Etats-Unis: le «Powell put»

William De Vijlder, BNP Paribas

2 minutes de lecture

Face à des perspectives plus sombres, la Fed n’hésiterait pas à assouplir sa politique, encourageant ainsi l’appétit des investisseurs pour le risque.

Le président de la Fed Jerome Powell a récemment souligné que, compte tenu d’une inflation atone, le FOMC ferait preuve de patience et était prêt à modifier rapidement l’orientation de la politique monétaire si les conditions l’exigent. Il estime également que dans leur prise en compte des risques baissiers, les marchés financiers vont bien au-delà des données d’activité. Autrement dit, ils sont trop pessimistes à l’égard de la croissance. Les estimations des prévisionnistes professionnels relatives à la probabilité d’une entrée en récession au cours des prochains trimestres ne font pas davantage ressortir la dynamique caractéristique des périodes de prérécession.

Lors de la récente réunion annuelle de l’American Economic Association, le journaliste du New York Times, Neil Irwin, qui animait un débat entre Ben Bernanke, Janet Yellen et Jerome Powell, a lancé la discussion en se demandant, sur le ton de la plaisanterie, ce qui pouvait bien se passer lorsqu’un avocat (en l’occurence Jerome Powell) s’adressait à une conférence avec 13’000 économistes. Et, d’après ce que nous avons pu constater en visionnant l’événement sur YouTube1, la réponse est la suivante: J. Powell a envoyé un «message clair».

Lorsqu’un banquier central entend peser sur l’évolution à court terme de l’économie et, de fait, sur les marchés financiers, il peut communiquer sur la détermination de son institution à intervenir si les circonstances l’exigent mais aussi témoigner d’un niveau de conviction élevé dans sa description de l’environnement économique. Jerome Powell a agi sur ces deux plans à la fois lors de son intervention à cette table ronde. Concernant les indications relatives à l’orientation de politique monétaire, il a insisté sur le fait que le FOMC se montrerait patient étant donné l’atonie de l’inflation et restait «prêt à modifier l’orientation de la politique et à la modifier de manière significative en cas de besoin pour promouvoir [nos] objectifs statutaires en matière de plein emploi et de stabilité des prix». Cette orientation remonte à l’époque Greenspan et aux injections de liquidités qui ont suivi le krach boursier d’octobre 1987. L’opinion selon laquelle, face à des perspectives plus sombres, la Fed n’hésiterait pas à assouplir sa politique, encourageant ainsi l’appétit des investisseurs pour le risque, a amené les commentateurs à faire allusion au «Greenspan put», au «Bernanke put», au «Yellen put» et au «Powell put»2.

L’actuel patron de la Fed a également été très explicite, et c’est tout aussi important, sur la différence existant entre son analyse des perspectives et les signaux envoyés par les marchés: «Les marchés intègrent, me semble-t-il, des risques baissiers et ils vont manifestement bien au-delà des données d’activité». C’est ce que montrent en effet les flux de données récents et les mesures synthétiques correspondantes3, mais aussi l’«Anxious Index»4. Ce dernier, basé sur une enquête réalisée auprès des prévisionnistes professionnels, mesure la probabilité d’une baisse du PIB réel au cours du trimestre suivant la réalisation de l’enquête. Or, son évolution récente ne fait nullement ressortir la dynamique caractéristique des phases de prérécession. De plus, alors que la différence de probabilité de récession (quatre trimestres à venir vs. prochain trimestre) diminue dans les périodes précédant les récessions, cette différence continue actuellement à se creuser.

 

A lire aussi...