Brexit – Anarchy in the UK?

Alan Mudie, Société Générale Private Banking

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La livre reste un baromètre du sentiment du marché à l'égard du Brexit. Sa volatilité devrait rester élevée tant que l’incertitude demeure importante.

©Keystone

Comme largement anticipé, le gouvernement de Theresa May a essuyé une lourde défaite lors du «meaningful vote» (vote significatif) du 15 janvier sur l’accord de sortie négocié avec l’Union Européenne. Vu l’amplitude de la défaite – plus de deux députés sur trois ont voté contre, la proportion la plus forte depuis au moins un siècle – un vote de non-confiance a été rapidement programmé. Comment sortir de l’ornière? Le Brexit reste-t-il d’actualité?

Il convient de souligner que les groupes qui se sont opposés à l’accord de sortie ont peu de convictions partagées. Certains – comme les membres eurosceptiques du parti Conservateur – ont voté contre car cet accord ne permet pas la rupture nette avec l’UE qu’ils ambitionnent. D’autres s’y opposent car ils préféreraient une version plus douce du Brexit, voire pas de sortie du tout. À regarder de plus près, le seul point soutenu par une majorité claire serait le rejet d’un Brexit désordonnée et sans accord. Quelles sont alors les options possibles?

Un second référendum ne permettrait pas de gommer
les profondes divisions au parlement et au sein de l’électorat.

Des élections anticipées? Le gouvernement a facilement remporté le vote de non-confiance grâce au soutien massif du parti Conservateur et de leurs alliés du Democratic Unionist Party. Ni le premier, ni le second n’ont intérêt à affronter les élections anticipées qu’aurait pu occasionner une défaite du gouvernement. De ce fait, cette perspective parait peu vraisemblable dans l’immédiat. 

Un deuxième référendum? Longtemps privilégié par le camp en faveur du maintien, un deuxième référendum ne permettrait pas de gommer les profondes divisions au parlement et au sein de l’électorat. Selon le sondage consolidé de whatUKthinks.org, la marge en faveur du maintien est pratiquement la même aujourd’hui que juste avant le vote de juin 2016. Cette option serait clairement celle du «dernier recours», à ne tenter que si les parlementaires s’avèrent incapables de tomber d’accord. 

Retarder la date du Brexit? Cette option semble de plus en plus probable, compte tenu de l’imminence de la sortie fixée au 29 mars. Selon la presse britannique, les autres membres de l’UE (UE-27) seraient d’accord d’accepter un report au-delà de l’échéance des prochaines élections parlementaires, peut-être jusqu’en juillet. Par ailleurs, Theresa May a décalé d’une semaine le vote prévu sur son «plan B». Toutefois, le report de «Brexit Day» nécessiterait un amendement ou une abrogation par les Communes de la loi actuelle qui fixe le 29 mars comme date de sortie.

Les parlementaires vont chercher à avoir davantage
de poids dans l’élaboration de la stratégie du pays.

Le Parlement prend les rênes? Dès la reprise des débats parlementaires en janvier, les députés ont voté des amendements destinés à contenir le pouvoir de l’exécutif et à renforcer celui du législatif. La position de Theresa May ayant été affaiblie par l’amplitude de sa défaite, les parlementaires vont vraisemblablement chercher à avoir davantage de poids dans l’élaboration de la stratégie du pays. De surcroît, les propos formulés par Theresa May après sa défaite suggèrent une volonté nouvelle de travailler avec les députés, tous partis confondus, pour trouver une issue à cette impasse. Toutefois, un tel changement de cap ne peut pas se décréter d’une manière unilatérale. Tout changement apporté à l’accord de sortie – qui ne couvre que cette phase – ainsi qu’à la déclaration politique qui l’accompagne – et qui couvre les relations futures – nécessiterait l’accord de l’UE-27. D’où la nécessité de pouvoir s’assurer d’une majorité aux Communes.

Dans cette hypothèse, les députés seraient confrontés à deux choix possibles:

  1. Si la sortie sans accord devient moins probable, il se pourrait en définitive que les députés eurosceptiques du parti Conservateur décident d’accorder leur soutien à l’accord de sortie de Theresa May. En effet, l’autre option – adhésion à l’Union douanière, voire même à l’Association européenne de libre-échange – serait plus difficilement acceptable.
  2. Une version plus «douce» du Brexit – telle que l’adhésion à l’Union douanière – entraînerait un alignement étroit avec l’UE et empêcherait la signature par le Royaume-Uni d’accord de libre-échange avec des pays tiers. Cela représenterait un anathème pour les eurosceptiques et serait considéré comme une trahison du résultat de référendum. 
L’inflation britannique recule
alors que la croissance du PIB est modérée mais stable.

Si la voie de sortie pour Theresa May passe par des compromis avec les parlementaires, au-delà des clivages de parti, elle sera poussée vers des solutions susceptibles de récolter une majorité aux Communes. Pour l’heure, il semble acquis que davantage de députés sont en faveur d’une version «douce» du Brexit que le contraire. Cela inclut la très grande majorité des Travaillistes, les Nationalistes écossais, les Libéraux-démocrates ainsi qu’une minorité importante de Conservateurs. Négocier avec un tel groupe se révélerait difficile pour Theresa May car cela consisterait pour elle à effacer les «lignes rouges» qu’elle a dessinées. Cependant, elle devrait se rendre compte qu’il reste désormais peu d’alternatives à un changement de cap vers un Brexit plus «doux».

En conclusion
  • La livre sterling reste un baromètre du sentiment du marché à l'égard du Brexit. Avant le vote, elle a baissé face au dollar avant de regagner du terrain juste après. Alors que les chances d'un Brexit dur reculent, les investisseurs ont poussé un soupir de soulagement. La volatilité de la devise devrait rester élevée tant que l’incertitude concernant le résultat final du Brexit restera importante. 
  • Face à l'incertitude persistante, la Banque d'Angleterre s'abstiendra de relever ses taux. L’inflation britannique recule (2,1% en décembre) alors que la croissance du PIB est modérée mais stable. Cela devrait aider les rendements à long terme des obligations souveraines (les «Gilts») à se maintenir.
  • Si un accord était conclu, la confiance des entreprises et des ménages devrait rebondir. En l'occurrence, les valeurs britanniques de capitalisation intermédiaire et domestiques pourraient surperformer les grandes capitalisations et les entreprises exportatrices à court terme. Les premières sont plus sensibles aux dépenses de consommation et au secteur des services, tandis que les secondes génèrent environ 70% de leurs revenus à l'étranger - une livre sterling plus forte pèserait sur les bénéfices à l'étranger.

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