L’économie européenne va-t-elle rebondir après cette année décevante?

Capital Group

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Robert Lind de Capital Group table sur des signes d’amélioration l’an prochain, à mesure que certains risques politiques commenceront à diminuer.

Ville côtière et portuaire de Douvres au Royaume-Uni, avec la peinture murale de l'artiste Banksy sur le Brexit. ©Keystone

L’économie européenne se débat dans les bouleversements du commerce mondial et l’agitation politique. Les responsables des banques centrales réagissent en réinjectant une nouvelle fois une forte dose de stimulation monétaire. Malgré les vents contraires sur le plan économique, il reste des occasions d’investir dans certaines entreprises bien ciblées.

L’année 2019 a elle aussi été décevante pour l'économie européenne, même s'il reste encore un trimestre entier.

Le Royaume-Uni est en proie aux incertitudes liées au Brexit. L’Allemagne, en train de basculer, est au bord de la récession. Jusqu’à très récemment, les manifestations dans les rues de Paris menaçaient de déstabiliser le gouvernement français. En plus de cela, les perturbations mondiales dues aux tensions commerciales permanentes entre les États-Unis et la Chine ont pesé lourdement sur une économie européenne dépendante des exportations.

«Nous avons de bonnes raisons d'être optimistes pour 2020.»

«Je pense que la majorité des Européens sera soulagée de voir l’année 2019 se terminer», déclare Robert Lind, économiste chez Capital Group. «Cette année a été difficile, politiquement, économiquement, et sur le plan sociétal au sens large.»

«Toutefois, nous avons de bonnes raisons d'être optimistes pour 2020», explique M. Lind, à condition que plusieurs hypothèses se vérifient: si une trêve peut être négociée sur le front du commerce international, si les mesures de relance des banques centrales fonctionnent et si l’on finit par mettre un point final au Brexit, ces événements pourraient dissiper le gros nuage d’incertitudes qui a entravé la croissance économique européenne ces dernières années.


 

La reprise est en bonne voie

«D’une manière générale, je pense que l’économie européenne devrait progressivement montrer des signes d’amélioration en 2020, à mesure que certains risques politiques commenceront à diminuer et qu’une politique monétaire et fiscale plus souple prendra sa place dans le système», indique M. Lind.

Le mois dernier, la Banque centrale européenne a encore fait descendre son taux directeur un peu plus dans le négatif, en le faisant passer de -0,4% à -0,5%. Les responsables de la BCE ont également déclaré qu’ils allaient remettre en place un programme d’achat d’obligations de 20 milliards d’euros par mois pour tenter de faire repartir l’inflation et l’économie européenne. De nombreux gouvernements de la zone euro ont également assoupli leur politique fiscale pour soutenir la relance.

L’inflation est tombée bien en-dessous du taux visé par la BCE à un rythme d’environ 2% par an, et la croissance du PIB est restée stationnaire, aux alentours de 1% sur une base annuelle. Cela représente à peu près la moitié du taux de croissance de l’économie des États-Unis.

 

Le président sortant de la BCE Mario Draghi a expliqué que des mesures de relance énergiques sont nécessaires pour aider à compenser les effets préjudiciables des guerres commerciales et du ralentissement de la croissance économique dans le monde. La Présidente qui va lui succéder, Christine Lagarde, ancienne directrice générale du FMI, devrait continuer de défendre la politique de M. Draghi à son entrée en fonction le 1er novembre.

L’économie européenne a rencontré une autre difficulté inédite avec l’annonce du Royaume-Uni de sa sortie de l’Union européenne. Le Royaume-Uni a comme date butoir le 31 octobre pour approuver un accord de retrait qui suscite bien des controverses, même s’il semble maintenant probable que les législateurs britanniques chercheront à obtenir à nouveau un délai supplémentaire pour prolonger les négociations interminables du Brexit.

Parallèlement, l’Allemagne est proche de la récession, car le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine enfonce le secteur manufacturier allemand, et plus particulièrement l’industrie automobile. L’économie de l’Allemagne a diminué de 0,1% au deuxième trimestre et devrait avoir baissé davantage quand les données du troisième trimestre seront publiées. On parle généralement de «récession», lorsqu'on observe deux trimestres consécutifs de croissance négative.

L’arrivée d’un vent arrière pour les devises?

Depuis la baisse de taux effectuée par la BCE en septembre, l’euro a continué de se déprécier par rapport au dollar US, ce qui permet à la tendance d’un dollar fort, qui dure depuis des années, de se poursuivre. Depuis le début de l’année, l’euro a baissé de plus de 4%, car les taux d’intérêt négatifs dans la zone euro (avec, en parallèle, des taux plus élevés aux États-Unis) ont d’une manière générale rendu les actifs libellés en dollar plus attrayants pour les investisseurs.

«Le lien entre les taux d’intérêt et les devises
a pour ainsi dire été rompu dans un environnement de taux négatifs»

Jens Søndergaard, analyste spécialisé dans les devises chez Capital Group, indique que le dollar est nettement surévalué par rapport à l’euro. Si cette tendance s’inversait, explique-t-il, cela pourrait créer un joli vent arrière pour les actifs libellés en euro.

M. Søndergaard s’attend à une baisse du dollar en 2020–21, qui accompagnera la modération de la croissance économique américaine, mais il reconnaît que les fluctuations de change sont souvent difficiles à prévoir. À court terme, l’euro pourrait encore chuter davantage à cause des divergences entre l’économie américaine et l’économie européenne.

«Le lien entre les taux d’intérêt et les devises a pour ainsi dire été rompu dans un environnement de taux négatifs», précise M. Søndergaard. «Nous ne devons pas nous attendre à ce que ce lien se reforme de sitôt. Aujourd’hui, les facteurs les plus importants dans les fluctuations de change sont les flux d’obligations relatifs et les prévisions de croissance relatives».

«La grande question est donc de savoir si l’euro peut repartir alors que l’économie américaine commence à faiblir», s’interroge M. Søndergaard. «Ça reste à voir».


 

Implications pour les investissements

En dépit des vents contraires au niveau économique, ou peut-être grâce à eux, l’Europe est classiquement un marché apprécié des «stock pickers», explique le gestionnaire de portefeuille Carl Kawaja. Les investisseurs ne peuvent pas compter sur une solide croissance économique pour faire monter le cours des actions, et attachent donc davantage d’importance aux fondamentaux des entreprises.

«Les incertitudes créent des opportunités», déclare M. Kawaja. «Nous aimons bien quand les choses deviennent un peu troubles et difficiles à prévoir. Dans ce genre d’environnement, nous ne manquons pas de trouver des opportunités intéressantes en Europe, à la fois du point de vue de la croissance et du point de vue de la valeur.»

Concernant la croissance, M. Kawaja recherche des entreprises au développement rapide qui chamboulent leur propre secteur d’activité. Et concernant la valeur, il voit des opportunités intéressantes chez certains constructeurs automobiles européens sévèrement touchés.


 

Il est important de souligner que même si les titres européens ont continué à ralentir les marchés des actions américains cette année, les rendements européens sont restés solides en règle absolue. Avant la volatilité de cette semaine, au cours des trois premiers trimestres de l’année et jusqu’à fin septembre, l'indice MSCI Europe était en hausse d’environ 14% en USD, et de près de 20% en devise locale. En comparaison, les titres américains ont gagné presque 20% jusqu’à présent cette année (en USD), selon les estimations du S&P 500.

Même si la croissance économique est pour l'instant décevante en 2019, la rentabilité des investissements suivent incontestablement une autre tendance (ce qui rappelle clairement que l’économie et les marchés boursiers ne sont pas toujours en phase).

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