Emmanuel Macron, acte II

Stéphane Monier, Lombard Odier

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Le chômage est en baisse et plusieurs réformes sont déjà engagées. La plus polémique d’entre elles, la réforme des retraites, sera le prochain grand défi.

La grève qui a touché récemment les transports en commun parisiens nous rappelle que les tensions sociales demeurent vives en France. Ce nouvel épisode de contestation, qui porte sur les propositions faites en vue de modifier le système de retraites, est une bonne illustration des défis à venir ainsi que de la nécessité pour le pays de concilier une série de réformes structurelles avec une baisse des dépenses publiques.

Cependant, ces mouvements sociaux masquent la dynamique sous-jacente. En effet, à mi-chemin du quinquennat du président Macron, une fenêtre d'opportunité semble s’ouvrir. L’économie française a progressé de 1,4% au deuxième trimestre en glissement annuel, une performance supérieure à celle de l’Allemagne, qui atteint seulement 0,4%. La France dépend moins de ses exportations que l’Allemagne, dont les biens et les services exportés représentaient près de la moitié (47,5%) du PIB en juin, contre 31,7% pour la France, selon Eurostat (cf. tableau). Par ailleurs, le secteur manufacturier allemand pèse 26% de la valeur ajoutée brute du pays, soit plus du double qu’en France (12%).

La prochaine phase de réformes voulues par le président français a été définie dans le cadre du budget 2018. L’approche de M. Macron, qui se veut plus globale que celle de ses prédécesseurs, de François Mitterrand à François Hollande, semble soutenir la confiance des entreprises (cf. graphique 1).

Certes, la route est encore longue, mais le chômage est en baisse (il est passé de 9,5% environ, lorsque M. Macron est entré en fonction en mai 2017, à 8,5% aujourd'hui) et peu d’obstacles politiques se dressent devant le président, dont la cote de popularité remonte après la chute qu’elle avait accusée lors du mouvement des «gilets jaunes » initié fin 2018.

Le gouvernement français a modifié le droit du travail afin que les employeurs aient moins de réticences à embaucher, sans pour autant affaiblir les syndicats potentiellement contestataires. Un taux d’imposition uniforme de 30% a été mis en place pour les revenus financiers, un impôt sur la propriété s’est substitué à un impôt sur la fortune, des taxes plus élevées pour les ménages ont été compensées par des cotisations sociales moindres pour les salariés du secteur privé, la taxe d’habitation a été réduite et l’impôt sur les sociétés a été pour sa part abaissé à 28%. Le gouvernement s’est également attaqué à l’assurance-chômage et s’intéresse maintenant aux dépenses du régime des retraites, qui forment la plus grande part de la dépense publique.

Mais la situation n’est pas si simple. Le Forum économique mondial a classé la France au 17e rang de son indice mondial de compétitivité pour 2018, soit une toute petite amélioration d'une place par rapport à 2017. A contrario, l'Allemagne campe obstinément au 3e rang.

Le sujet très politique des retraites

En 2018, les dépenses publiques françaises en matière de santé, de retraites et de services sociaux représentaient environ 32% du PIB, soit le niveau le plus élevé au monde selon l’OCDE. Le même chiffre n’est que de 25% en Allemagne.

M. Macron a promis de réformer les retraites lors de son élection en 2017 et les réformes devraient en effet être au cœur de l'«acte II» de sa présidence. Les retraites sont un sujet politiquement sensible. La dernière tentative de refonte complète du régime des pensions remonte à 1995 : elle se solda par un échec, les projets présentés par le Premier ministre d'alors, Alain Juppé, ayant été stoppés net par des grèves massives. En 2010, le président Nicolas Sarkozy s’était à nouveau attaqué au sujet, en proposant cependant des changements plus mesurés.

Après la crise des gilets jaunes, M. Macron souhaite montrer qu’il est à l’écoute au travers de la tenue d’un calendrier de débats nationaux. Cependant, le gouvernement s’est également engagé à maintenir le niveau actuel des dépenses de retraites. Si cela peut faciliter l'acceptation de la réforme, l’équilibrage du déficit généré par le régime public des pensions sera plus difficile.

Un régime de retraites par répartition est devenu impossible à assumer compte tenu de l’augmentation de l'espérance de vie. La part du PIB français consacrée aux retraites (environ 13% en 2018) est plus importante que celle de la plupart des pays membres de l'OCDE et les citoyens français quittent la vie active bien plus tôt que leurs voisins, notamment en Allemagne où l’âge légal de départ est fixé à 65 ans. La réforme actuellement proposée repousserait l’âge de la retraite en France à 64 ans d'ici 2025.

Une économie à deux vitesses

Bien que le mouvement des gilets jaunes se soit essoufflé, les préoccupations autour de la fracture grandissante entre riches et pauvres n'ont pas disparu et la réforme des retraites touche à plusieurs sujets sensibles. Les manifestations passées étaient en partie motivées par la double revendication d'une baisse des impôts et d'une augmentation des dépenses publiques. La contestation a d’ailleurs sans doute provoqué un changement dans la politique du gouvernement, qui a accordé beaucoup plus d’importance par la suite à la sécurité sociale et à la santé publique. En outre, les réformes envisagées prévoient une injection d'environ 25 mia EUR dans l'économie, soit environ 1% du PIB.

Tandis que le gouvernement Macron continue de réduire les dépenses de l’appareil d’État, l’ensemble des dépenses publiques ont pour leur part représenté 56,5 % du PIB total en 2017, soit la part la plus élevée parmi les membres de l'Union européenne (UE). En conséquence, la dépense publique française se rapproche du plafond de déficit budgétaire de 3% fixé par les règles de la zone euro, alors même que ce dernier était repassé au-dessous en 2017, et ce pour la première fois en dix ans. La crédibilité de M. Macron au sein de l’UE dépendra en partie de sa capacité à respecter ce plafond.

Au-delà de l’Hexagone

Sur la scène internationale, face à l’instabilité provoquée par le Brexit et par la présidence de Donald Trump, et en raison du retrait politique progressif de la chancelière Angela Merkel, Emmanuel Macron apparaît aujourd’hui comme un dirigeant relativement plus influent.

C’est ainsi que dernièrement, au sommet du G7 de Biarritz, il s’est affiché sur différents fronts, tels que les incendies de la forêt amazonienne ou les relations américano-iraniennes. Après le limogeage du conseiller américain pour la sécurité, John Bolton, le plan proposé par la France à l'administration Trump pour renouer le dialogue avec l'Iran serait en train de faire son chemin.

L’économie française d’après-guerre a souvent été considérée – jusqu’à la caricature – comme ingouvernable ou irréformable. La popularité de M. Macron est en train de se redresser, alors qu’il n’a pas réellement de rival politique à l’heure actuelle et il battrait presque certainement l’extrême droite dans une élection présidentielle à deux tours (les partis traditionnels, en pleine introspection, n’étant pas à même de proposer des alternatives crédibles). L'économie française semble par ailleurs équilibrée et de plus en plus concurrentielle à l’échelle internationale. Le président Macron a créé les conditions d’une possible réforme de l’État français.


 

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