Conflits commerciaux dans le monde: à quoi faut-il s'attendre?

Philippe G. Müller, UBS

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Beaucoup de facteurs guideront les marchés à moyen terme. Les investisseurs pourraient avoir du mal à suivre le fil des différentes «intrigues».

© Keystone

En ce moment, les tensions entre les Etats-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux continuent d'attiser la volatilité des marchés des actions. Mais il y a bien des chances qu'un désir commun d'éviter un ralentissement de la croissance finira par conduire les Etats-Unis et la Chine vers un compromis. Néanmoins, les investisseurs seront avisés d’évaluer en continu la nécessité de protections supplémentaires à la baisse. On peut estimer que l'évolution du marché dépendra de six facteurs:

  1. La poursuite ou l’échec des négociations commerciales
    Les tensions ouvertes entre la Chine et les Etats-Unis se sont accentuées la semaine passée, les deux parties voulant montrer qu'elles ne céderaient pas en premier.
     
  2. La rapidité à laquelle les Etats-Unis appliqueront la menace du président Trump de taxer 300 milliards de dollars supplémentaires d'importations chinoises
    Des préparatifs sont en cours pour imposer de nouveaux droits de douane sur les 300 milliards de dollars d'importations chinoises non encore taxées. C’est un processus qui prendra environ deux mois. Si aucun accord n'est conclu d'ici le sommet du G20 fin juin, de nouvelles taxes douanières pourraient être promptement imposées par la suite.
    Le différend va bien au-delà des droits de douane sur les importations chinoises. Le président Donald Trump a également signé un décret déclarant une urgence nationale sur le front des technologies de communication. Ce texte pose ainsi les bases d'une interdiction totale de l'équipementier chinois Huawei.
    Par ailleurs, le Département du commerce a ajouté Huawei et 70 sociétés affiliées à sa «liste d'entités», ce qui pourrait les empêcher d'acquérir des composants fabriqués aux États-Unis. Une interdiction des achats de processeurs américains par Huawei représenterait une sérieuse escalade dans les efforts des Etats-Unis visant à faire pression sur la Chine pour la conclusion d'un accord commercial.
     
  3. La réaction de la Chine, au-delà des taxes annoncées le 13 mai
    La Chine a augmenté les droits de douane sur 60 milliards de dollars d'importations américaines, jusqu'à parfois 25%. Pour l'instant, rien ne laisse présager des mesures de rétorsion supplémentaires. La Chine n'a pas encore indiqué si elle rétablirait les taxes additionnelles sur les importations automobiles américaines, ni si elle cesserait d'acheter des produits agricoles américains. C'est un signe positif, qui suggère que la Chine est disposée à parvenir à un accord.
     
  4. L'augmentation (ou non) des droits de douane américains sur les automobiles
    Le président Trump a retardé «de six mois au maximum» la décision de taxer les voitures et pièces importées, afin de donner à l'Union européenne (UE) et au Japon le temps de convenir d'un accord qui «limiterait ou restreindrait» leurs exportations vers les Etats-Unis. Ce répit soulage les marchés, mais le risque demeure.
     
  5. Les réactions en matière de politique monétaire et budgétaire
    Ces deux dernières semaines, la Banque populaire de Chine a injecté des liquidités supplémentaires via sa «facilité de crédit» à moyen terme sur un an et a abaissé le ratio de réserves obligatoires (RRR) pour certains prêteurs de petite et moyenne taille. On peut prévoir des réductions supplémentaires de 100 à 200 points de base (pb) du RRR.
    Cela n'est pas passé inaperçu à Washington: le président Trump a tweeté que si la Fed américaine se prêtait au jeu de la relance chinois, «ce serait Game Over, victoire aux US!». Néanmoins, on peut prévoir que la Réserve fédérale résistera aux pressions politiques. Le compte-rendu de sa prochaine réunion permettra d'estimer l'incidence potentielle des incertitudes commerciales et des données conjoncturelles sur ses taux directeurs.
     
  6. Les retombées sur la croissance économique mondiale
    L'activité industrielle, aux Etats-Unis comme en Chine, a fléchi en avril. Ces jours, les statistiques du PMI (de part et d'autre de l'Atlantique) devraient révéler l'impact des tensions commerciales sur le climat des affaires. Le président de la Fed de New York, John Williams, vient d'affirmer qu'il se fonderait sur les dernières statistiques pour mesurer les répercussions des tensions commerciales.

Avant tout accord, il faut s’attendre à ce que la volatilité perdure. Le scénario de référence que privilégie la Recherche d’UBS est qu'un accord sera finalement conclu, que la taxation des 300 milliards d'USD d'importations n'aura pas lieu et que les droits de douane seront partiellement levés.

Cependant, on sait que le président Trump aime entretenir le suspense. Aussi, la probabilité de ce scénario peut être évaluée à 50%. Il faudra peut-être que l'économie et les marchés nationaux souffrent pour pousser l'administration américaine à lâcher du lest.

Ainsi, même s’il est toujours conseillé de miser sur la croissance à long terme, les investisseurs devraient envisager des stratégies de protection en vue de la volatilité prochaine. Celles-ci peuvent inclure des «put spreads», la diversification du portefeuille ou encore la sélectivité dans les revenus fixes.

Les positions anticycliques existantes – notamment la sous-pondération du dollar australien, l'exposition au yen japonais et l'option de vente sur le S&P – ont bien performé au cours de cette période de volatilité. Mais il faudra continuer de surveiller un tel positionnement et de l'ajuster en fonction de l'évolution des perspectives de risque et de rendement.

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