Admettre un degré d’incertitude pour traverser les turbulences de marchés

Communiqué, Carmignac

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Côté actions, peut-être la rotation de la Croissance vers la Value n’est-elle pas encore terminée mais elle a déjà été sérieusement contestée.

Si on essaie de regarder au-delà du bruit de court terme, deux choses au moins méritent d’être examinées: la dynamique interne des marchés à travers cette volatilité, et le degré d’incertitude qu’il faut admettre pour traverser ces marchés les yeux ouverts. D’abord côté actions, peut-être la rotation de la Croissance vers la Value n’est-elle pas encore terminée mais elle a déjà été sérieusement contestée. Les valeurs de croissance ont de nouveau surperformé récemment, et c’est le Nasdaq qui a même atteint des plus hauts historiques. Donc nous continuons d’être confortés, même à court terme, dans notre choix de surpondération assez radicale des valeurs de croissance. Côté obligataire, le resserrement des spreads de crédit a été très significatif et les gains se sont maintenus.

Sur les emprunts d’Etat de la périphérie le mouvement a été positif également en réaction à la confirmation par la BCE de l’augmentation de la taille de son programme d’achat d’actifs PEPP et de son prolongement

Depuis les marchés ont aussi été gratifiés d’un programme de financement subventionné aux banques TLTRO qui a rencontré un grand succès, et maintenant nous avons un projet de loi soutenu par Bruxelles qui devrait permettre aux banques de ne pas être pénalisées par des pertes non réalisées sur leurs portefeuilles d’emprunts d’Etat. On pourrait certainement reprocher à cette initiative d’encourager de nouveau un lien systémique entre le risque souverain et le secteur bancaire, qu’on avait tenté de réduire depuis la crise de 2011. Mais en attendant, il s’agit d’une bonne nouvelle pour le compte de résultat des banques, et surtout pour la demande sur les Emprunts d’Etat périphériques.

Aux Etats-Unis, une grande partie du plan de soutien
budgétaire actuellement en cours expire fin juillet.

La réalité est qu’il faut être très lucide sur ce que l’on sait et sur ce que l’on ne sait pas. Ce que l’on sait c’est que les Etats font de leur mieux pour aider la situation.

Nous sommes revenus à l’ère de l’Etat Providence

Aux Etats-Unis, une grande partie du plan de soutien budgétaire actuellement en cours expire fin juillet, mais, même si les négociations entre Congressmen républicains et démocrates seront sans nul doute difficiles, il est raisonnable de penser qu’un nouveau plan, d’au moins 1 trillion de dollars sera voté pour qu’une nouvelle «falaise fiscale» ne surprenne pas les marchés au mois d’aout. En Europe, les négociations autour du plan de soutien européen nécessiteront plusieurs sommets à Bruxelles mais là aussi il est raisonnable d’anticiper qu’un accord sera trouvé. Et en attendant, la BCE tient la maison. Donc on peut compter sur ce soutien des Etats dans les prochains mois. On sait cela. Même en Chine, la dynamique du crédit s’est réaccélérée.

Ce que l’on sait aussi, c’est que jusqu’à présent les consommateurs aux Etats-Unis ont bien réagi à la réouverture de l’économie. Les indicateurs haute-fréquence fournies par les plateformes comme Google ou Apple nous en donnent une bonne idée. Ce genre de constat est bien-sûr encourageant au moins à court terme, et les marchés ont salué ce type de tendance. Le même genre d’évolution semble se produire en Europe également. Mais en même temps, ce que l’on sait AUSSI, c’est que le Coronavirus est bien toujours présent sur le territoire américain. Le nombre de décès baisse rapidement, mais à cause de clusters au Texas, en Floride, en Californie, le nombre de cas de contaminations continue d’augmenter, et donc la possibilité réelle que le nombre de victimes augmente de nouveau après quelques semaines de réouverture de l’économie, avec des consommateurs qui seront retournés à une vie normale sans suffisamment de précautions. Ceci bien-sûr pourrait faire sérieusement dérailler la confiance des consommateurs. On ne le saura pas avant plusieurs semaines. Le point essentiel à garder à l’esprit c’est que en 2003, quand les pays asiatiques avaient été touchés par le virus du SRAS, ils avaient pu ramener le taux de contamination de l’épidémie à zéro avant de rouvrir leurs économies. Et donc l’activité économique avait pu repartir sans problème. Cette fois c’est différent, le coût économique jugé insupportable a obligé les gouvernements à réouvrir leurs économies alors que le taux de contamination demeure supérieur à 1 dans beaucoup d’endroits. Par conséquent, le risque est que, soit les consommateurs demeurent prudents et la reprise de la consommation sera faible, soit ils ne sont pas prudents, et ils augmentent le risque d’une deuxième vague de contamination qui elle-même pénaliserait bien-sûr de nouveau l’activité économique.

Ce qu’on ne sait pas non plus, c’est mesurer le risque politique durant
les cinq mois qui nous séparent des élections présidentielles aux USA.

A ce sujet, il est intéressant de remarquer que le comportement des consommateurs en Chine est pour l’instant assez différent.

La consommation de services comme le taux d’occupation des hôtels ou l’utilisation du Métro, suit un progrès est très lent et ne converge guère vers les niveaux d’avant crise. De plus, le niveau d’activité dans les secteurs davantage liés à l’activité industrielle et à la consommation de biens durables, après avoir rebondi spectaculairement après le déconfinement, ralentit maintenant.

D’un point de vue marchés, même aux Etats-Unis aujourd’hui la performance relative des valeurs typiquement bénéficiaires de la réouverture de l’économie (hôtellerie, transport, etc.) comparée aux valeurs dites de confinement (plateformes numériques, biens de consommation essentielle), certes ne s’effondre plus, mais ne rebondit pas particulièrement. Donc la réalité est que la visibilité économique demeure très faible aujourd’hui. Ce qu’on ne sait pas non plus, c’est mesurer le risque politique durant les cinq mois qui nous séparent des élections présidentielles aux Etats-Unis. Selon les sites de paris en ligne, non seulement Joe Biden est désormais en tête face à Donald Trump, mais la probabilité que les républicains conservent la majorité au Sénat a fortement baissé. Ceci rend une majorité absolue soutenant un Président démocrate une possibilité concrète, ce qui n’était pas envisagé il y a encore quelques mois. Cela signifierait clairement une pression fiscale renforcée, et donc une perspective bénéficiaire pour les entreprises revue en baisse. Mais beaucoup de choses peuvent encore changer d’ici novembre, et il est possible qu’à court terme l’actualité concrète concerne davantage un durcissement du ton de Donald Trump à l’égard de ses partenaires commerciaux s’il pense que c’est une posture qui lui serait favorable politiquement. Incertitude radicale ici aussi. L’ampleur de cette incertitude doit être reconnue s’il on veut éviter de faire reposer une stratégie d’investissement sur des prévisions bâties sur du sable.

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