Il faudra apprendre à compter en - et avec le - yuan

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

2 minutes de lecture

Tout en cherchant à réduire ses surcapacités de production, la Chine est devenue le pays de la robotisation accélérée et de l’élévation du pouvoir d’achat des ménages.

Pour célébrer le Nouvel An chinois, certaines rues de boutiques de luxe occidentales n’ont pas hésité à se parer de lanternes et de lampions. Chez eux ou à l’étranger, c’est sans doute dans une atmosphère économique plus «euphorique» que les Chinois fêteront le nouvel an cette année.

Loin des peurs de «hard landing», la Chine a connu en 2017 une année de reprise  économique, et affiché officiellement une croissance de 6,9%. Le lissage des statistiques ne rend pas compte des évolutions conjoncturelles réelles; il est clair que la Chine a connu au tournant de 2015-2016 une récession industrielle, qu’elle a surmontée depuis.

Cela se voit dans le net rebond des prix à la production, comme celui des importations. Cette tendance se confirme en début d’année au vu de la poursuite de la progression des indicateurs avancés de confiance, dans le secteur manufacturier et plus encore dans les services.

L’année qui commence s’ouvre donc sous de meilleurs auspices. C’est dans ce contexte que de profondes transformations sont à l’œuvre :

  • La Chine-atelier du monde poursuit sa conversion économique et industrielle: la part des services, de la consommation des ménages dans le PIB, croit au détriment de l’industrie et de l’investissement. Tout en cherchant à réduire ses surcapacités de production, la Chine est devenu le pays de la robotisation accélérée et de l’élévation du pouvoir d’achat des ménages.
  • Cette transformation s’accomplit dans un contexte commercial international un peu moins tendu qu’on pouvait le craindre après l’élection de Donald Trump. Cela tient probablement en partie à la réappréciation de la devise chinoise. En effet depuis un an, le yuan est passé de 6,90 à près de 6,30 pour un dollar.

Cette amélioration reflète en grande partie les efforts des autorités politiques et monétaires pour endiguer la fuite des capitaux. Depuis l’hémorragie de 2015-2016, la Chine a reconstitué ses réserves de change et repris en main le contrôle des capitaux.

Pour autant, elle n’a pas renoncé à  l’internationalisation progressive de sa devise. Pour ce faire, les autorités entendent bien agir très progressivement et favoriser d’abord les flux de capitaux entrant, en permettant par exemple aux personnes privées des transferts en yuans depuis l’étranger. D’autres mesures sont envisagées qui concerneraient les multinationales étrangères présentes sur le territoire, ou encore la levée de certaines restrictions touchant les placements des particuliers au travers de fonds mutuels.

Pesant plus de 30% des réserves de change mondiales, le yuan est devenu la deuxième devise du monde après le dollar (40%) et devant l’euro (20%) . Assez logiquement, le yuan est très présent dans les échanges de sa zone géographique proche et dans les pays partenaires producteurs de matières premières comme le Brésil.

La taille du pays, son degré d’intégration dans le commerce mondial, jouent un rôle prépondérant dans la montée en puissance de la devise. Conforter cette influence passe aussi par la capacité à garantir un système ouvert et stable, tant du point de vue de la soutenabilité de la dette, que de l’inflation.

La Chine a encore d’importants défis à relever: baisse de sa population active, fortes inégalités, surcapacités de production et endettement global encore en augmentation. Mais son poids et son influence économiques ne sauraient être négligés. La Chine vieillit certes, mais elle s’enrichit aussi.

Il faudra apprendre à compter en - et avec le – yuan… Et pas seulement pour les touristes.

1. «Reserve currency: a changing international monetary system» Camillo E.Tova and Tania Mohd Nor - IMF working paper WB/18/20 January 2018.

 

A lire aussi...