Krach pétrolier et empreinte carbone

Peter van der Welle, Robeco

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La chute historique des cours du brut laisse espérer une amélioration de l’empreinte carbone. Utopie ou réalité?

Entre effondrement de la demande dû à la crise du COVID-19 et surproduction liée au conflit entre les principaux producteurs, les cours du brut sont devenus négatifs. Du jamais vu. Compte tenu du confinement de la population dans le monde entier, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont considérablement baissé.

Ce spectaculaire krach pétrolier résulte avant tout d’une baisse vertigineuse de la demande énergétique en raison des mesures de confinement mises en place dans de nombreux pays.  La capitulation a eu lieu le 19 avril, à l’expiration du contrat à terme de mai pour le pétrole West Texas Intermediate (WTI), en raison de l’augmentation des coûts de stockage et des problèmes de capacité à venir. À un moment donné, les courtiers étaient prêts à débourser jusqu’à 37 dollars le baril pour se débarrasser de leurs stocks.

L’augmentation de la demande mondiale de pétrole ne dépassera probablement pas
la moitié de la reprise cyclique mondiale observée en 2017.

Suite à ce violent séisme, le retour à l’équilibre a débuté. La reprise de la demande sera très progressive, même si les mesures de distanciation sociale sont en partie levées au second semestre 2020. L’avenir de l’industrie aérienne reste incertain: les gens seront-ils prêts à prendre l’avion aussi souvent qu’avant, alors que les outils de communication digitaux ont prouvé leur efficacité?

Baisse considérable des émissions de GES

À première vue, tout cela contribuera à réduire l’empreinte carbone, permettant ainsi de lutter contre le changement climatique et de limiter la pollution. La réduction des déplacements se traduira par une forte baisse des émissions de GES cette année: l’Agence internationale de l’énergie table sur une diminution inédite de 8%, bien que des questions demeurent quant à son ampleur et sa durée.

La forme que prendra la trajectoire de reprise aux États-Unis et en Chine (pays qui représentent respectivement 20% et 14% de la consommation mondiale de pétrole) jouera un rôle clé. Le «credit impulse», un indicateur avancé de la croissance chinoise et américaine, continue de ralentir et d’indiquer que l’augmentation de la demande mondiale de pétrole ne dépassera probablement pas la moitié de la reprise cyclique mondiale observée en 2017.

Tant que Pékin refuse de faire «tout ce qu’il faut» («whatever it takes») pour relancer son économie, et que le confinement de quatre milliards de personnes ne sera levé que progressivement, on ne peut anticiper une forte reprise de la demande de brut. La question est donc de savoir si la baisse des émissions de GES pourrait également dépasser les prévisions.

Les prix négatifs du pétrole sont sans précédent, mais ils n’ont pas perturbé le marché boursier

Il y a des raisons de penser que le pire est déjà passé pour le pétrole et que la situation va s’améliorer au fil du temps. Les prix bas vont créer de la demande, et historiquement, les faibles niveaux de prix ont toujours ouvert la voie à la reprise économique, à mesure que les entreprises très énergivores en profitent. Mais cela prend du temps, en moyenne 18 mois.

En outre, la demande pourrait être dopée par les consommateurs qui délaisseront les métros, les bus et les trains au profit de la voiture, si la crise sanitaire perdure. La reprise finale de la demande de pétrole se traduira par une remontée des émissions de carbone, comme ce fut le cas après la crise financière mondiale.

Nous sommes donc probablement encore loin de l’objectif ambitieux de l’accord de Paris de limiter le réchauffement planétaire à moins de 2 degrés Celsius (idéalement 1,5 degré) par rapport aux niveaux préindustriels. Cet objectif nécessite de réduire les émissions de GES de 3,4% (6,4% dans le scénario idéal) par an jusqu’en 2050, alors que les politiques actuelles ne permettent de gagner qu’entre 0 % et 1%.

Les investissements durables semblent avoir mieux géré le ralentissement
provoqué par la crise du coronavirus que l’ensemble du marché.
Opportunités dans les investissements ESG

Les perspectives restent néanmoins positives en ce qui concerne la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les investissements. La crise actuelle offre une meilleure trajectoire pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris puisque les soutiens aux politiques environnementales restent fermement en place.

Premièrement, investir dans des thématiques (ressources) vertes peut avoir un effet multiplicateur sur l’économie. Les gouvernements insisteront davantage sur le volet budgétaire pour accélérer les dépenses dans les énergies propres et relancer l’économie. Par exemple, le Plan de relance européen énonce que la «transition verte» jouera un rôle central pour relancer et moderniser l’économie.

Deuxièmement, les faibles prix du pétrole ne sont pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour les producteurs d’énergies renouvelables, car la plupart des technologies vertes (comme le solaire) bénéficient déjà de conditions économiques bien meilleures que les énergies fossiles. Enfin, les flux de capitaux ESG sont très importants ces derniers temps, les données montrant que le fait de privilégier l’ESG contribue à réduire les risques dans les portefeuilles.

Globalement, les investissements durables semblent avoir mieux géré le ralentissement provoqué par la crise du coronavirus que l’ensemble du marché, ce qui se reflète également dans la performance de nos nombreuses stratégies axées sur la durabilité.

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