Investir pour le climat

Robin Rouger, Banque J. Safra Sarasin

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Les manifestations météorologiques extrêmes de plus en plus fréquentes nous font réfléchir sur les mesures à prendre pour préserver notre planète.

© Keystone

Même si nous ne sommes pas en mesure de calibrer avec exactitude sa vitesse et son impact, nous ne pouvons pas ignorer les effets du dérèglement climatique sur notre économie. Les manifestations météorologiques extrêmes de plus en plus fréquentes nous invitent à réfléchir sur les mesures à prendre pour préserver notre planète. Et si le climat était en fait un véritable aiguillon qui pourrait se révéler l’une des plus importantes opportunités d’investissement du siècle?

Pour prendre la température…

Dans son rapport de 2020, le World Economic Foum a évalué que les risques principaux auxquels la société est confrontée sont d’ordre environnemental. Parmi ces menaces, le climat apparait en première ligne avec l’échec de la transition énergétique, l’occurrence des catastrophes météorolo-giques extrêmes et la dégradation de la biodiversité. Le changement climatique influence forte-ment nos organisations à plusieurs niveaux. Concrètement, il se manifeste notamment par la fonte des glaciers, l’augmentation du niveau des océans, la perturbation de nos écosystèmes, l’augmentation de la fréquence et de la force des tempêtes/ouragans/cyclones, la multiplication des sécheresses, la déformation de la couche d’ozone… La liste des conséquences de ces boulever-sements est immense: il faut s’attendre à des déplacements de «réfugiés climatiques», un écart grandissant entre les populations (non seulement entre les pays mais aussi au sein des mêmes ré-gions) et à des carences de produits vitaux tels que l’eau et les denrées alimentaires de base, pour n’en citer que quelques-uns.

L’équation climatique est simple: seule une réduction de 45% des émissions
mondiales à 2030 permettra de limiter à 1,5°C le réchauffement climatique.

«Notre génération peut être la première à mettre fin à la pauvreté – et la dernière à lutter contre le changement climatique avant qu’il soit trop tard» Ban Ki-Moon

L’Accord de Paris, signés par 195 pays (avant le retrait des Etats-Unis) sur les 197 que reconnait l’ONU, pose les bases du débat sur la transition énergétique en fixant des objectifs sur la diminution de l’émission des gaz à effet de serre pour contenir la hausse des températures d’ici 2100 et atteindre la neutralité carbone (c’est-à-dire, n’émettre que ce qui peut être naturellement absorbé par les forêts et les océans). L’équation climatique est simple: d’après le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), seule une réduction de 45% des émissions mondiales à 2030 permettra de limiter à 1,5°C le réchauffement climatique.

L’Agence internationale de l’énergie a estimé que les investissements dans le secteur de l’énergie, devront atteindre en moyenne 3 500 milliards de dollars chaque année entre aujourd’hui et 2050 pour une transition réussie.

Les catastrophes climatiques récentes, les grandes manifestations liées au climat, les discussions intergouvernementales font prendre conscience aux investisseurs que l’intégration de la transition énergétique dans leur processus de décision devient impérative. Le but est simple: éviter le risque de pertes des compagnies mal positionnées et bénéficier de l’avantage concurrentiel de celles ayant déjà préparé leur transition. Omettre la question du climat dans ses décisions d’investissement est donc non seulement financièrement dangereux (à cause des risques encourus) mais peut aussi faire perdre à l’investisseur de belles opportunités de placement.

Les principaux risques en 2020 selon le rapport du  World Economic Forum

Source: WEF 2020
Ça va chauffer pour les mauvais élèves

Nous sommes persuadés que les entreprises ne prenant pas en compte le défi climatique dans leurs décisions stratégiques vont être rapidement confrontées à des contraintes importantes qui fragiliseront directement la pérennité de leurs activités. En effet, les gouvernements, les entre-prises, les activistes ont placé le débat énergétique au centre des discussions. En conséquence, des mesures fiscales sont discutées afin de pénaliser d’une part les compagnies énergivores et d’inciter d’autre part les acteurs à proposer des solutions innovantes répondant à la problématique du climat – ces mesures se répercuteront immédiatement, tant négativement que positivement, sur les résul-tats financiers des uns et des autres.

La question des actifs bloqués («stranded assets») a été largement débattue au cours des der-nières années et a eu pour conséquence une exclusion des univers d’investissement par de nom-breuses institutions financières.

Une exclusion pure et simple
n’est pas la solution.

Nous estimons cependant qu’une exclusion pure et simple n’est pas la solution. En effet, il nous semble indispensable que tous les protagonistes de l’économie participent à la réduction d'émis-sion de gaz à effet de serre et se mobilisent pour converger vers un objectif commun. Dans la mesure du possible, nous préférons donc entrer en dialogue actif avec les entreprises pour les inciter à entamer une transition énergétique ambitieuse.

Chaque secteur et chaque entreprise peuvent apporter leurs contributions à la résolution du problème climatique. Nombreuses et variées sont les activités permettant de réduire directement ou indirectement les émissions de gaz à effet de serre: développement d’énergies renouvelables, créations d’alliage plus léger, algorithme moins énergivores, économie circulaire, infrastructures vertes, nouveaux moyens de transport plus propres, production agricole plus locale et complètement repensée afin d’éviter l’épuisement des sols…

Tous ces nouveaux changements sont autant de relais de croissance et d’opportunités pour les in-vestisseurs et donnent une dimension supplémentaire à l’épargne.

Soutien pour plus de transparence

Des mesures telles que l’article 173 en France et le TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures) au niveau international ont été prises pour encourager les entreprises à afficher plus de transparence sur leur politique extra financière et notamment à intégrer le risque climatique dans leur business plan. On observe donc une réelle prise de conscience à l’échelle mondiale visant à re-penser notre écosystème en fonction de ces nouvelles problématiques. L’analyse de toutes les don-nées carbone, couplée avec des publications scientifiques, nous permettent d’établir si une entre-prise est en phase avec l’Accord de Paris. Nous pouvons ainsi construire des portefeuilles qui favori-sent les sociétés intégrant le climat dans leurs décisions stratégiques. En examinant les objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés par le management et les efforts passés, nous pouvons éva-luer le degré d’implication de la société sur la problématique du climat et l’accompagner par l’apport de capitaux à son développement.

Positionnement de notre portefeuille par rapport aux différents scénarios climatiques