Brut, mais efficace

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

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L’impulsion de l’Arabie devrait limiter la baisse des cours du pétrole et la solide production US devrait contenir la hausse.

Les prix pétroliers devraient se stabiliser en 2019, le prix du Brent devant osciller entre 70 et 80 dollars le baril. En effet, la baisse des prix devrait être limitée par la volonté de pays comme l’Arabie Saoudite de maintenir l’équilibre de leurs finances publiques. Et la hausse devrait être contenue par la poursuite de la progression de la production américaine.

Les cours du pétrole – certainement la matière première la plus importante pour l’économie mondiale – connaissent depuis deux semaines une volatilité impressionnante. Fin septembre, le pétrole affichait la meilleure performance depuis le début de cette année parmi les différents actifs financiers que nous suivons. Quelques semaines plus tard, nous sommes entrés en «bear market», à savoir en baisse de plus de 20% depuis les pics récents. Qu’est-ce qui explique ce revirement soudain? Et que faut-il attendre pour les prochains trimestres?

La demande aura progressé cette année de 1,5%
à 98,8 millions de baril par jour, un record historique.

Tant que l’économie carburera aux énergies fossiles, les variations de prix de l’or noir exerceront une influence importante sur les cycles conjoncturels. Tant pour les entreprises que pour les ménages, les variations des factures énergétiques agissent comme celles des impôts. Ainsi, l’envolée du pétrole depuis les points bas de janvier 2018 à 62,6 dollars le baril est venue contrecarrer une partie non-négligeable du stimulus apporté par les baisses d’impôt décidées par l’administration Trump aux Etats-Unis. On comprend mieux dès lors l’insistance avec laquelle le président américain a appelé ses alliés saoudiens à relever leur production ces derniers mois.

Les raisons derrière la hausse des prix sont multiples. Tout d’abord, la vigueur de la croissance globale se traduit par le renforcement de la demande mondiale de pétrole – selon l’OPEP, la demande aura progressé cette année de 1,5% à 98,8 millions de baril par jour (mb/j), un record historique. Ensuite, le marché a connu un certain nombre d’interruptions de la production, par exemple au Venezuela où elle a été divisée par deux depuis 2014. Par ailleurs, les accords de l’OPEP de septembre 2016 visant à réduire la production ont été très largement suivis, par les pays membres comme par leurs alliés, la Russie en tête. Et enfin, l’annonce de nouvelles sanctions américaines visant à empêcher l’Iran d’exporter son pétrole a fait craindre des problèmes d’approvisionnement, provoquant une envolée des prix.

La production américaine de pétrole de schiste ne cesse d’augmenter.

Outre la pression exercée par Donald Trump pour encourager l’Arabie Saoudite à ouvrir les vannes de ses plateformes, d’autres facteurs ont plus récemment pesé sur les cours. Le ralentissement marqué de certaines grandes économies en cette fin d’année a conduit l’OPEP à réviser à la baisse les projections de sa production 2019 – en recul de 3,4% à 31,5mb/j par rapport à 2018. La Maison Blanche a également proposé des dérogations temporaires à certains grands importateurs de brut iranien pour éviter que les sanctions ne se traduisent par une flambée supplémentaire des prix. Et enfin, la production américaine de pétrole de schiste ne cesse d’augmenter – selon l’Energy Information Agency (EIA), la production totale américaine devrait progresser de 11% en 2019 (après 16% cette année) grâce au pétrole non-conventionnel.

Par ailleurs, la régularité de la hausse des prix du pétrole depuis début 2016 a certainement encouragé des achats spéculatifs de pétrole – en tout cas, les positions ouvertes par les grands acheteurs financiers ont atteint un record historique en début d’année. Et la flambée récente de la volatilité suggère que certains investisseurs ont dû liquider leurs positions sous la pression de la baisse des prix.

La hausse rapide des prix du pétrole jusqu’en octobre a certainement contribué au ralentissement constaté de la croissance, notamment en Europe. Ainsi, la baisse récente des factures énergétiques devrait apporter un soutien à la conjoncture globale, tout en réduisant les pressions inflationnistes mondiales. 

La volatilité du pétrole a récemment bondi
Volatilité du pétrole brut, indice OVX
Sources: SGPB, Macrobond, CBOE, données au 14/11/2018
Les États-Unis sont maintenant le plus grand producteur mondial de pétrole
Production de pétrole brut (des 3 principaux producteurs)
Sources: SGPB, Macrobond, EIA, données à septembre 2018

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