Elections européennes: des changements mais pas de révolution

Philippe Waechter, Ostrum AM

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Le parti conservateur (PPE) n’est plus aussi dominant et les sociaux démocrates ne peuvent plus faire alliance avec eux pour une large coalition.

Les élections pour le Parlement Européen ont mobilisé davantage lors du scrutin du 26 mai. Le taux de participation est, à 50,8%, le plus élevé depuis 1994. Pour la France aussi ce changement est fort avec une participation de 50,1%, le plus élevé depuis 1994.

On voit bien sur le graphe le changement d’allure très marqué. Cette mobilisation a été observé dans la plupart des pays européens.

On constate que seuls 8 pays ont un taux de participation en repli par rapport aux élections de 2014. On note ainsi la très forte augmentation de la participation en Europe Centrale. En Pologne, Hongrie et Roumanie, jamais ce taux n’avait été aussi élevé. En d’autres termes, la question européenne a plutôt mobilisé dans tous les pays européens.

Il n’y a pas eu de raz de marée vers le nationalisme et c’est pour cela
que les marchés financiers ne connaissent pas des évolutions heurtées.

Ce vote s’est traduit aussi par une plus grande diversité et c’est peut-être une conséquence de cette participation en hausse. Le parti conservateur (PPE) n’est plus aussi dominant et les sociaux démocrates ne peuvent plus faire alliance avec eux pour une large coalition. La contrepartie de cette faiblesse des partis qui, traditionnellement dominaient le Parlement, est la quarantaine de sièges gagnés par les centristes libéraux, la trentaine gagnée par les écologistes et la vingtaine glanée par les partis nationalistes et d’extrême-droite. La gauche radicale en revanche perd une quinzaine de sièges.

La question qui était importante à la veille de ces élections portait sur le point d’équilibre entre ceux qui souhaitent inscrire l’évolution de l’Europe au sein des règles existantes et ceux qui veulent prendre les règles qui les arrangent. Le parlement reste très orientés vers le respect des règles. Les partis nationalistes et d’extrême droite représenteront un peu moins de 180 sièges sur 751 et ne participeront pas à une quelconque coalition.

Il n’y a pas eu de raz de marée vers le nationalisme et c’est pour cela que les marchés financiers ne connaissent pas des évolutions heurtées. La victoire de Salvini en Italie était largement attendue et ce n’est donc pas une surprise, tout comme celle d’Orban en Hongrie. Il peut cependant y avoir des histoires locales comme en Grèce où le parti démocrate a supplanté le parti du premier ministre Tsipras alors que les élections législatives vont être tenus prochainement.

Sur ce point d’ailleurs, l’impact des élections au Parlement Européen est toujours très réduit à l’échelle nationale. A chaque fois on imagine des changements forts mais ce vote reste européen. Il sera néanmoins intéressant de regarder la situation britannique de près puisque si Farage gagne les élections, les pro-Brexit ne sont pas pour autant majoritaires. C’est pour cela que la situation outre-Manche va devenir complexe après la démission de May le 7 juin prochain. Il va falloir trouver un nouvel équilibre politique pour désigner un premier ministre qui négociera le Brexit et cela sera forcément très complexe (voir ici sur la démission de Theresa May)

La question maintenant est celle de l’élection
de la Commission Européenne. 

Il y a ici un double changement. Le premier est que la grande coalition n’aura pas lieu. Il y aura forcément des écologistes et des centristes libéraux. L’équilibre sera différent de celui observé depuis longtemps. L’autre point est que le candidat allemand n’est plus aussi fort qu’attendu en raison de la faiblesse du score du CDU/CSU en Allemagne (mais aussi peut être en raison de la Selmayrgate qui fragilise l’Allemagne au sein de la Commission). Angela Merkel n’aura pas forcément la capacité d’imposer Manfred Weber. Le jeu se fera entre ce candidat allemand, Michel Barnier, Frans Timmermans et Margrethe Vestager.

Pour la zone euro, le choix du président de la Commission Européenne ne peut être neutre car dans quelques semaines, le nouveau président de la BCE, sera nommé. Il y a quelques mois, Angela Merkel avait indiqué ne pas soutenir Jens Weidmann à la tête de la BCE préférant la présidence de la Commission à celle de la banque centrale. Si Manfred Weber n’est pas le futur président, la carte Weidmann pourrait être jouée. C’est déjà une attitude que l’on constate depuis quelques temps. La candidature du président de la Bundesbank est à nouveau à la une des gazettes. Je ne crois pas que ce serait une bonne chose qu’il s’installe à la place de Draghi après le départ de celui-ci. Il n’a pas une attitude coopérative au sein des pays de la zone. Il était opposé à l’OMT, hostile à une politique trop accommodante (qui ne l’a peut être pas été assez) et à une éventuelle relance budgétaire en cas de choc négatif sur l’activité. A l’influence allemande sur l’austérité budgétaire il n’est pas nécessaire d’ajouter l’austérité monétaire si l’on souhaite que la zone euro continue de fonctionner. Cet arbitrage sera important et c’est ce qui va nous passionner dans les prochaines semaines.
 

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