L’IA, un thème d’investissement toujours plus en vogue

Yves Hulmann

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Selon Rolando Grandi, expert en intelligence artificielle (IA) chez LFDE, la Chine est en voie de rattraper les Etats-Unis dans ce secteur.

L’intelligence artificielle suscite à la fois enthousiasme et craintes auprès du grand public. Pour les investisseurs qui s’intéressent aux développements liés à l’intelligence artificielle (IA) et à l’apprentissage automatique («machine learning»), une question récurrente qui se pose est celle de savoir s’il s’agit d’un thème d’investissement en soi ou d’une technologie qui contribue à améliorer et à transformer les processus dans toutes sortes de domaines.

Pour Rolando Grandi, gérant actions internationales et thématiques auprès de La Financière de l’Echiquier (LFDE) et responsable d’un fonds consacré à l’intelligence artificielle (IA), ces deux aspects ne s’excluent pas. D’une part, car cette technologie peut être mise à profit par toutes sortes d’entreprises et de secteurs, que ce soit pour accroître leurs parts de marché ou améliorer leur productivité. D’autre part, car un certain nombre d’entreprises parviennent à exploiter les possibilités de l’intelligence artificielle de manière plus spécifique.

Nouvelle ère technologique

Rolando Grandi n’hésite pas à qualifier l’intelligence artificielle de nouvelle ère technologique. Le spécialiste met en parallèle le début de l’adoption à large échelle des techniques rendues possibles par l’IA, situé en 2017, et d’autres révolutions technologiques majeures comme celles de l’arrivée sur le marché des micro-ordinateurs au début des années 1980, la généralisation des connexions à Internet dans les années 1990 ou encore de la multiplication des smartphones au début des années 2010.

«Les critères d’éligibilité
sont plus qualitatifs que quantitatifs.»

Trois conditions sont actuellement réunies pour permettre à cette technologie de progresser très rapidement. Premièrement, il y a l’abondance de ressources à disposition et le traitement des données en masse («big data»), l’informatique en nuage («cloud computing») qui permet de disposer de capacités de calcul beaucoup plus puissantes qu’auparavant ainsi que les applications qui permettent aux usagers de tirer parti des possibilités de l’IA.

«Enablers» et «users»

Reste à savoir dans quelles sociétés il faut investir pour tirer parti des possibilités de l’intelligence artificielle. L’expert distingue quatre types d’entreprises. Premièrement, il y a les entreprises qui rendent possible l’usage de cette technologie, les «enablers». Viennent ensuite celles qui permettent son application dans différents domaines, ou «users», celles qui vendent ou distribuent les solutions qui s’y rapportent, ou «sellers» et enfin celles qui fournissent l’infrastructure physique ou digitale. Dans la catégorie des «enablers», on trouve des sociétés comme Nvidia, une société américaine qui met à disposition des processeurs graphiques indispensables dans ce domaine, ou encore, à une échelle plus large, le géant des semi-conducteurs Intel. Dans la catégorie des «users», le fonds investit dans des sociétés comme Adyen, une entreprise néerlandaise de service financier spécialisée dans les paiements électroniques, ou la californienne Square, aussi active dans le même domaine.

Compte tenu de la diversité des profils de ces sociétés, quels sont les critères retenus pour inclure ou non une entreprise dans le fonds? «Les critères d’éligibilité sont plus qualitatifs que quantitatifs. Nous n’avons pas fixé de seuil spécifique de chiffre d’affaires, par exemple d’au moins 50%, en lien avec l’intelligence artificielle», explique Rolando Grandi. «Nous cherchons plutôt à savoir si une entreprise dispose des ressources nécessaires non seulement pour pouvoir appliquer cette technologie mais aussi la capacité de la déployer».

«La réglementation sur la protection des données constitue
un frein pour l’essor de projets précurseurs.»

La quantité de données à disposition est aussi un aspect favorisant la compétitivité des entreprises dans ce domaine. «Souvent, ce sont les sociétés actives dans des secteurs dans lesquels elles ont accès à de très grandes quantités de données qui disposent d’un avantage compétitif pour exploiter les possibilités de l’intelligence artificielle. Plus un système a la possibilité de traiter une grande quantité de données, plus il a des chances de progresser», explique-t-il. Les émetteurs de cartes de crédit ou des sociétés de logistique tirent parti de cet aspect. A l’inverse, certaines firmes purement technologiques, comme IBM, n’ont pas réussi à décoller dans l’intelligence artificielle en dépit de leur avantage initial. «IBM a certes été pionnière dans l’intelligence artificielle avec son projet Watson, mais elle n’a pas été suffisamment innovante pour qu’on l’inclue dans notre portefeuille de titres», nuance l’expert.

La Chine a accès à de vastes quantités de données

Quels pays ont les meilleures cartes pour s’imposer dans ce domaine? Pour Rolando Grandi, qui se déplace souvent en Asie, pas de doute, la Chine rattrape à très grands pas son rival américain. «La Chine est désormais quasiment à égalité avec les Etats-Unis dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique», estime le spécialiste. «La partie se joue essentiellement entre les Etats-Unis, la Chine et Israël, en troisième position, même si ce pays se situe loin derrière les deux premiers», juge-t-il. Et qu’en est-il de l’Europe? «Je ne pense pas que l’on verra beaucoup de sociétés européennes émerger comme leaders de l’intelligence artificielle. Le financement des start-up prend trop de temps et la réglementation sur la protection des données constituent un frein pour l’essor de projets précurseurs», analyse-t-il. Cela n’empêche toutefois pas que certaines parviennent à tirer leur épingle du jeu dans l’application des technologies rendues possibles par l’intelligence artificielle, comme par exemple Adyen.

Si l’intelligence artificielle connaît actuellement un développement très rapide, Rolando Grandi conseille néanmoins aux investisseurs intéressés par cette thématique de garder un horizon de moyen à long terme, soit entre trois et cinq ans.