L’Europe à l’aube de la digitalisation

Salima Barragan

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«La digitalisation est dominée par de bonnes sociétés européennes à intégrer dans le stock picking», estime Anis Lahlou-Abid de JP Morgan AM.

 

Le futur de la production industrielle est digital. La digitalisation, ou la retranscription d’un objet en information numérique, permet d’améliorer les processus de production tout en réduisant leurs coûts. Cette quatrième révolution industrielle, qui repose sur l’alliance entre le software le hardware et les données, vient d’Allemagne et les sociétés européennes dominent le marché. Eclairages avec Anis Lahlou, gérant de portefeuilles chez JP Morgan Asset Management.

L’impératif de l’industrie 4.0 est de gagner en compétitivité et ses possibilités d’application sont infinies. De l’aéronautique à l’automobile, aux transports maritimes en passant par l’exploitation minière, tous les secteurs sont concernés. Même du côté des brasseurs, Anheuser-Busch s’est lancé dans l’aventure avec ses bars connectés. «Cette nouvelle tendance structurelle à long terme s’intègre dans les sociétés européennes. Les industries changent leur business model et des poches d’investissement apparaissent dans les semi-conducteurs, les softwares et les services», explique Anis Lahlou-Abid. La digitalisation offre ainsi une plus grande flexibilité dans l’échange des données qui sont au cœur de cet écosystème. «Les données décrivent des séries de processus afin d’optimiser la production et d’ici 10 ans, elles seront omniprésentes», souligne-t-il.

Ces sociétés «business-to-business» permettent aussi
à celles orientées vers les consommateurs d’exister.

Les sociétés technologiques européennes sont moins visibles des consommateurs que les américaines. N’empêche que le vieux continent dispose aussi de ses propres pôles de compétence dans les semi-conducteur et des composants automobiles tels que les capteurs, les lidars de STMicroelectronics et le software industriel. «Il existe des poches de croissance qui passent au-dessous des radars car ces sociétés ne jouissent pas de la même reconnaissance en termes d’image», explique Anis Lahlou-Abid. Le gérant mise également sur la société de conseils Capgemini qui accompagne les sociétés dans la digitalisation de leurs activités.

Le software industriel, méconnu du grand public

Cet outil permet de digitaliser les processus de la chaine de production. Ses leaders, des sociétés européennes se taillent la part de lion avec 59% du marché. Aussi, l’expertise européenne en la matière a élevé les barrières d’entrée. Dassault systèmes, une société pionnière, bénéficie déjà de longues années d’avance et vend ses softwares à des clients issus d’une multitude de secteurs d’activité comme la société pétrolière Exxon Mobil, le fabriquant de meuble Ikea ou encore la maison italienne La Perla, créateur de lingerie pour femmes. «Bien que la valorisation de Dassault soit autour de 50 fois les bénéfices, elle doit être perçue dans un contexte de croissance, tout comme Amazon dont le P/E élevé ne fait pas peur», souligne le gérant. La société allemande, SAP, domine également ce marché. «SAP est une valeur négligée. Elle est connue pour la chaîne logistique des entreprises, mais elle devient plus intégrée avec le CRM (gestion relation client). Ses clients étant des sociétés, les montants des contrats en jeu sont très élevés», ajoute-il.

Ces sociétés «business-to-business» permettent aussi à celles orientées vers les consommateurs d’exister. Dans le secteur de la vente de détail, l’interface digitale d’Adidas permet au client de commander des chaussures de sport personnalisées grâce au procédé d’impression en 3D. «Cet aspect de la production est fondamentale. Cela amène un attrait pour la marque en faisant des séries uniques. C’est une façon de s’approprier une paire de chaussures. Adidas peut produire une paire à un coût de revient unitaire équivalent à celui sur une série de 5000 exemplaires», explique-t-il.

Ce nouveau monde industriel composé de données, mais aussi de big data avec les objets connectés, amènera de nouveaux défis sécuritaires. Pour Anis Lahlou-Abid, protéger les processus et les données à haute valeur ajoutée pour éviter les risques de piratages ou d’espionnages industriels sera crucial. Or, actuellement peu de sociétés se profilent dans la cyber sécurité industrielle. Un domaine à conquérir.