Flambée inflationniste imminente

Bart Van Craeynest, Econopolis

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Les scénarios catastrophistes évoqués par certains ne se sont pas réalisés.

Une hausse de l’inflation a été annoncée à plusieurs reprise ces dernières années. Certains prévoyaient déjà un dérapage inflationniste quand la banque centrale américaine a commencé à recourir à la planche à billets en 2008. Ces prévisions témoignent toujours d’un manque de compréhension du fonctionnement réel du système monétaire et de l’inflation. Injecter des liquidités inutilisées dans une économie qui tourne largement sous son régime normal ne peut générer d’inflation. Les scénarios catastrophistes évoqués par certains ne se sont donc pas réalisés. Une hausse de l’inflation nécessite en effet que le surcroît de masse monétaire soit effectivement utilisé et que l’économie soit poussée au-delà de son régime normal. Aux Etats-Unis surtout, ces deux conditions sont peu à peu remplies. 

L’inflation américaine a atteint 2,3% en février. Si l’on fait abstraction du pic porté par la hausse du pétrole début 2017, elle n’avait jamais été aussi élevée depuis 2010. Et à peu près tous les indicateurs précurseurs laissent à penser que ce n’est qu’un début, et que la hausse de l’inflation pourrait encore s’accélérer au cours des mois à venir. À court terme, c’est surtout la récente augmentation du cours du pétrole (l’or noir se négocie aujourd’hui 25% au-dessus de son niveau d’il y a un an) qui va alimenter l’inflation. La faiblesse du dollar ajoute également une pression inflationniste supplémentaire. Enfin, de plus en plus de signaux laissent à penser que l’inflation progresse au sein du processus de production. Ainsi, les entrepreneurs indiquent que leurs prix d’achat sont en nette hausse. Les tarifs de transport de marchandises en sont une belle illustration : ils enregistrent aujourd’hui leur croissance la plus rapide depuis 2011. Généralement, les entreprises sont à même de répercuter assez vite une hausse de leurs prix d’achat sur les prix de vente aux consommateurs finaux, surtout lorsque quand l’économie tourne à plein régime. 

Le marché américain du travail présente également des signes d’intensification de la pression inflationniste sous-jacente. Le taux de chômage est déjà retombé à 4,1%, son plus bas niveau depuis 2000. Et cela s’exprime peu à peu dans la dynamique salariale. Dans les enquêtes, les PME affirment qu’elles ont l’intention de relever les salaires. Cet indicateur n’avait plus atteint un niveau aussi élevé qu’au début de cette année depuis 1989. Cela suggère une accélération de la hausse des salaires. La faible croissance des salaires était jusqu’à présent un des maillons faibles de la reprise, mais la donne est peu à peu en train de changer. L’accélération de la hausse des salaires pourrait être un signal puissant de l’apparition d’une pression inflationniste structurelle dans l’économie. 

Implications pour les marchés

Après des années de promesses de hausse de l’inflation, les marchés semblent adopter une attitude plutôt attentiste: tant que la poussée inflationniste n’est pas confirmée, ils ne s’en inquiètent pas. Il y a deux mois, les marchés ont pris peur quand un indicateur américain de croissance des salaires a dépassé les attentes. Mais ces inquiétudes se sont rapidement dissipées, et les marchés ont rapidement tourné leur attention vers Trump et son flirt de plus en plus prononcé avec une escalade dans la guerre commerciale. La dynamique inflationniste restera toutefois un facteur important pour les marchés financiers au cours des mois à venir. 

Une véritable poussée inflationniste aux Etats-Unis – ce que suggèrent à peu près tous les indicateurs précurseurs à ce jour – risque de propager une onde de choc sur les marchés obligataires. Une hausse de l’inflation devrait en effet se traduire par une augmentation sensible des taux obligataires. Son impact serait moins univoque sur les marchés d’actions, mais un regain de volatilité est très vraisemblable dans un tel scénario. L’incertitude qui a caractérisé les marchés ces derniers mois ne devrait donc pas se dissiper dans l’immédiat.
 

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