Décrypter les fonds durables

Salima Barragan

2 minutes de lecture

«En plus de la performance financière, les clients veulent connaître la composition de leurs portefeuilles ISR» estime Léa Dunand-Chatellet de DNCA.

Dans une ère ou la transparence devient primordiale et à l’heure des applications décryptant la composition des produits de consommation courante, les investisseurs souhaitent également connaître la teneur des fonds socialement responsables (ISR) dans lesquels ils sont investis. Pour l’instant, il n’est pas encore possible de scanner leur code ISIN afin de les analyser à la loupe. Une telle technologie pourrait se révéler très utile alors que l’offre explose. Alors comment s’y retrouver? Le point avec Léa Dunand-Chatellet, Directrice du Pôle Investissement Responsable chez DNCA.

TRANSPARENCE DU FONDS

Accéder facilement à toute l’information d’un fonds ISR devrait être la première règle de base quand on parle de transparence. Chez DNCA, les rapports d’impact, inventaires complets des portefeuilles ISR et fiches descriptives mensuelles présentent des indicateurs d’impact concrets et chiffrés tels que des mesures écologiques (quantité de kWs d’électricité renouvelable produits ou de tonnes de CO2 évitées) ou sociales (nombre de patients soignés ou de diagnostics réalisés). Les fonds dévoilent également la répartition de leur exposition aux différents thèmes durables. Enfin, chaque société en portefeuille doit pouvoir être défendue par le gestionnaire. «Nous voyons de vrais relais de croissance dans des sociétés comme Givaudan, dont les ingrédients naturels surfent sur la vague des produits naturels, Kingspan, qui fournit des matériaux de construction efficients et Tomra, une société dans le recyclage individuel», explique Léa Dunand-Chatellet.

L’arrivée d’un label européen basé sur la taxonomie
d’ici deux à trois ans devrait mettre un peu d’ordre.

En l’absence d’un label universellement reconnu et chaque marché ayant atteint un certain degré de maturité, une pléthore de labels ISR nationaux ont fleuri au cours des dernières années, chacun possédant des spécificités distinctes et créant ainsi une certaine confusion dans la lisibilité des fonds. Par exemple, le label français ne garantit que le processus ISR, alors que le label belge certifie également en partie la qualité du portefeuille. Cependant, l’arrivée d’un label européen basé sur la taxonomie d’ici deux à trois ans devrait mettre un peu d’ordre dans cette «jungle» et simplifier la lisibilité pour le client final.

NOTATIONS DES SOCIETES D’ANALYSES

L’analyse (à l’interne ou en sous-traitance) des sociétés dans lesquelles investir, est aussi sujette à certaines divergences. «Ce n’est pas la même chose de déléguer son analyse ESG que de la faire soi-même en interne et ainsi en garantir la profondeur et la qualité. Nous avons donc créé un modèle propriétaire», explique Léa Dunand Chatellet. Selon la spécialiste, les résultats des principales agences de notation extra-financière ISR sont trop souvent biaisés par la surface des capitalisations boursières: «Elles ont tendance à évaluer le niveau de transparence et moins le comportement des sociétés. Une société comme ArcelorMittal est ainsi notée 9 sur 10 alors qu’une petite société sera moins bien notée, voire pas du tout». La gérante exploite cette moins bonne couverture et se fournit en donnés extra-financières directement auprès des entreprises: «Nous avons ainsi une vision contrariante vis-à-vis des agences de notation».

«En Allemagne, les investisseurs évitent le nucléaire
alors qu’en France, c’est les OGM.»
QUELLES EXCLUSIONS CHOISIR?

En matière d’exclusion des thématiques sensibles, deux choix se présentent aux investisseurs: bannir les secteurs non conformes à leurs valeurs ou éliminer les entreprises à risques et exposées à la controverse. Le premier choix relève de l’éthique et répond à des systèmes de valeurs morales individuelles et collectives. «En Allemagne, les investisseurs évitent le nucléaire alors qu’en France, c’est les OGM», explique la spécialiste. Autre exemple, certains investisseurs orientaux bannissent l’alcool alors que d’autres délaissent les armes. En revanche, le risque de réputation influe réellement sur la volatilité des portefeuilles. «Les controverses sur les sociétés se concrétisent dans leurs cours boursiers», poursuit-elle. On se souviendra de BP avec l’explosion de la plateforme Deepwater et de Volkswagen avec le Dieselgate. Ou encore de Glencore, objet de soupçons de corruption (en République Démocratique du Congo, au Venezuela et au Nigéria) dont l’action a chuté de 6,5% puis 23,4%.

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