Bureau du futur: les cadres ne donnent pas assez l’exemple

Matthias Thalmann et Luc Zobrist, Deloitte Suisse

3 minutes de lecture

L’univers professionnel de demain doit privilégier la flexibilité, l’interconnection, la coopération et l’échange.

Presque un quart des personnes exerçant leur activité dans des bureaux en Suisse doivent se chercher un poste de travail le matin. Deux tiers travaillent à l’extérieur, au moins de temps en temps. La flexibilité croissante dans les bureaux suisses est une réaction aux changements survenus dans les milieux professionnels, qui se tournent davantage vers le savoir, la créativité et l’interaction. Néanmoins, l’environnement de travail, les équipements technologiques et, en particulier, la culture d’entreprise ne relèvent pas toujours ces nouveaux défis.

Les nouvelles technologies, la mondialisation et les exigences des jeunes professionnels stimulent fortement la transformation du monde du travail et les modes de collaboration. Par conséquent, des secteurs industriels, des professions et des champs d’activité entiers, ainsi que les compétences requises, ont radicalement changé. 

«Lorsque le monde professionnel change, le poste de travail doit lui aussi être adapté», déclare Matthias Thalmann, Associé au sein de la division Conseil en capital humain de Deloitte Suisse. «Aujourd’hui, la majorité des employés suisses sont tributaires des technologies numériques et exercent principalement des activités à forte densité de connaissances et de créativité, avec un degré élevé d’interactions. L’univers professionnel de demain doit tenir compte de ces caractéristiques et privilégier la flexibilité, la coopération et l’échange.»

Deux tiers des personnes interrogées
n’ont plus de poste de travail fixe dans les bureaux de leur employeur.

L’entreprise de conseil Deloitte a demandé à un millier de personnes travaillant dans des bureaux en Suisse dans quelle mesure ces changements sont intégrés concrètement dans leur travail au quotidien. Ces personnes passent au moins la moitié de leur temps de travail devant un ordinateur. Deux tiers des personnes interrogées n’ont plus de poste de travail fixe dans les bureaux de leur employeur. 40% travaillent au moins un jour par semaine à la maison ou ailleurs, par exemple dans un espace de coworking.

La majorité des employés suisses ont un poste de travail fixe

Bien que les concepts de travail agiles et flexibles tels que les bureaux à domicile (Home Office) ou le partage flexible des postes de travail (Hotdesking) soient de plus en plus en vogue dans les entreprises suisses, une large majorité des employés suisses (77%) occupent encore et toujours un poste de travail leur étant dédié. En revanche, l’organisation du temps de travail est devenue nettement plus flexible: 72% disposent d’une certaine liberté dans l’organisation de leur temps de présence au bureau; 9% seulement déclarent devoir respecter des horaires de travail rigides. 

Seules un tiers des personnes exerçant leur activité dans un bureau travaillent quotidiennement à un poste fixe dans les locaux de leur employeur. En d’autres termes, la majeure partie peuvent exercer régulièrement leur profession en dehors du site de leur employeur. On constate cependant de grandes différences: 28% appliquent le télétravail moins d’un jour par semaine, 12% exactement un jour par semaine et plus d’un quart (27%) plus d’un jour par semaine. 

«Bon nombre d’entreprises suisses négligent l’importance
de restructurer l’aménagement des postes et les modèles de travail.»

En faisant travailler les salariés plus souvent à l’extérieur et en introduisant le partage des postes de travail, les entreprises peuvent réduire le nombre de postes fixes et créer ainsi des espaces dédiés à des tâches nécessitant un haut niveau de concentration, aux échanges ou au repos. Par le biais de mesures planifiées et mises en œuvre soigneusement, elles intensifient la coopération intersectorielle et améliorent la satisfaction de leur personnel.

«Bon nombre d’entreprises suisses négligent l’importance de restructurer l’aménagement des postes et les modèles de travail. Ils perdent ainsi à la fois de l’argent et des collaborateurs», affirme Matthias Thalmann. «Pour disposer à l’avenir de collaborateurs productifs, créatifs et motivés, il faut instaurer un environnement de travail qui soit non seulement indépendant du lieu et du poste de travail, mais aussi novateur et stimulant. Concilier les exigences des jeunes salariés en matière de flexibilité avec les exigences des professionnels plus âgés en matière de sécurité et d’orientation du personnel, nécessite des concepts intelligents et stratégiques.»

Un grand besoin de rattrapage au niveau technologique

Le matériel que les entreprises mettent à disposition doit urgemment être amélioré. A peine la moitié (47%) des employés ont reçu de leur employeur un ordinateur portable autorisant le télétravail. 11% sont équipés uniquement d’un smartphone ou d’une tablette. 42% n’ont pas reçu d’appareil numérique leur permettant de travailler à distance et d’accéder aux données de l’entreprise. Seuls un peu plus de la moitié (53%) communiquent par chat ou message instantané; 39% utilisent un système moderne de gestion des documents et 36% ont la possibilité d’organiser des vidéoconférences. Toutefois, un tiers des entreprises n’utilisent aucune solution de collaboration moderne.

Une nouvelle culture d’entreprise, moins de réglementation

Pour pouvoir fonctionner correctement et impacter positivement la performance et la satisfaction du personnel, tout concept agile et moderne d’aménagement des postes de travail doit être communiqué de manière compréhensible et se baser sur une stratégie bien définie. Malheureusement, beaucoup d’entreprises suisses ne se sont pas encore attaquées à ce dossier, comme le montre une autre enquête de Deloitte menée auprès de responsables des ressources humaines. L’étude actuelle le confirme: uniquement 39% des personnes interrogées indiquent que leur entreprise a établi des directives concernant le travail flexible. Néanmoins, les différences sont flagrantes suivant la taille des entreprises : de telles directives existent dans 55% des entreprises de plus de 250 collaborateurs, mais seulement dans 24% des entreprises de moins de 50 collaborateurs.

«Notre loi sur le travail date encore de l’ère industrielle
et doit être adaptée à l’ère du digital.»

Un autre chiffre est encore plus frappant: tandis que plus de la moitié (56%) des supérieurs encouragent les horaires de travail flexibles, seuls un tiers des supérieurs des personnes interrogées sont favorables aux lieux de travail flexibles (travail à domicile ou espaces de travail partagés). Dans l’optique d’une culture d’entreprise ouverte et moderne, il est important que les supérieurs hiérarchiques n’encouragent pas seulement le travail flexible, mais donnent aussi l’exemple. 38% des personnes sondées affirment cependant que leurs supérieurs n’appliquent pas le concept de travail flexible. 

«Même si l’aménagement des espaces, la conception des postes de travail et les équipements technologiques sont à la pointe du progrès, ces atouts n’exerceront leur plein effet que si la culture d’entreprise fait l’objet d’un ajustement ciblé et que si cadres et personnel changent d’attitude», explique Luc Zobrist, économiste chez Deloitte Suisse et co-auteur de l’étude. «Les entreprises dont le seul souci est de réduire les coûts et qui ne veillent pas à la satisfaction de leurs collaborateurs ne parviendront pas à réaménager les postes de travail de manière fructueuse et durable.»

Les dispositions légales en vigueur en Suisse constituent un autre obstacle à la réalisation d’un tel projet. En plus de postes et de modèles de travail flexibles, de technologies modernes et d’une culture d’entreprise fiable, les entreprises sont tributaires du bon vouloir du législateur: «Notre loi sur le travail date encore de l’ère industrielle et doit être adaptée à l’ère du digital», conclut Luc Zobrist.

 

Pour de plus amples informations sur l’étude de Deloitte, cliquez ici.

Et pour davantage d’information sur le thème «Future of Work», cliquez ici.