Gérer la liquidité obligataire en temps de crise

Kunal Mehta, Vanguard

3 minutes de lecture

La sévérité de la crise du coronavirus a causé un choc significatif, qui a conduit aux plus hauts niveaux de volatilité depuis la crise de 2008.

La pandémie du coronavirus a frappé juste au moment où nous approchions de la fin d’un cycle de crédit prolongé. Avec des valorisations qui semblaient tendues, même un retournement économique mineur aurait pu suffire à faire basculer les marchés dans une phase de correction. Or la sévérité de la crise du coronavirus a causé un choc beaucoup plus significatif, qui a conduit aux plus hauts niveaux de volatilité depuis la crise financière mondiale de 2008.

Avec le ralentissement de la croissance économique en raison de la pandémie, notre équipe sur le crédit et le revenu fixe estime qu’une récession mondiale est fortement probable. Seules sont encore incertaines l’ampleur et la durée de ce ralentissement.

En réponse à la crise, les investisseurs se sont empressés de sortir des actifs risqués. Il est possible de comparer cette situation aux achats de panique qui ont frappé le Royaume-Uni la semaine dernière et vidé les rayons des supermarchés, mais au lieu de stocker des rouleaux de papier toilette et des pâtes, les investisseurs ont accumulé les liquidités.

Les vendeurs sont nettement plus nombreux que les acheteurs,
notamment parce que les banques sont elles-mêmes sous pression.

Cette ambiance a contribué à d’importants rachats dans les fonds, conduisant de nombreux fonds obligataires à se précipiter pour vendre leurs actifs les plus liquides, qui sont typiquement des obligations de bonne qualité à duration courte.

Actuellement, les vendeurs sont nettement plus nombreux que les acheteurs, notamment parce que les banques (qui apportent traditionnellement la liquidité) sont elles-mêmes sous pression à mesure que leurs lignes de crédit diminuent et qu’il devient plus difficile pour elles de fonctionner comme avant. Les banques étant moins capables d’agir en tant que teneurs de marché, la liquidité est rare, ce qui a entraîné des coûts de transaction plus élevés et un élargissement des écarts de crédit.

De nombreux investisseurs espèrent que les banques centrales et les gouvernements vont apporter une solution. Nous avons déjà vu une énorme relance budgétaire, des garanties de prêt, des baisses de taux d’intérêt et une reprise de l’assouplissement quantitatif. Les banques centrales s’efforcent de fournir des liquidités pratiquement illimitées par des achats d’obligations et des interventions sur le marché monétaire. Nous pourrions voir encore beaucoup d’autres mesures dans les semaines et les mois à venir. Toutefois, ces interventions prendront du temps avant d’avoir un effet; qui plus est, elles devront être suffisantes pour changer le sentiment du marché.

Deux phases sont donc à attendre dans la correction. La première phase dépendra de la capacité des investisseurs à transformer leurs actifs en liquidités — ce à quoi les banques centrales continueront de contribuer — et de la formation d’un plancher dans les sorties de fonds. Nous pensons que cette phase s’achèvera bientôt. La deuxième est celle de l’impact économique et elle sera plus longue à traverser.

Nos relations étroites avec de nombreux acteurs du marché
nous aident à négocier lorsque la volatilité des marchés augmente.
Fonds indiciels à revenu fixe

Tout cela laisse les investisseurs obligataires aux prises avec les questions de la découverte des prix et de la juste valeur dans des conditions extrêmement volatiles. Les primes de liquidité ont augmenté et de fortes dislocations des prix se sont produites sur l’ensemble de la classe d’actif du revenu fixe. Certaines différences de prix peuvent s’expliquer; après tout, comme les obligations se négocient généralement de gré à gré, un seul prix d’équilibre du marché n’est pas toujours possible. Toutefois, nous avons récemment vu des variations de prix plus importantes qu’à la normale.

Chez Vanguard, nous nous préparons à la prochaine crise depuis la fin de la dernière. Nous testons continuellement la résistance de nos portefeuilles et, ce qui est plus important, nous évaluons ce que nous pouvons faire en cas de tensions.

Dans les conditions extrêmes actuelles, notre taille nous confère des avantages significatifs. Notre base de clientèle large et diversifiée nous permet de rapprocher en interne les acheteurs et les vendeurs et de leur offrir de meilleurs prix. Nos relations étroites avec de nombreux acteurs du marché nous aident également à négocier plus efficacement lorsque la volatilité des marchés augmente.

Minimiser l’erreur de suivi

Par ailleurs, la minimisation de l’erreur de suivi et la gestion de la liquidité sont une priorité pour nos équipes mondiales en obligations et gestion du risque. Comme nos fonds indiciels obligataires utilisent une approche d’échantillonnage pour trouver l’équilibre optimal entre la réplication de l’indice et le coût, il existera toujours de petites différences entre les performances des fonds et celles de leurs indices de référence respectifs.

Mais cette technologie d’échantillonnage permet à nos équipes de négoce et de recherche sur le crédit de sélectionner les obligations qui répliquent le mieux les caractéristiques de l’indice sous-jacent, à un faible coût et tout en minimisant l’erreur de suivi. L’équipe de gestion de portefeuille et l’équipe de recherche sur le crédit considèrent également la liquidité de chaque obligation comme faisant partie de ce processus.

Nous utilisons le swing pricing pour protéger nos investisseurs
actuels lorsque les rachats sont importants.

Nous utilisons le swing pricing pour protéger nos investisseurs actuels lorsque les rachats sont importants. Ainsi, nous nous assurons que, lorsque les coûts de transaction sont élevés, les acheteurs et les vendeurs en supportent une plus large part que ceux qui restent investis. Il est important de noter que les différences de prix ne s’accumulent pas et devraient se réduire avec le temps. Par ailleurs, les fonds utilisant le swing pricing peuvent montrer une plus forte volatilité que ce qui se produit dans le même temps sur les actifs sous-jacents.

Notre approche à multiples facettes de la gestion de la liquidité inclut des actions préventives comme l’évaluation permanente de la liquidité du fonds et des obligations achetées par nos analystes en recherche sur le crédit, ainsi que l’utilisation régulière de toute une série d’outils de liquidité. Ceux-ci comprennent la compensation des rachats et des souscriptions dans le fonds, en tenant compte de l’activité de rééquilibrage du portefeuille en cours et de la vente de titres sur le marché. Il existe aussi des outils non standards que nous utilisons sur une base moins fréquente, notamment les rachats différés, avec lesquels un fonds peut exécuter un rachat important sur une période de plusieurs jours.

Fonds obligataires actifs

Pour nos fonds obligataires actifs, notre biais défensif nous a placés dans une solide position. Notre Global Credit Bond Fund et notre Emerging Markets Bond Fund ont tous les deux réduit leur risque il y a six mois en raison des valorisations élevées. Ainsi, si de nombreux gérants de fonds actifs cherchent actuellement à vendre des actifs, à réduire le risque et à prendre des liquidités où ils peuvent, nous sommes en mesure d’acheter des titres, en saisissant des opportunités à des niveaux de valorisation désormais beaucoup plus intéressants.

Si nous n’avons pas été épargnés par le besoin de liquidités, notre processus de gestion de la liquidité nous a permis de le faire de façon ordonnée dans nos fonds actifs. Et surtout, notre expérience nous montre que les marchés évoluent par cycles et finissent par se reprendre sur le long terme. Nous pensons donc que le message le plus important est que les investisseurs doivent garder le cap. Aucun d’entre nous ne doit sous-estimer l’ampleur de la crise actuelle, mais nous ne devons pas non plus laisser son impact immédiat brouiller notre vision à long terme.