur et la région.

Le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) soutient les entreprises ainsi que  les investisseurs et met à leur disposition des informations en vue de l’identification et de la gestion des principaux thèmes liés au développement durable. Ceci s’effectue grâce à des normes comptables spécifiques aux branches qui influent sur la situation financière ou opérationnelle des entreprises.

La relation entre développement durable et rendement est importante pour les entreprises, tout comme la définition des critères ESG, mais le principe de matérialité donne justement lieu à des interprétations différentes. Les investisseurs et les entreprises risquent de trop se concentrer sur des aspects secondaires, et ainsi perdre de vue la création de valeur à long terme.

Les facteurs importants en matière de développement durable varient selon le secteur et la région. La concurrence dans la branche respective, la réglementation, les politiques-cadres, la demande des consommateurs ainsi que les aspects sociaux et environnementaux sont déterminants. Dans l’industrie pétrolière et gazière, la réglementation, la réputation et les risques physiques liés aux émissions de CO2 jouent par exemple un rôle déterminant. Pour les biens de consommation, les chaînes d’approvisionnement, la qualité des produits et la sécurité sont en revanche plus importantes. Pour que les entreprises puissent accroître leur valeur à long terme et que les investisseurs puissent atteindre leurs objectifs à long terme, ils doivent précisément et sciemment surveiller les risques importants.

Une bonne gestion d’entreprise est synonyme de bonne communication

Les entreprises sont ouvertes au dialogue et prêtes à présenter leur stratégie ESG en toute transparence. Cela vaut également pour des thèmes tels que les risques climatiques qui focalisent l’attention du public. De nombreuses entreprises communiquent en outre activement sur des thèmes liés au développement durable avec de nombreux groupe d’intérêts, par exemple les représentants du personnel, les organisations non gouvernementales, les scientifiques et d’autres.

On pourrait qualifier les investisseurs adeptes de la gestion
indicielle d’actionnaires structurellement durables.

Au fond, le développement durable est toutefois encore une question de bonne gouvernance d’entreprise et surtout une tâche pour les comités de surveillance; les investisseurs s’attendent à ce que ceux-ci s’intéressent activement à ces questions. Elles incluent la cybercriminalité, la sécurité des données, les risques climatiques et la gestion du personnel. Les investisseurs exigent des entreprises des rapports transparents et des informations exploitables sur ces risques essentiels, car ils doivent apprécier les facteurs d’influence dans leurs portefeuilles et pouvoir évaluer correctement les entreprises. La communication est donc extrêmement importante.

Investisseurs passifs, propriétaires non passifs

Cela ne s’applique pas uniquement aux gestionnaires actifs, mais aussi aux investisseurs pratiquant la gestion indicielle. On pourrait qualifier les investisseurs adeptes de la gestion indicielle d’actionnaires structurellement durables. Ils investissent en effet dans une entreprise, tant qu’elle figure dans l’indice qu’ils suivent. Ils se concentrent par conséquent sur la manière dont la gouvernance d’entreprise soutient la création de valeur durable sur des années et des décennies, et non sur des mois et des trimestres.

Dans ce contexte, les entreprises devraient s’appuyer sur les principes du SASB pour les risques généraux, ou de la commission d’experts intitulée Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TFCD), lors de l’établissement de leurs rapports. La TFCD est supportée par des entreprises privées et a été créée par le Conseil de stabilité financière des pays du G20, afin d’accélérer l’élaboration de normes uniformes pour la publication des risques financiers liés au climat. On observe certes parfois des normes plus rigoureuses dans les rapports sur les risques, mais au plan mondial le niveau manque cependant d’homogénéité. Au niveau global, la TCFD compte plus de 500 soutiens qui représentent une capitalisation boursière de 7,8 billions de dollars US, parmi eux 457 entreprises et 56  organisations, telles que des associations de branches et des gouvernements (source: TCFD; situation à finseptembre 2018). Les normes SASB n’ont certes été publiées qu’en novembre 2018, il n’empêche que le nombre d’entreprises qui les intègrent augmente à une vitesse fulgurante. Selon les dires de l’organisation, 69 entreprises publient actuellement des rapports conformes aux normes SASB. De nombreuses autres se réfèrent au SASB lors de la constatation de risques importants.

Dans le monde, des initiatives sectorielles s’engagent pour une gouvernance d’entreprise et une responsabilité de l’investisseur de plus grande envergure, avec un horizon comparable de long terme. Ceci inclut les codes de gouvernance et de gestion responsable, tels que l’UK Stewardship Code précité, l’US Investor Stewardship Group et les Global Principles for Responsible Investment, mais aussi les campagnes en faveur de normes plus rigoureuses pour les rapports, notamment SASB et TCFD. Les réflexions à long terme jouent un rôle de plus en plus important dans la chaîne de création de valeur des investissements.