L'élection présidentielle américaine

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

7 minutes de lecture

Joe Biden et Michael Bloomberg (photo) sont sans doute les démocrates qui dérangent le moins, mais une victoire de Trump en 2020 reste probablement le résultat préféré des marchés.

Les américains désigneront leur président le 3 novembre 2020. Ils voteront également pour l'ensemble de la Chambre des représentants (435 sièges) et pour un tiers du Sénat (35 sièges sur 100), en plus d'un certain nombre de gouverneurs d'État, de législatures et de bureaux locaux. 

Les primaires 

Les primaires sont le processus par lequel les partis choisissent leur candidat à l'élection présidentielle. Certains pourraient être surpris d'apprendre que le président Trump ne se présente pas sans opposition lors des primaires républicaines: Bill Weld, gouverneur du Massachusetts, et Rocky De La Fuente, homme d'affaires et promoteur immobilier, se présentent également, tandis que Joe Walsh s'est retiré. Par le passé, les présidents en exercice qui se sont heurtés à l'opposition pendant la saison des primaires n'ont pas réussi à remporter la présidence, bien que l'emprise de Donald Trump sur le parti soit telle que cela n'ait pas d'importance - Bill Weld a actuellement un délégué, et Rocky De La Fuente n'en a aucun, contre 86 pour le président.  

Du côté démocrate, Bernie Sanders est toujours en tête mais après le vote de samedi en Caroline du Sud, Joe Biden rattrape son retard. L’ancien vice-président a remporté 48,4% des voix en Caroline du Sud, loin devant les 19,9% obtenus par le sénateur du Vermont qui occupe ainsi la deuxième place. Un total de 1’991 délégués est nécessaire pour remporter l'investiture et Bernie Sanders en compte désormais 58, Joe Biden 50, Pete Buttigieg 26 mais ce dernier a jeté l’éponge, Elizabeth Warren 8 et Amy Klobuchar 7. Tom Steyer a également abandonné la course. Le Super Mardi du 3 mars, verra la répartition de 1’357 délégués, soit plus de 34 % du total des délégués, et avec les votes de février, 38% des délégués seront connus après cette date. Il est possible qu'un net avantage apparaisse mercredi, bien que le résultat final ne sera pas connu avant la Convention nationale du Parti démocrate du 13 au 16 juillet 2020, dans le Wisconsin.  


Source: https://www.realclearpolitics.com/elections/betting_odds/democratic_2020_nomination/ 
L'élection présidentielle 

Lors de la convention, il y aura 3’979 délégués désignés en 2020, raison pour laquelle le chiffre de 1’991 délégués est nécessaire pour l’emporter au premier tour. Les 771 «super délégués», délégués attribués par le parti, ne participeront pas au premier tour de scrutin. Il s'agit d'un changement important par rapport à 2016. Si aucun candidat ne remporte 1’991 délégués au premier tour, les 771 super délégués portent le nombre total de délégués requis pour gagner à 2’376 au second tour. Cette procédure de vote par le biais de délégués (comme dans le cas de l'élection du président) implique que les sondages nationaux, ou même le vote populaire, sont moins significatifs que dans un système de vote proportionnel. Néanmoins, à l'échelle nationale, Bernie Sanders se situe à 28,3% dans la moyenne des derniers sondages du 23 février, Joe Biden à 17,0%, Michael Bloomberg à 15,3%, Elizabeth Warren à 12,9%, Pete Buttigieg à 10,2% et Amy Klobuchar à 6,1%. Les avis sont probablement partagés au sein du Parti démocrate concernant l'entrée en lice de Michael Bloomberg. En supposant qu'il recueille essentiellement les votes de Joe Biden, ce dernier aurait pu obtenir plus de 32% des voix si M. Bloomberg ne participait pas à la course à l’investiture. Cependant, un sondage effectué du 16 au 20 février par le Siena College révèle que l’ensemble des candidats démocrates battraient Donald Trump avec 53-58% contre 33-39% pour le candidat républicain. Dans ce sondage, M. Bloomberg a le score le plus élevé, 58%, contre 33% pour le président. D'autres sondages montrent que la course est plus serrée et certains estiment que tous les candidats démocrates ne battraient pas le candidat républicain. Ces derniers résultats sont peut-être reflétés dans les estimations d'Oddschecker qui situent les chances du président républicain de l’emporter en novembre à 59,9%, celles de Bernie Sanders à 16,7% et celles de Michael Bloomberg à 11%. Cela semble quelque peu optimiste étant donné que la note d'approbation de Donald Trump est de 43,3% alors que 52,2% des américains le désapprouvent (Five ThirtyEight, moyenne des sondages). L’institut Gallup rapporte que la cote d'approbation de M. Trump a été en moyenne de 40 pendant sa présidence, alors que la moyenne des présidents américains de 1938 à 2020 est de 53. Cet institut de sondage constate également que le taux d'approbation des républicains sur la performance du président est de 93 % alors que seulement 6 % des démocrates sont de cet avis. Si la polarisation politique n'est pas nécessairement nouvelle, elle a certainement augmenté au cours des cinq dernières années, et ce à tel point que 45 % des adultes américains ont cessé de discuter de l'actualité politique avec leurs pairs (Pew Research Center, novembre 2019).

Le résultat sera probablement déterminé par le taux de participation électorale. L'élection de mi-mandat de 2018 a entraîné une augmentation historique de 11 points de pourcentage de la participation par rapport à 2014. Les électeurs de tous âges, de toutes races et de tous groupes ethniques se sont présentés en plus grand nombre. 53% des citoyens en âge de voter l’ont fait en 2018, soit le taux de participation à mi-parcours le plus élevé depuis quatre décennies. Chez les 18-29 ans, le taux de participation a augmenté de 16 points de pourcentage pour atteindre 36% en 2018 - un bond remarquable de 79%. Les Hispaniques et les Asiatiques ont enregistré des hausses de participation de 50% et 49% respectivement. La disponibilité de méthodes de vote alternatives - autres que le vote en personne le jour du scrutin, comme le vote anticipé et le vote par correspondance - a probablement stimulé la participation. Ces méthodes ont été utilisées par 40% des électeurs en 2018. La participation électorale est généralement plus importante les années d'élection présidentielle que lors des élections de mi-mandat et des autres élections. Sur la base du taux de participation de 2018, on estime que jusqu'à 70% des électeurs voteront en 2020, un taux jamais atteint depuis les années 1800 (voir le graphique ci-dessous). Le danger pour les démocrates est qu'un taux de participation plus élevé pourrait ne pas beaucoup les aider au sein du collège électoral s’il ne s’améliorait pas sur les champs de bataille cruciaux du Midwest. Là-bas, une participation électorale plus élevée pourrait bien avantager le président.  

Source : US Elections Project 

Lors de l'élection présidentielle, le collège électoral est composé de 538 électeurs, et un total de 270 est nécessaire pour l’emporter. Deux fois en pratiquement 20 ans de ce siècle, le candidat ayant remporté l’investiture a reçu moins de voix que son adversaire dans tout le pays. Cela a incité 15 États à signer un pacte interétatique pour appeler leurs délégués au collège électoral à voter pour le candidat ayant obtenu le plus de voix au niveau national. Ce plan permettrait d'éviter toute modification constitutionnelle, mais il ne peut fonctionner que si les États disposant d'un total de 270 votes du collège électoral s'y engagent. Jusqu'à présent, les signataires représentent 70% des 270 votes nécessaires, mais l'idée n'en est manifestement qu'à ses débuts et ne sera pas mise en œuvre dans un avenir proche. Il est donc tout à fait possible que les républicains perdent à nouveau le vote populaire mais gagnent la Maison Blanche. En 2016, Hilary Clinton a remporté le vote populaire avec une marge de 2%. La mesure dans laquelle les démocrates devraient remporter le vote populaire pour obtenir les 270 électeurs requis dépend de l'endroit où se trouvent ces votes. Néanmoins, il est possible qu'une marge de 1 à 5% soit insuffisante, alors qu'une marge de 5 à 10% pourrait faire l'affaire.  

La Chambre et le Sénat 

Les républicains contrôlent 53 des 100 sièges du Sénat et les démocrates occupent 235 sièges à la Chambre des représentants qui en compte 435. Il semble très improbable aujourd'hui que les républicains puissent s'emparer de la Chambre en 2020, et tout aussi improbable que les démocrates puissent obtenir une majorité au Sénat, bien qu'ils puissent obtenir quelques sièges supplémentaires dans les deux chambres.   

Gouverneurs et législatures des États 

Onze États organiseront les élections des gouverneurs cette année. Actuellement, celles-ci sont réparties presque équitablement entre les partis, avec 26 gouverneurs républicains et 24 démocrates. Sur les 11 courses, 7 titulaires sont républicains et 4 démocrates. Comme les nouvelles lois sont entravées par la division du Congrès, les États sont de plus en plus souvent ceux dans lesquels l'action législative se déroule. C'est pourquoi les élections législatives des États sont également importantes. Parmi les 50 États, il y a 99 chambres législatives au total. Aujourd'hui, les Républicains contrôlent 21 assemblées législatives d'État, tandis que les Démocrates en détiennent 15. Huit États ont un gouverneur démocrate et une législature contrôlée par les

Républicains et le contraire est vrai dans quatre États, tandis qu'un État a un gouverneur démocrate et une législature partagée. Les républicains contrôlent 52,2% de tous les sièges législatifs des États au niveau national, contre 46,8% pour les démocrates. Depuis 2016, seules trois chambres d'État ont changé le parti majoritaire en faveur des républicains, tandis que 13 ont été remportées par les démocrates. 

Financement 

Le 24 février, OpenSecrets.org a rapporté, sur la base des données de la Commission électorale fédérale, que les Démocrates ont un avantage financier à la Chambre des représentants, qu'ils sont à égalité avec les Républicains en ce qui concerne la course à la présidence, et que les Républicains sont en tête au Sénat. Le coût total des élections pour le Congrès en 2018 s’élevait à 5,7 milliards de dollars, et le coût de l'élection présidentielle en 2016 était de 2,4 milliards de dollars. En général c’est le candidat qui dépense le plus d'argent qui l’emporte. Cette tendance est plus forte à la Chambre des représentants qu'au Sénat, mais s'applique aux deux chambres. En 2018, les candidats ayant dépensé le plus d’argent ont remporté 88,8 % des élections à la Chambre  des représentants et 82,9% celles au Sénat. 

Opportunité 

Les départs à la retraite au Congrès sont un indicateur précoce de l'environnement politique et pour la deuxième élection consécutive, plus de républicains que de démocrates se dirigent vers la sortie. Pas moins de 25 membres républicains de la Chambre des représentants et 4 sénateurs républicains se retirent, tandis que du côté démocrate, 7 membres de la Chambre des représentants et un sénateur prennent leur retraite. En 2018, 28 républicains se sont retirés avant la vague bleue qui a donné aux démocrates la majorité à la Chambre des représentants. Cela devrait signifier que les démocrates peuvent obtenir des sièges supplémentaires à la Chambre et y conserver la majorité. Cela pourrait également signifier que les démocrates obtiendront un siège au Sénat, mais probablement pas assez pour renverser la majorité. 
Prévision actuelle

  • La course à la présidence est trop serrée pour trancher,
  • Le Sénat restera probablement majoritairement républicain,
  • La Chambre des représentants restera probablement majoritairement démocrate,
  • On peut s'attendre à ce que la majorité des gouverneurs soient républicains.
Politique 

Sur 16 questions posées aux américains en décembre 2019 l’institut Gallup rapporte qu'au moins cinq d'entre elles sont jugées « extrêmement importantes » par rapport à la manière dont ils voteront en novembre: questions sur la santé (35%), la sécurité nationale (34%), la politique en matière d'armes à feu (34%), l'éducation (33%) et l'économie (30%). Ce dernier point a recueilli le plus faible pourcentage que l’institut de sondage ait mesuré au cours d'une année électorale depuis 2000. Les affaires étrangères, le commerce international et les droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) sont les questions qui obtiennent les plus faibles scores d’après l'enquête. Les partis sont davantage partagés sur la question du changement climatique, avec 36 points d'écart (44% pour les démocrates et 8% pour les républicains), tandis que l’écart sur la question de la santé est de 27 points. La répartition des revenus est également une question qui divise les partis, avec 25 points d'écart.  

Un autre sondage Gallup révèle que 54% des américains considèrent l'assurance santé comme une responsabilité du gouvernement fédéral, contre 45% qui pensent le contraire. 48% des personnes interrogées ont une opinion négative du secteur de la santé aux États-Unis, tandis que 38% ont une opinion plutôt positive. Un sondage réalisé par Hill.TV et HarrisX en octobre 2019 a révélé que 42% des personnes interrogées soutiennent fortement l'idée d'un «Medicare for all», également connu sous le nom de système de santé à payeur unique, tandis que 28 % y sont quelque peu favorables, ce qui donne un total de 70% plutôt favorables à l'idée. Cela pourrait expliquer la forte présence de Bernie Sanders dans les primaires et suggérer qu'il est plus « éligible » que beaucoup ne pensent.  

Seuls les démocrates non-conventionnels ont remporté la présidence au cours des cinq dernières décennies: Jimmy Carter, Bill Clinton et Barack Obama étaient tous des personnalités inconnues en dehors de l'establishment du parti, et tous avaient été considérés comme inéligibles. On observe un schéma similaire du côté des républicains, John McCain et Mitt Romney ayant tous deux perdu en 2008 et 2012 respectivement, tandis que le parti n'a repris la présidence qu'avec le non-conventionnel Donald Trump en 2016.  

Bernie Sanders a promis d'être un «cauchemar» pour Wall Street, les compagnies d'assurance et l'industrie des combustibles fossiles et représente sans doute le candidat que les marchés financiers pourraient le moins apprécier. Cependant, si nous supposons un Congrès divisé, le sénateur du Vermont aurait du mal à faire passer une loi sur l'impôt sur la fortune ou sur l'interdiction de la fracturation hydraulique. Une autre raison pouvant expliquer la réaction encore impassible des marchés financiers face à la performance de M. Sanders lors des primaires pourrait résider dans le fait qu’on s'attend généralement à ce que Donald Trump le batte. Néanmoins, si les chances de M. Sanders de remporter l’investiture commencent à se concrétiser, il est fort probable que les marchés fassent preuve d’aversion à sa politique.  

Aussi préoccupé que l'on puisse l’être par ce à quoi pourrait ressembler une deuxième présidence sous Trump, le président est largement perçu comme étant favorable aux entreprises et souple en matière de réglementation, deux qualités appréciées par les marchés financiers. Sa position socialement négative sur un certain nombre de questions, notamment l'inégalité des revenus et des richesses, la question raciale et l'avortement, n'a pas beaucoup d'impact sur le sentiment des marchés. En ce sens, Joe Biden et Michael Bloomberg sont sans doute les démocrates qui dérangent le moins, mais une victoire de Donald Trump en 2020 reste probablement le résultat préféré des marchés bien qu'ils puissent sous-estimer le risque d'une nouvelle guerre commerciale ou de nouvelles perturbations géopolitiques. 

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