Grandes vagues porteuses – Weekly Note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

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Les marchés des actions des pays émergents surperforment la bourse mondiale en dépit de tous les conflits commerciaux actuels.

 

Pourquoi les investisseurs ont-ils tendance à attendre longtemps et à prendre le train en marche lorsque celui-ci roule déjà à grande vitesse? Opérer à l’opposé serait plus judicieux, comme l’illustrent les pays émergents. Leurs marchés des actions surperforment la bourse mondiale en dépit de tous les conflits commerciaux actuels. Le secteur de l’énergie promet lui aussi des rendements intéressants. De quoi se laisser électriser – pour de bonnes raisons.

Pays émergents: l’avenir ne fait que commencer

Les pays émergents ont le vent en poupe. Cela n’a rien de nouveau, mais c’est important. Très important même. Étonnamment pourtant, les investisseurs internationaux sous-estiment ces marchés. Ce phénomène est particulièrement flagrant en ce qui concerne la Chine, où un nouvel ordre mondial est sur le point de voir le jour sur les plans à la fois économique, politique, social et environnemental. En observant l’évolution générale d’un grand nombre de ces pays, on est frappé par une chose: l’avenir ne fait que commencer. Il en va de même de leurs marchés boursiers. Et le meilleur, c’est qu’en dépit de la bonne performance de ces derniers, les titres s’y négocient encore souvent avec une décote. Ce phénomène offre des opportunités de placement et explique pourquoi, entre autres choses, nous continuons de privilégier les investissements dans les pays émergents. Cette semaine, je souhaite approfondir ce sujet en réponse aux nombreuses questions posées par les investisseurs.

Perspective historique

Les marchés financiers anticipent le court terme mais rarement l’avenir éloigné. C’est d’ailleurs normal. Oui, vous avez bien lu. Car les investisseurs sont conservateurs. Or, contrairement aux idées répandues, il arrive souvent que la bourse n’anticipe pas les grandes évolutions mais coure derrière elles. La reprise des pays émergents présentée par le graphique 1 n’y fera pas exception. Quelles en seront les répercussions sur votre portefeuille?

Le graphique 2, tiré de notre étude de janvier 2018 sur les données historiques des marchés financiers, compare en accéléré l’évolution économique de plusieurs pays avec leur capitalisation boursière. Vers 1900, l’Angleterre possédait le plus grand marché boursier du globe, qui entrait pour 25% dans la capitalisation mondiale, contre 6% seulement aujourd’hui. Sur la même période, la part des États-Unis a progressé, passant de 15% à plus de 51%. Les marchés de l’Autriche et de la Russie, qui étaient encore de grandes puissances économiques à l’époque, représentaient respectivement 5,2% et 6,1%. Aujourd’hui, leur participation est négligeable. En 1900, la Chine n’était pas encore intégrée dans le marché mondial. Aujourd’hui, sa part s’élève à 3,1%, ce qui est un peu supérieur à celle de la Suisse (2,7%). L’Asie du sud-est, l’Inde et le Brésil figurent sur le diagramme, mais ils y sont toujours à peine visibles en dépit de leurs grandes économies dynamiques.

Perspectives à long terme

Il ne fait aucun doute que la composition de la capitalisation boursière mondiale changera considérablement ces dix prochaines années déjà. Les évolutions qui duraient des cycles entiers auparavant s’opèrent aujourd’hui de manière accélérée. Les pays émergents ont suscité bien davantage de besoins en matière de consommation et d’investissements que ne pourront le faire à l’avenir les pays industrialisés saturés, à l’endettement relativement élevé (voir graphique 3). C’est l’une des raisons pour lesquelles la guerre commerciale mondiale tant redoutée n’aura pas lieu. En effet, comme à l’époque où toutes les entreprises voulaient répondre à la demande des consommateurs américains, elles souhaiteront à l’avenir servir les consommateurs asiatiques, car ceux-ci constituent aujourd’hui déjà le marché de consommation le plus grand et à la croissance la plus forte du monde.

En résumé, la montée des pays émergents ne sera pas stoppée par les marchés financiers mondiaux. Comme le dit l’adage de manière très pertinente: les grandes vagues peuvent porter de nombreux bateaux. Plusieurs avantages structurels vont soutenir leurs marchés boursiers à long terme:

  1. Marge de manoeuvre monétaire: l’économie de la plupart des pays émergents se «normalise». En d’autres termes, leurs marchés plus flexibles au niveau des biens, du travail et des capitaux font baisser l’inflation (graphique 4), ce qui leur procure automatiquement de nouvelles marges de manoeuvre en matière de politique monétaire (et budgétaire).
  2. Valorisations bon marché: le graphique 5 montre que les valorisations des titres des pays émergents, en dépit de l’amélioration des fondamentaux, restent nettement inférieures à celles des marchés développés. À long terme néanmoins, cet écart pourrait même se transformer en prime étant donné la croissance des bénéfices supérieure à la moyenne.
  3. Faible sensibilité des devises: sur le plan statistique, les marchés boursiers des pays émergents (à la différence des marchés boursiers des pays développés) ont tiré profit de leurs solides monnaies nationales, comme le montre le graphique 6.
  4. Renforcement du secteur bancaire: le secteur bancaire de nombreux pays émergents est aujourd’hui nettement mieux capitalisé et réglementé. La Chine en particulier a fait des progrès dans ce domaine: bon nombre de crédits douteux ont été amortis, et la croissance du crédit s’est réduite d’un tiers. Et pas une seule panique bancaire pendant ce processus – une performance qu’il ne faut pas sous-estimer, car elle renforce la confiance dans le gouvernement de Xi Jinping et dans sa capacité à établir un secteur financier privé solide dans le pays.

Perspectives à court terme

Les investisseurs aimeraient augmenter leurs placements dans les pays émergents, mais ils n’y sont pas (encore) parvenus. Le graphique 7 en dit plus que de longs discours. Les réponses reçues récemment, dans le cadre de sondages en live, à la question suivante: «Allez-vous augmenter votre pondération d’actions des marchés émergents au cours des a) trois prochaines années b) trois prochains mois?» sont éloquentes:

Les réponses sont caractéristiques d’un type d’investisseurs très courant: il s’agit de ceux qui attendent souvent (trop) longtemps avant de prendre le train en marche. Leur faible pondération des pays émergents contraste avec la part croissante de ces derniers dans la capitalisation boursière mondiale (13% au total actuellement, voir graphique 8).

À court terme, ces investisseurs «de la ligne de touche» génèrent une liquidité très précieuse, grâce à laquelle les pays émergents se maintiennent en territoire positif depuis le début de l’année en dépit de toutes les tensions commerciales.

Autant de raisons qui justifient de pondérer les placements dans les pays émergents à court, à moyen et à long terme plus fortement que ne le fait la moyenne du marché. Le meilleur moyen de mettre en oeuvre cette opinion ainsi que l’ensemble de la House View, c’est un mandat de gestion de fortune. Nous proposons aussi des solutions de fonds spéciales à ceux qui souhaitent investir directement dans les pays émergents ou dans leur consommation croissante.

Transition énergétique?! Plusieurs facteurs parlent en faveur d’un come-back du secteur

Le secteur énergétique pourrait très bien faire son come-back en 2018, du point de vue des placements tout au moins. Il est évident que la hausse des prix du pétrole s’inscrit en soutien, mais elle n’est pas déterminante pour la préférence que nous manifestons à l’égard de cette branche. Il y en fait trois facteurs qui parlent en sa faveur: premièrement, elle constitue un élément de diversification naturel par rapport aux scénarios (de conflit) dans lesquels les cours du pétrole augmenteraient de manière inattendue. Deuxièmement, nous pensons qu’en dépit de la progression de la demande mondiale d’or noir, l’offre ne sera pas élargie en proportion. Par conséquent, les «prix de pénurie» devraient se maintenir plus longtemps que les marchés ne le prévoient actuellement. Ce phénomène est notamment lié au fait que les actionnaires incitent les entreprises du secteur à accroître davantage les bénéfices que les chiffres d’affaires, comme en témoignent les rapports de rémunération. Le graphique 9 met en évidence comment cette attitude a déjà généré un écart très net entre les cours haussiers du WTI et le nombre de puits de forage en activité.

Troisièmement, les investisseurs ne font pas encore confiance au secteur de l’énergie. Nous avons déjà mentionné qu’ils préféraient souvent monter dans le train en marche au lieu de saisir tôt la possibilité de s’engager dans des placements peut-être controversés et d’en assumer le risque. Le graphique 10 illustre ce «manque de confiance» que nous considérons au contraire comme une opportunité de placement judicieuse.

Actualité interne: nos nouvelles fact sheets de secteurs

Pour conclure, j’ai le plaisir d’annoncer que les nouvelles fact sheets de secteurs publiées par le Credit Suisse sont à disposition depuis quelques jours. Elles confèrent une vue d’ensemble exceptionnelle des principales données structurelles de neuf branches industrielles importantes en Suisse (des fact sheets sur d’autres secteurs sont prévues). Elles présentent des chiffres-clés d’économie d’entreprise, des tendances régionales et des évolutions conjoncturelles. Un tour d’horizon idéal pour les personnes intéressées! Si vous souhaitez les obtenir, veuillez vous adresser à votre conseiller, car ces fact sheets ne sont pas accessibles au public.

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