Il est temps d’être attentifs aux signaux positifs

Victor Verberk, Robeco

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L’effondrement des marchés est le résultat d’importants déséquilibres mais les valorisations et les facteurs techniques deviennent positifs.

Pour comprendre ce qui nous a conduits à cette situation, nous devons examiner la tendance à long terme de ces dernières décennies (la tendance séculaire). Plusieurs déséquilibres majeurs se sont développés dans l’économie mondiale au cours des 20-30 dernières années. Ils ont été provoqués par les banques centrales qui voulaient absolument éviter ou atténuer les récessions. À l’époque d’Alan Greenspan déjà, nous avons vu qu’au moindre ralentissement économique, la Fed abaissait ses taux. C’est ainsi que nous avons créé un supercycle d’endettement. Entreprises, particuliers et pays, tous ont commencé à emprunter, encouragés par des taux d’intérêt excessivement bas.

Un second phénomène est ensuite apparu, à savoir le carry trade. C’est-à-dire que toutes les personnes vivant dans la zone yen et la zone euro, où les taux étaient bas, ont commencé à investir dans des actifs à rendements plus élevés et à croissance plus rapide. La réalité est bien sûr beaucoup plus complexe. Mais pour simplifier, nous avons tous finalement acheté des actions américaines et permis aux entreprises US de financer leurs rachats d’actions, et tout le monde était content. En tout cas jusqu’à l’année dernière, lorsque le S&P a atteint un record et se négociait 30 fois la valeur des bénéfices.

La conséquence de tout cela est qu’il est devenu plus rentable d’investir dans des actifs financiers que d’emprunter pour construire une nouvelle usine de fabrication ou être créatif et innovant. Résultat, le ratio investissements/PIB n’a jamais été aussi bas depuis la Seconde Guerre mondiale. Tout cela signifie que nous sommes dans un vaste supercycle d’endettement caractérisé par des investissements trop faibles, trop peu de défauts et aucune destruction créatrice, telle que décrite par Schumpeter.

L’effondrement des marchés
n’est pas lié à la seule épidémie.

Concernant le cycle économique actuel, j’utiliserais l’image du médicament que l’on prescrit à un malade. Si ce médicament ne fonctionne pas, on essaie autre chose. Ce n’est pas ce qu’ont fait les banques centrales. Au contraire, elles ont augmenté la posologie et ainsi généré plus de répression financière, d’où le QE. Il s’agit d’une erreur de politique.

Le problème avec cette économie alimentée par la répression financière, le QE et les rachats d’actions (une économie sans investissements), est que quelque chose doit céder à un moment. L’élément déclencheur peut être n’importe quoi: une guerre, une récession, un virus. Dans le cas présent, c’est le coronavirus. Mais le fait est que l’effondrement des marchés n’est pas lié à la seule épidémie. Il est davantage lié à ces déséquilibres majeurs qui ont conduit, par exemple, les États-Unis à se retrouver dans une position extérieure nette déficitaire (moins une fois le PIB). C’est-à-dire que sur une base nette, le pays doit une fois la valeur de son PIB aux investisseurs étrangers. Et aujourd’hui, c’est la panique et le PIB va chuter.

Nous sommes en plein milieu d’une récession, une récession particulièrement profonde. Avec cet élément déclencheur, la confiance s’effondre et tout le cycle menace de se retourner. Les investisseurs asiatiques vendent leurs actifs américains, les particuliers ne délaisseront pas les actions et les obligations pour revenir aux fonds monétaires, et ainsi de suite, tandis que le cycle continuera de se dégonfler. Le coronavirus est le grain de sable qui vient enrayer la machine: la machine s’arrête et c’est la panique.

La bonne nouvelle

Contrairement à 2008, les politiciens ont cette fois compris bien plus rapidement que la situation est critique. En particulier parce que les entreprises, les PME et leurs propres actionnaires sont en difficulté. En 2008, ce sont les banques et Wall Street (ceux qui avaient déjà engrangé beaucoup d’argent) qui devaient être sauvés et cela n’était pas acceptable. Aujourd’hui, les réactions sont bien plus rapides et il semble que des mesures budgétaires sont en train d’être prises. Nous verrons bien sûr ce qu’il en est dans la réalité, mais il s’agit néanmoins d’une perspective plutôt positive.

Dans une récession comme celle-ci,
les actions devront baisser de 30 à 40%

Le second point positif concerne la vitesse de la chute, qui a été sans précédent sur les marchés actions et obligations, beaucoup plus rapide qu’en 2008. Sur les marchés actions, par exemple, nous avons perdu en un mois ce qui avait pris presque une année durant la crise de 2008. La dégringolade est donc fulgurante et, en soi, c’est une bonne chose.

Nous sommes déjà en récession mais ce n’est pas le plus important. Les marchés actions et crédits sont relativement peu corrélés aux évolutions du PIB: on peut facilement avoir une croissance négative du PIB qui coïncide avec une évolution positive du marché, celui-ci étant toujours prospectif.

Selon nous, une reprise en V est possible dans les mois à venir, car nous pensons que nous réussirons à endiguer l’épidémie. La chaîne d’approvisionnement mondiale qui s’est totalement arrêtée va redémarrer. En Chine, les activités manufacturières ont déjà retrouvé des niveaux de production de 60-80%. En Europe et aux États-Unis, où le virus est arrivé plus tard, la reprise prendra quelques semaines. Mais il est probable que la baisse du PIB s’inversera dans les prochains mois. Par la suite, disons au second semestre, les répercussions se feront sentir – puis les vrais dommages.

Lorsque les choses se seront calmées, nous verrons que les niveaux de dette souveraine ont augmenté, et que nous sommes de toute évidence en plein milieu d’un cycle de défauts: une grande partie du secteur énergétique fera faillite, suivi du secteur aérien (sauf si les compagnies aériennes sont sauvées), et ainsi de suite. Mais il s’agit là de facteurs retardés. Si l’on attend que le cycle de défauts commence pour lancer les mesures de sauvetage, il sera trop tard. De nouveau, n’oublions pas que le marché est prospectif.

Dans une récession comme celle-ci, les actions devront baisser de 30 à 40%. Nous y sommes presque. Dans le High Yield américain, les spreads sont aujourd’hui de 850. La règle est de commencer à acheter quand les spreads sont entre 800 et 1000. Il s’agit donc de signaux positifs. Les valorisations sont à présent positives, les facteurs techniques deviennent positifs grâce au soutien de la politique, et les fondamentaux sont mauvais.

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