L’économie française après la grève

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Les Français ont compris, à défaut de l’accepter, qu’un durcissement des conditions de départ en retraite était inéluctable.

©Keystone

La grève dans les transports publics en opposition au projet de réforme des retraites a pris fin après sept semaines de perturbations. Le gouvernement n’a pas retiré son projet mais l’a amendé. La question du financement des retraites n’a pas avancé d’un pouce. Elle doit être débattue lors d’une conférence sociale d’ici peu. Hormis un impact négatif (et transitoire) sur le commerce, cet épisode de turbulences sociales n’a pas dégradé les conditions économiques, qui restent positives.

Du 5 décembre jusqu’à la fin de la semaine dernière, le secteur des transports publics (SNCF, RATP) a connu de fortes perturbations en raison d’une grève lancée par les syndicats en opposition au projet de réforme des retraites. La situation est presque revenue à la normale (graphique de gauche ci-dessous). Où en est l’économie après cet événement, quelles sont ses éventuelles implications dans le champ politique?

La trace des grèves est quasi imperceptible
sur le climat des affaires.

La grève a duré plus longtemps qu’il n’était prévisible. Il n’y a certainement aucun vainqueur dans ce conflit social. Les syndicats ont utilisé leur pouvoir de nuisance pour défendre des intérêts corporatistes sans susciter un large soutien populaire. Le gouvernement conserve un projet de réforme, différent de la copie originale, mais il a montré son impréparation (absence de chiffrage précis) sur un sujet qu’il était pourtant censé avoir exploré en détails depuis deux ans. On peine à dire ce qui est le plus désolant dans cette histoire hélas prévisible.

Les enquêtes de conjoncture donnent la mesure la plus immédiate de l’impact de ces perturbations sur l’économie. La trace est quasi imperceptible sur le climat des affaires. En janvier, l’indice synthétique de l’INSEE ressort à 104,5 vs 105 en moyenne sur 2019. L’industrie confirme sa stabilisation, le bâtiment et les services sont stables à de hauts niveaux. Seul le commerce de détail subit, sans surprise, une dégradation, bien moindre toutefois que dans l’épisode «gilets jaunes» (graphique de droite ci-dessous).

La question des retraites mêle deux sujets. L’un est la création d’un régime d’universel, l’autre est le financement du système. Le premier n’a aucun degré d’urgence. De surcroît, à force de concessions, le futur régime unique aura tant de dérogations, selon les générations et les catégories d’employés, que le qualifier d’universel paraît inadapté. Le projet de réforme demeure toutefois car le président a de toute évidence voulu montrer, après la crise des «gilets jaunes», qu’il n’abandonnait pas son agenda réformiste (l’idée de régime de retraite universel était une de ses promesses électorale de 2017). Dans les enquêtes d’opinion (à ne pas confondre avec des intentions de vote), Macron recueille en moyenne 32% d’opinions favorables, sans réel changement au cours des six derniers mois. Il avait commencé son mandat à 55% et était tombé à 24% en décembre 2018. L’agitation autour de la réforme des retraites ne lui rapporte aucun gain politique. Cela dit, aucun des représentants de l’opposition ne ressort de cette crise sociale dans une position réellement renforcée non plus.

Le gouvernement sera mené à durcir
les conditions pour obtenir une retraite complète.

Quant à l’équilibre financier du système de retraite, qui absorbe déjà 14% du PIB, c’est une question qui ne pouvait être différée. Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, le déficit prévisionnel est estimé entre 8 et 17 milliards d’euros par an. Toutefois, introduire ce sujet de manière subreptice dans le projet de réforme s’est révélé d’une grande maladresse. Les dits partenaires sociaux (syndicats et patronat) ont désormais trois mois pour résoudre l’équation. C’est une mission impossible qui amènera le gouvernement à reprendre l’initiative. Le concept d’âge pivot (rebaptisé âge d’équilibre) avec bonus/malus est prévu dans le futur système. D’autres pistes sont évoquées, comme accélérer le calendrier d’allongement de la durée de cotisation, ou réallouer certaines contributions sociales au financement des retraites, voire même créer une nouvelle cotisation de solidarité sur les hauts revenus. En somme, le gouvernement sera mené à durcir les conditions pour obtenir une retraite complète. L’apaisement social n’est peut-être que temporaire.

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