Alerte sur la livre sterling

John Plassard, Consultant pour Mirabaud Securities chez Cambridge Securities

2 minutes de lecture

La livre peut-elle aller à parité face à l’euro? Est-ce une opportunité pour l’économie britannique ou un leurre?

Sans que personne n’en parle, depuis avril dernier, la livre sterling s’est littéralement effondrée et laisse craindre un retour de la devise britannique au niveau auquel elle était après de l’annonce du Brexit. La livre peut-elle aller à parité face à l’euro? Est-ce une opportunité pour l’économie britannique ou un leurre? Synthèse et analyse.

Les faits

Depuis le 16 avril dernier, la livre sterling a perdu plus de 11,30% face au dollar, 10% face au franc Suisse et près de 4,20% face à l'Euro. La devise britannique se dirige tout droit vers la parité avec l’euro qui pourrait refléter une certaine faiblesse de son économie.

Les raisons

Il y a plusieurs raisons à la baisse de la livre sterling, mais tout découle bien évidemment du vote en faveur du Brexit. Les incertitudes économiques (hard ou soft Brexit), politiques (la démission du ministère des affaires étrangères tout dernièrement) et géopolitiques (notamment la relation avec les Etats-Unis) entachent et brident l’évolution positive de la devise britannique. 

Les conséquences

La baisse de la livre sterling est une bonne nouvelle à court terme. En effet, si l'inflation demeure sous contrôle elle peut donner un bol d'air aux agents économiques. D'abord par l'effet favorable sur la compétitivité. 

Cet effet, même s'il reste assez limité compte tenu de la faiblesse de la capacité industrielle britannique, est loin d'être négligeable. Les entreprises vont en effet pouvoir compter avec des perspectives de prix qui pourraient les inciter à investir davantage (voir l'économie britannique doit se réinventer) dans un pays rendu précisément plus attractif par la dépréciation monétaire. Les salariés quant à eux pourront accélérer leurs demandes de hausse des salaires ce qui en définitive pourrait soutenir la demande intérieure. 

Sur le long terme cependant la situation est moins reluisante. En effet, cela implique (et a impliqué) des tensions politiques accrues (pour preuve le nombre de démissions au sein du gouvernement May), un potentiel emballement de l’inflation et une moins forte stimulation de la part de la banque centrale. 

Ce dernier point est très important car en relevant progressivement ses taux d’intérêt, la Banque d’Angleterre (BoE) pousse l'économie britannique à prendre du temps pour combler son déficit courant et donc son besoin de financement externe.

Où en est-on du Brexit?

Soyons très clair: celui qui affirme aujourd’hui qu’il sait exactement comment la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) va se dérouler est un fabulateur. En effet, la Première Ministre elle-même ne sait pas quel type d’accord va être trouvé avec Bruxelles avant la sortie prévue en mars 2019.

Si on ne sait pas comment le Brexit va finir, on sait cependant quels sont les risques potentiels (worst case) :

  • Une chute du nombre d’offres d’emploi
  • Une fuite des capitaux
  • Un marché immobilier en baisse
  • Une augmentation des prix à la consommation
  • Une baisse des dépenses
  • Un engorgement des ports britanniques

Ces perspectives économiques sombres ne bénéficieront en tout cas pas à la livre sterling. La persistance du doute va entrainer une volatilité de la devise britannique. Nous n’excluons pas qu’elle puisse toucher la parité face à la monnaie unique.

L’économie britannique doit se réinventer!

À l’heure de l’économie numérique, il est surprenant de penser que l’économie britannique doit se réindustrialiser et surtout se réinventer pour survivre.

Non pas relancer les usines à charbon, mais se focaliser sur les nouvelles lignes de métier de demain que sont la robotique ou tout ce qui touche aux services financiers en étant par exemple plus innovante dans des secteurs tels que la fintech. Il convient ici d’être compétitif et innovant pour que le pays sorte de son marasme actuel.

En perdant du terrain face aux autres places financières, l’économie britannique ne peut plus aujourd’hui reposer sur son modèle historique qui se basait sur des revenus de la City et l’augmentation de l’immobilier à Londres. 

Les effets collatéraux

Cette chute de la devise britannique peut avoir un effet collatéral en faveur de l’économie … française qui pourrait bien repasser devant celle du Royaume-Uni. Le PIB des deux pays étant très proche, les variations du taux de change font osciller le classement. Techniquement il faudrait cependant utiliser la moyenne du taux de change sur un an, voire plus, pour réaliser une comparaison significative.

Pour la Suisse la situation est quelque peu différente. En effet, elle inquiète les exportateurs suisses puisque le Royaume-Unis est le 5ème partenaire commercial. En 2015 (soit juste avant le Brexit), les exportations de marchandises étaient de 13 milliards de francs contre des importations pour un montant de 31 milliards. Près de 80% des exportations suisses concernent les machines-outils, la chimie, l’horlogerie, la bijouterie et les métaux précieux.

Si, en raison de la baisse de la livre, l’afflux de touristes a boosté les ventes horlogères en Grande-Bretagne dans un premier temps, la suite pourrait être plus douloureuse.

Les accords bilatéraux entre la Suisse et la Grande-Bretagne auront leur importance….

Synthèse

C’est une lapalissade de dire que les sombres perspectives économiques ne bénéficieront pas à la livre sterling. La persistance du doute quant à la peur d’un Brexit sans accord va entrainer une volatilité de la devise britannique. Nous n’excluons pas qu’elle puisse toucher la parité face à la monnaie unique. Enfin l’effet inversement corrélé entre la livre sterling et le FSTE devrait commencer à s’estomper.

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