Droits de douane US: qui les paye vraiment?

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Après des mois d’apaisement, la guerre tarifaire a été soudainement relancée.

© Keystone

Selon l’administration US, la Chine serait revenue sur certaines promesses. En réponse, Donald Trump a annoncé une hausse des droits de douane de 10% à 25% sur 200 milliards de dollars de produits importés de Chine (mise en oeuvre ce matin) et menacé de taxer tout le reste. Il voit ces mesures comme une «taxe» qui serait payée par le gouvernement chinois au gouvernement US. Il n’y a rien de tel dans la réalité. À ce jour, bien peu de produits de consommation finale sont touchés. M. Trump peut donc croire que les US sont immunisés, mais c’est une erreur.

Quand un pays X augmente les droits de douane sur les produits importés du pays Y, deux questions peuvent se poser:

  1. quel est l’impact sur le volume des échanges ? et,
  2. qui en supporte le coût?

Les données de commerce éclairent sans difficulté la première question. Dans le cas des échanges US-Chine, on observe une forte réduction des importations, parfois précédée d’une phase de stockage.

US: importations venant de Chine

Source: Thomson Reuters, Oddo BHF Securities

La deuxième question est plus complexe. L’exportateur de Y peut réduire ses marges ou l’importateur de X peut répercuter la hausse, plus ou moins totalement, sur le prix payé par le consommateur. Tout est affaire d’élasticité-prix et, partant, de concurrence et de substituabilité sur les marchés de produit concernés. Donald Trump affirme que le coût est payé par les Chinois. Il n’y aurait donc aucun risque à mener une guerre tarifaire – à condition toutefois d’ignorer les mesures de rétorsion déjà adoptées par la Chine (les agriculteurs US peuvent témoigner de leur sévérité) et qui seront, à n’en pas douter, étendues. En fait, la théorie et l’histoire suggèrent que le coût final retombe en bonne partie sur le consommateur car il n’y a jamais de substituts instantanés et parfaits aux produits taxés. Des études ont identifié un impact significatif des tarifs sur les prix à la consommation, mais en tenant compte des gains tirés par les producteurs locaux et du surcroît de recettes fiscales, l’effet total sur l’économie serait faible (0.04% du PIB jusque-là). D’autres auteurs font valoir que si la guerre tarifaire est limitée à un pays ou secteur, et non générale, il doit être possible de relocaliser la production et, ce faisant, d’annuler l’impact sur les prix. Reste que déplacer des lignes de production n’est pas sans coût et cela suppose d’avoir de la visibilité sur la politique commerciale (on en est loin).

Enfin, on peut observer que si l’impact des droits de douane sur les prix est pour l’instant faible, c’est que l’administration US a ciblé en priorité des biens où la part de marché chinoise dans les importations totales est faible, permettant de trouver d’autres fournisseurs. Ce ne serait plus du tout le cas si la guerre tarifaire devait s’intensifier et s’étendre à l’ensemble des échanges avec la Chine.

US: part de marché médiane des produits chinois

Source: Thomson Reuters, Oddo BHF Securities

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