Calme olympien sur le crédit

Cyril Gomez

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Interrogés par Allnews, Banque Reyl & Cie, Banque Bonhôte et T. Rowe Price partagent leurs perspectives de l’investment-grade US.

 

La volatilité des marchés actions ne semble pas s’être propagée sur le marché du crédit. Même si le début d’année ne fut pas facile pour celui-ci. Reflétant plus de 1800 emprunts investment-grade (IG) américains, l’indice Markit iBoxx USD Liquid Investment Grade Index baisse de 1,96% au cours des trois derniers mois écoulés au 6 avril 2018. Contre une perte de plus de 5,21% sur cette période pour le S&P 500.

D’après Moody’s, les investisseurs internationaux, essentiellement Européens et Asiatiques, détiendraient (fin 2017) 40% des 8826 milliards de dollars que représente l’encours des obligations d’entreprise américaines (hors ABS et MBS). Et les niveaux d’endettement record des émetteurs américains ne semblent pas pouvoir modérer leur appétit.

Au cours des deux dernières années se terminant en 2017, «le reste du monde», explique Moody’s, a en effet enregistré des achats nets records d’obligations d’entreprise américaines totalisant 837 milliards de dollars. Dans leurs perspectives hebdomadaires des marchés, les analystes de l’agence de notation rappellent pourtant que la moyenne mobile à 10 ans du ratio dette/PIB du secteur américain non-financier est passée de 183% du PIB en 1997 à 245% fin décembre 2017. 

«Le niveau d’endettement des entreprises non-financières américaines
a atteint un pic similaire à la période 2008-2009.»

Pour Nicolas Besson, Responsable obligataire à la Banque Reyl & Cie, admet que le niveau d’endettement des entreprises non-financières américaines a atteint un pic similaire à la période 2008-2009 (relativement au PIB). Mais il invoque toutefois des fondamentaux toujours «solides», un environnement de croissance «soutenue» et des bilans «plutôt sains». 

«Les entreprises ont profité des taux extrêmement bas et de l’appétit des investisseurs pour se refinancer à moindre coût et pour allonger les échéances de leurs dettes, ce qui leur donne une marge de sécurité confortable face à un resserrement des conditions financières à venir», confie-t-il à Allnews. Nicolas Besson ne manque pas de souligner la remontée «mesurée et graduelle» des taux directeurs engagée par la Réserve fédérale, ce qui pousse l’agence de notation Moody’s anticiper une baisse des taux de défaut en 2018 et probablement encore pour le début 2019.

«La corrélation entre le ratio d’endettement des entreprises
non-financières américaines et leurs taux de défaut s’est peut-être cassée.»

Responsable de la Gestion discrétionnaire à la Banque Bonhôte, René Morgenthaler observe que la corrélation entre le ratio d’endettement des entreprises non-financières américaines (par rapport au PIB) et leurs taux de défaut ou spreads de crédit s’est peut-être «cassée» au cours des dernières années. «L’une des raisons est la reprise de la croissance mondiale et pas seulement aux Etats-Unis, dont profitent aussi les entreprises américaines actives à l’international», nous explique René Morgenthaler.

Steve Booth, Gestionnaire du Global Investment Grade Corporate Bond Fund chez T. Rowe Price, ne s’attend pas non plus à une hausse significative des défauts consécutive à un resserrement monétaire de la banque centrale américaine. Il observe néanmoins que la demande internationale pour cette classe d’actifs n’a cessé de diminuer au cours des derniers trimestres. «Les rendements, après prise en compte des coûts de couverture, sont devenus moins attrayants», détaille Steve Booth.

«Pour les investisseurs globaux, le crédit de première qualité continue
d’offrir un certain degré de sécurité et un revenu à un prix raisonnable.»

«Bien que nous nous attendions à ce que cette tendance se poursuive, la récente remontée des écarts de crédit associée à la faiblesse des rendements des obligations d’Etat à l’échelle mondiale, les flux de capitaux étrangers demeureront positifs. Pour les investisseurs globaux, le crédit de première qualité (investment grade) continue d’offrir un certain degré de sécurité et un revenu à un prix raisonnable», écrit le gestionnaire de T.Rowe Price dans une note de réponses à nos questions.

Nicolas Besson observe également le caractère de plus en plus dissuasif que représente le coût de couverture monétaire du dollar pour les investisseurs européens et asiatiques. «En effet, le rendement résiduel après imputation de la couverture est réduit à peau de chagrin selon les échéances choisies», poursuit le gestionnaire de la Banque Reyl & Cie. Ce constat est particulièrement valide pour les investissements basés en euro, moins pour ceux basés en yen. 

«Dans ce cas, le rendement net demeure supérieur à celui des obligations domestiques», analyse Nicolas Besson. Avant d’ajouter que, dans la mesure où les prochaines hausses de taux de la Fed absorberont peu à peu ce différentiel positif, «les obligations libellées en euros sont de plus en plus évoquées comme alternative pour les investisseurs japonais, de par leur coût de couverture monétaire nulle à négatif».

Enfin, René Morgenthaler, estime qu’avec la politique actuelle de Donald Trump, qui vise à réduire le déficit commercial américain, «il y aurait naturellement moins de besoin d’acheter les obligations américaines» pour des pays comme la Chine et le Japon, dans le cadre du recyclage de leurs réserves de change. «Attendu que le déficit budgétaire devrait augmenter, ce qui pourrait se produire est une hausse des taux longs US qui devrait attirer d’autres investisseurs.»