Il faut revoir la connexion entre banques et Etats

Mark Holman & Eoin Walsh, TwentyFour Asset Management

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Le système financier est sain mais les plaies restent vives. Dix ans après Lehman, le risque est en Europe et dans le match Chine-États-Unis.

La faillite de Lehman Brothers en 2008 a eu pour principale conséquence la transformation du système bancaire. Il était à l’époque sous-capitalisé et, pour ce qui concerne les détenteurs d’emprunts pratiquant une stratégie «buy and hold», ses méthodes comptables étaient inadaptées. La situation d’alors était si préoccupante qu’il est difficile de s’imaginer ce qui aurait pu se produire si le programme de sauvetage des actifs à risque n’avait pas été mis en place par le gouvernement américain. Mais dix années se sont écoulées depuis et le système bancaire n’a jamais été aussi sain. Les grandes banques ont fortement réduit leur exposition au risque et les marchés de niche dont elles se sont retirées sont dorénavant occupés par d’autres. A l’époque, l’activité principale de la banque consistait à gérer le risque et accorder des crédits selon le principe: le coût de l’emprunt dépend uniquement de la catégorie de risque dans laquelle se classe le débiteur. Aujourd’hui, la situation a totalement changé. Si l’emprunteur satisfait à toutes les conditions nécessaires à l’obtention d’un prêt et il l’obtient des conditions avantageuses, dans le cas contraire, tout crédit lui est refusé.

La faillite de Lehman a également entraîné de profonds changements sur les marchés des capitaux. Les banques n’ayant plus la possibilité de placer autant de leurs capitaux sur les marchés, la liquidité en a pâti. Cela s’est traduit par un accroissement de la volatilité dont il est devenu absolument indispensable de tenir compte lors de la construction des portefeuilles.

Ces mutations mises à part, un certain nombre d’acteurs s’interrogent sur la situation actuelle et sur les similitudes qu’elle pourrait présenter avec celle de 2008. Mais, si après une crise, la cicatrisation peut être longue, il convient de rappeler que la plupart de récessions ne débouchent pas sur une crise de l’ampleur de celle de 2008. A notre avis, la prochaine récession devrait être relativement modérée et se traduire par de légères sous-performances. Cependant, il se peut que l’impact sur le prix des actifs soit plus important que ne le voudrait la raison économique. A l’avenir, compte tenu du traumatisme de 2008, les investisseurs commenceront par se retirer de certains actifs et se poseront des questions ensuite.

Une autre problématique actuelle a trait aux risques liés à la fin de l’assouplissement quantitatif. A ce propos, il convient de rappeler que les banques centrales ne sont pas «forcées» de sortir de leur politique accommodante. Tout l’intérêt de l’assouplissement quantitatif réside dans le fait que ces banques contrôlent une proportion si importante des actifs qu’elles sont en mesure de modifier la dynamique des marchés ainsi que le comportement des investisseurs.

Elles peuvent donc cesser leurs achats mais ne le font que lorsqu’elles ont atteint leurs objectifs. Leur retrait devrait donc être très progressif et ordonné. La fin de l’assouplissement quantitatif signifie que le soutien des banques centrales sera réduit mais il est également moins utile puisque les fondamentaux devenus beaucoup plus solides, commencent à prendre le relais. Cette transition est certes très délicate mais les mesures que prennent les banques centrales aujourd’hui ne sont plus «exceptionnelles», elles font partie des outils standards. Il n’en reste pas moins vrai qu’au vu de la taille du bilan total, de l’ordre de 15'000 milliards de dollars, le dégonflement ne sera que très progressif. Il est donc probable que l’outil de l’assouplissement quantitatif sera à nouveau nécessaire avant que le bilan ne revienne à zéro.

A l’heure actuelle les plus grands risques pour le système financier se situent à un autre niveau, notamment à celui de l’interdépendance entre les banques et les entités étatiques. L’incitation des banques à détenir de la dette souveraine locale reste toujours très forte et rares sont celles qui seraient en mesure de survivre à une crise ou à un défaut de ce type d’emprunteur. Il s’agit donc d’un cercle vicieux dont il conviendrait de sortir. De ce point de vue, c’est en Europe que la situation paraît la plus problématique. Bien que nous n’anticipions nullement un effondrement désordonné de la zone euro, c’est néanmoins le risque majeur qui paraît receler la probabilité la plus élevée: l’évolution récente des politiques intérieures, et notamment la tendance à se tourner vers des partis anti-establishment, est en effet inquiétante. Cela dit, dans l’immédiat, le plus grand risque est celui du différend commercial entre les États-Unis et la Chine.

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