ESG en Suisse: de la dénégation à la reconnaissance

Cyril Gomez

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L’investissement durable est devenu mainstream mais les investisseurs privés suisses voudraient être mieux conseillés.

Station solaire du Mont-Soleil à Saint-Imier. ©Keystone

En l’espace de cinq ans environ, les investissements durables en Suisse sont parvenus à atteindre un public plus ou moins large. L’année 2015 marque une jonction entre un avant et un après. Durant cette période, le volume des placements durables croît en effet de près de 100% à 141,7 milliards de francs. «En 2014 déjà, nous observions les assurés exiger de leurs fonds de pension qu’ils gèrent leur argent de façon responsable», se souvient Rainer Baumann, Head of Investments chez RobecoSAM à Zurich. 

C’est en 2015 également qu’apparaissent pour la première fois dans le rapport annuel du Swiss Sustainable Investment Market Study (SSIMS) la catégorie des asset owners (propriétaires d’actifs), qui allouent un peu plus de 55 milliards de francs dans les investissements durables cette année-là. Ces investisseurs consistent en des fonds de pension, banques, compagnies d’assurance, fondations, fonds souverains ou encore family office.

«Par le passé, les investisseurs institutionnels et les banques suisses
étaient en retard et ne s’intéressaient pas aux investissements ESG.»

Trois ans plus tard, en 2018, ces asset owners investissent 455 milliards de francs dans des produits financiers durables. En y ajoutant les asset managers et les mandats, «le volume total des investissements durables s’élève à 716,6 milliards de francs, en hausse de 83% par rapport à 2017», indique Rainer Baumann. Cette dynamique s’explique en grande partie, selon lui, par les «pressions» exercées par diverses parties prenantes sur les fonds de pension, en dépit d’un cadre légal encore loin d’être exhaustif en matière d’investissements durables.

«Par le passé, les investisseurs institutionnels et les banques suisses étaient en retard et ne s’intéressaient pas aux investissements intégrant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)», poursuit Rainer Baumann, contacté par Allnews. Il explique que l’adoption par les Nations Unies des Objectifs de Développement Durable, en septembre 2015, a permis aux propriétaires d’actifs de repenser leur approche. «Lorsque l’on se penche sur les études les plus pertinentes sur l’investissement durable en Suisse, il apparaît que celui-ci est devenu mainstream», souligne Rainer Baumann.

«Aussi bien les investisseurs suisses privés et institutionnels s’intéressent de plus en plus aux investissements durables, à l’instar de ce qui s’observe dans le reste du monde.» En particulier en Europe, où les actifs durables ont progressés de 11% entre 2016 et 2018 à 12’300 milliards d’euros, d’après les données du Global Sustainable Investment Review (GSIR). D’après Rainer Baumann, «les gérants d’actifs et les asset owners sont globalement optimistes quant à la poursuite de la croissance du marché des investissements durables». L’expert invoque des facteurs de croissance tels que la demande des investisseurs, la législation et les initiatives prises aux échelons les plus élevés au sein des entreprises.

«Force est de constater qu’il existe un manque
considérable d’information qui doit être comblé.»

Si les données relatives à l’intérêt des investisseurs institutionnels sont nombreuses, qu’en est-il des investisseurs privés? «Nous avons récemment mené une enquête auprès de 4643 investisseurs privés dans le monde, afin de répondre précisément à cette question», nous confie Andreas Knörzer, Président du Comité de Gouvernance des Investissements ESG chez Vontobel Asset Management. «D’un côté, nous notons globalement un intérêt croissant pour les investissements durables. De l’autre, force est de constater qu’il existe un manque considérable d’information qui doit être comblé», insiste Andreas Knörzer.

Qui précise que «45% des investisseurs suisses interrogés souhaitent davantage de soutien de la part de leurs conseillers en matière d’investissements ESG contre 49% en moyenne dans le monde». Andreas Knörzer ajoute qu’en dépit de l’intérêt croissant des investisseurs interrogés, la part cumulée d’investissements ESG dans leurs portefeuilles demeure inférieure à celle des investissements non durables. «En Suisse, seuls 12% des investisseurs interrogés prennent en compte les aspects et critères durables dans leurs investissement contre une proportion de 17% dans le monde», remarque Andreas Knörzer. «D’une façon générale, on peut dire qu’il y a encore une grande marge de progression», conclut l’expert de Vontobel.