Convictions sur le crédit européen

Salima Barragan

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«Sans volatilité, nous ne pouvons exprimer nos convictions», estime Tom Sartain, de Invesco.

 

C’est à la Société Nautique, par un temps radieux, que Tom Sartain, récemment enrôlé au sein du team « fixed income » en qualité de senior portfolio manager, nous dévoile les perspectives obligataires d’Invesco. L’environnement obligataire, quant à lui, est moins clément. Depuis le début de l’année, il y a eu une intensification de la volatilité sur la dette corporate et il n’anticipe aucune accalmie. Pour lui, c’est dans ce contexte que les managers de convictions feront la différence.

Potentiel de revalorisation en Europe

L’Europe a connu en 2017 une croissance exceptionnelle de 2,5%. Top élevée, elle était insoutenable. Vis-à-vis des attentes trop optimistes à 2,4% pour 2018, nombre d’investisseurs ont été déçus suite au ralentissement observé lors du premier trimestre. Pour Tom Sartain, il s’agit d’une normalisation de milieu de cycle économique qui reste toutefois résilient. En conséquence, ces investisseurs désenchantés se sont retirés du marché obligataire européen et leur perception du risque demeure très élevée. D’ailleurs, les incertitudes en Europe sont reflétées dans les valorisations suite à un mouvement de fuite vers la qualité: la dette souveraine européenne core. «Le sentiment négatif en Europe a créé une sous-performance opportuniste», explique Tom Sartain.

Les rédemptions continuent à être investies ce qui devrait aider
à maintenir un climat de confiance au sein du marché.

Pourtant, les conclusions économiques de Invesco sur la zone euro sont positives: «Nous avons une vue constructive sur l’Europe. Cette zone offre toujours un potentiel intéressant avant d’arriver à la phase de fin du cycle qui, elle, n’est jamais favorable pour les détenteurs de dette corporate», explique Tom Sartain.

Les incertitudes liées à la fin de QE (quantitative easing), qui maintiennent l’anxiété des investisseurs, sont également intégrées dans les prix. Mais la Banque centrale européenne, qui ne mettra pas la croissance en péril, ne fera aucun ajustement à sa politique monétaire avant l’été 2019. «Cela  laisse une période encore conciliante de 12 à 24 mois qui sera favorable pour les obligations. De plus, bien que la BCE ne soit plus une acheteuse net de titres, les rédemptions continuent à être investies ce qui devrait aider à maintenir un climat de confiance au sein du marché», souligne-t-il.

Tom Sartain concède que nous avons assisté l’année passée à la plus grande phase de compression des spreads sur le crédit corporate: «Après deux année de propension au resserrement des spreads, ceux-ci se sont écartés depuis le début de l’année». Tom Sartain investit donc sélectivement sur des émetteurs de bonne qualité: ce sont les meilleurs candidats à son allocation obligataire du second semestre. «Le cycle du crédit n’est plus le même qu’il y a 3 ans; nous devons donc redoubler d’attention dans notre exposition au risque crédit. Cela dit, le taux de défaut sur les obligations d’entreprise est très bas. De plus, les sociétés européennes ont la capacité à générer des profits dans l’environnement actuel», explique le gérant qui encourage actuellement ses clients à se positionner dessus.

Les maturités courtes ne font pas partie de l’allocation tactique
du gérant car il identifie peu de potentiel.
Dette subordonnée bancaire

Tom Sartain se plait à relever que certaines portions de la dette, sur lesquels la BCE est acheteuse,  ne sont pas intéressantes. Il cite notamment les valeurs industrielles «single A» de court terme que Invesco sous-pondère, car leur rendement total est significativement négatif. En revanche, Invesco surpondère la dette bancaire subordonnée qui ne fait pas parti du programme de rachat de la BCE. «L’environnement est favorable pour les banques européennes qui ont entrepris des ajustements conséquents depuis la crise. J’apprécie tout particulièrement les banques scandinaves et certaines banques hollandaises. Elles sont bien gérées, ont une bonne visibilité sur leurs revenus et aussi la structure de leur capital est meilleure», détaille le portfolio manager.

De même, les obligations hybrides ne sont non plus pas influencées par le programme de la BCE. «Au sein de bonnes sociétés, nous osons descendre dans leur structure du capital car cette portion offre une compensation très satisfaisante. Nos «picks» favoris sont les fournisseurs d’énergie», explique Tom Sartain qui considère les Step-ups et autres hybrides comme des instruments de duration courte à cause de leur option de call. «Nous pensons qu’elles seront rappelées», poursuit-il. Mais les maturités courtes ne font pas partie de l’allocation tactique du gérant car il identifie peu de potentiel. «Nous voyons un «sweet spot» sur le risque crédit mais non sur des arbitrages de maturité contrairement au marché américain».