L’ère du Goldilocks light

Salima Barragan

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«C’est dans la confrontation que nous formons, concentrons ou ébranlons nos convictions», déclare Fabrizio Quirighetti.

 

Fabrizio Quirighetti, de SYZ Asset Management, a pris les rênes de l’équipe Multi-Asset. L’occasion de faire le point sur les derniers développements des stratégies Multi-Asset de la société de gestion du Groupe SYZ à Genève.

Stabilisation de la croissance américaine

En début d’année, les investisseurs craignaient le pire des scénarios pour les portefeuilles balancés: une inflation soutenue couplée à une brusque remontée des taux américains. «Un choc sur les taux aurait violement impacté le prix des obligations et se serait également répercuté sur les autres classes d’actifs qui auraient bénéficié jusqu’alors de l’effet TINA (there is no alternative)», explique Fabrizio Quirighetti. Or ces craintes, qui avaient créé des turbulences sur les marchés, ne se sont pas matérialisées. Les attentes d’inflation ont même été revues à la baisse.

«Les effets indirects vis-à-vis des indicateurs
de sentiment sont incalculables.»

En juin, SYZ Asset Management constatait un ralentissement de la croissance de l’économie américaine, qui s’est confirmé avec la publication des derniers chiffres macro-économiques. Les États-Unis semblent avoir atteint une phase mature du cycle. «Les indicateurs avancés affichent qu’il n’y aura pas d’accélération de l’activité. Les PMIs et l’ISM vont redescendre un peu mais resteront toujours en territoire expansionniste. Aussi, les surprises économiques commencent à décevoir», souligne Fabrizio Quirighetti qui estime que la croissance se stabilise mais à un niveau plus bas.

Les derniers développements politiques sur une potentielle guerre commerciale ont amené beaucoup de bruits sur les marchés et ont perturbés les sentiments des investisseurs. Cependant, pour le spécialiste, il est difficile d’estimer précisément son impact économique: «Les effets indirects vis-à-vis des indicateurs de sentiment sont incalculables».

Une inquiétante force de rappel

Dans cet environnement que Fabrizio Quirighetti qualifie de Goldilocks light en comparaison à 2017, la classe action reste la plus intéressante: «Il y a un peu moins de croissance, un peu plus d’inflation sans être pour autant dérangeante, des banques centrales un peu moins accommodantes, mais la configuration reste favorable pour les actifs risqués». Dès mi-juin, lorsque le discours de la BCE s’est avéré plus conciliant qu’attendu, SYZ Asset Management a augmenté le risque sur les actions américaines. Certains titres ayant atteints des niveaux de valorisation élevés, il s’agira de trouver des poches de valeur attractives. D’ailleurs, Fabrizio Quirighetti constate une divergence des performances très rare. «Avec les FANGs et le NASDAQ aux niveaux actuels, il devrait y avoir une force de rappel».

Un affaiblissement du dollar
pourrait déclencher une convergence.

Selon le spécialiste, un affaiblissement du dollar pourrait déclencher une convergence. «Cela permettra aux États-Unis de maintenir une certaine performance mais aussi au reste du monde de les rattraper», remarque-t-il. Les hausses de taux d’intérêt étant déjà intégrées dans les cours et l’économie américaine touchant à son potentiel, toute poursuite du renforcement du billet vert semble incertaine. «Le jour où le dollar se retourne, le mouvement sera très rapide», assure le spécialiste qui estime que l’euro contre dollar pourrait raisonnablement atteindre 1,20 d’ici la fin de l’année.

Un travail d’équipe dans l’allocation d’actif

L’allocation d’actif reste la clef des stratégies Multi-Asset avec un processus d’investissement qui s’opère sur deux fronts. D’un côté, l’équipe Multi-Asset couvre les 23 économies les plus importantes afin de revoir les scénarios macro-économiques. De l’autre, elle apprécie les niveaux de valorisation dans le cadre d’une évaluation des actifs séparée. «Dans le cas de chaque actif pas cher, un catalyseur économique sera nécessaire, d’où l’importance surveiller les deux fronts», souligne Fabrizio Quirighetti. Le travail d’équipe reste fondamental pour une prise de position – favorable ou défavorable – sur chaque classe d’actifs lors des forums d’idées et des discussions. «C’est dans la confrontation et le challenge que nous formons, concentrons ou ébranlons nos convictions», explique-t-il.

Lors de l’allocation des fonds Multi-Asset conservateurs, chaque classe d’actifs à un budget de risque alloué, traduit en poids en fonction de sa volatilité. L’implémentation se fait via des futurs et des ETFs. Ces fonds n’ont pas d’exposition aux devises. En outre, une couche de protection est assurée avec un risque de drawdown limité à 10%.

Les fonds fermés présentent beaucoup d’intérêt
lors de la diversification des portefeuilles.

Sur les fonds balancés, SYZ a relevé son exposition action de 10% depuis le début de l’année et joue des thématiques. «Nous avons des poches sur la Chine et les banques régionales américaines», explique Fabrizio Quirighetti dont l’allocation sectorielle est toutefois devenue plus défensive. «Nous avons réduit notre exposition aux titres cycliques et introduit des valeurs liées aux fournisseurs d’énergie et à la pharma», rajoute-il.  De plus, l’exposition sur la dette émergente en devise locale est progressivement redescendue de 20% à 3%. «Bien qu’ il y ait de la valeur sur ce segment, l’on a coupé nos positions à cause du risque sur devises. En l’absence de catalyseur évident, nous ne voulons pas prendre ce risque sur les portefeuilles», explique Fabrizio Quirighetti qui privilégie la dette émergente en devise forte. Il a également augmenté son exposition au crédit européen suite à l’amélioration récente des valorisations, notamment sur la dette subordonnée européenne. Dans le pipeline, son équipe considère des valeurs financières et industrielles européennes.

Enfin, les fonds fermés, considérés comme des opportunités spéciales, présentent beaucoup d’intérêt lors de la diversification des portefeuilles. «Ils permettent de prendre une exposition plus liquide sur des investissements qui ne le sont généralement pas», explique Fabrizio Quirighetti. Ce sont des titres cotés liés à diverses thématiques comme le leasing d’avion (Amadeo) ou les royalties de l’industrie musicale (Hipgnosos songs). Ces valeurs sont moins corrélées au marché actions et offrent des rendements et des dividendes attrayants pour un faible béta. Depuis le début de l’année, elles ont apporté une contribution positive à la performance.