2018, une année sans rendements

AXA Investment Managers

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La fin du cycle d’assouplissement quantitative rend 2018 unique en termes d’ampleur de rendements négatifs pour l’ensemble des actifs.

Points clés

  • La fin du cycle d’assouplissement quantitative rend 2018 unique en termes d’ampleur de rendements négatifs pour l’ensemble des actifs.
  • Des rendements d’actifs faibles devraient être également la norme en 2019, voire au-delà.
  • Le changement de ton affiché lors la reunion de la Réserve Fédérale de décembre devrait contenir le risque baissier sur la croissance.
  • Notre recommandation d’actifs reste inchangée, avec un appétit pour le risque modéré. Nous réduisons en partie les actions américaines au profit des émergentes et sous-pondérons le crédit investment grade.
2018, une année frustrante pour les investisseurs…

Alors que l’année touche à sa fin, il nous a semblé intéressant de faire un exercice rétrospectif sur les performances macroéconomiques, de marché ainsi que les surprises. Cette analyse post-mortem est souvent riche en enseignements.

Si 2017 a été une belle année en termes de dynamique de croissance et de forte performance des marchés, 2018 n’aura pas suivi. Les rendements boursiers clôturent l'année sur une mauvaise note, avec en premier lieu les actions américaines qui surperforment et les défensives qui affichent des rendements légèrement positifs. Si l'on décompose les rendements sur les actions mondiales (-6,7% depuis le début de l'année au moment de la rédaction), la croissance des bénéfices par actions a atteint près de 19,4% et les dividendes ont contribué pour environ 2,4%. Malgré ce contexte particulièrement favorable, les multiples de valorisation se sont fortement contractés (-23,7%). Cette correction peut être attribuée à une hausse des taux sans risque et à un piètre sentiment des investisseurs. De plus, les investisseurs ont été particulièrement déçus par les perspectives de croissance en zone euro ainsi que la résurgence des risques politiques. Les marchés actions émergents ont, quant à eux, souffert du durcissement des conditions de financement, mais aussi des inquiétudes suscitées par le protectionnisme commercial.

Le marché du crédit a inévitablement succombé à la contagion des marchés actions, surtout durant le quatrième trimestre de 2018. Au cours du dernier mois, la hausse des risques a poussé le marché du crédit encore plus loin en territoire négatif. La baisse a été particulièrement douloureuse pour le high yield, interrompant sa surperformance par rapport à l’investment grade pendant une bonne partie de l’année. Le repricing des taux est dramatique avec les spreads crédits en euro qui ont pratiquement doublé par rapport au creux de février dernier.

…et une année 2019 pleine de défis

Comme nous l’avions décrit dans notre Outlook 2019 publié le mois dernier, une partie des performances du marché ont pâti des anticipations des prix des actifs. Dans ce sens, les gains du marché de 2017 pourraient être expliqués par les attentes réalistes sur la croissance du chiffre d’affaires et des résultats en 2018, alors que, cette année, les actifs risqués ont souffert de l’anticipation du prochain ralentissement économique mondial. Nous croyons cependant que la hausse de la corrélation entre les classes d’actifs (qui a diminué les bénéfices de la diversification en 2018) et la volatilité du marché (avec d’abord un pic en février puis une hausse plus graduelle et persistante depuis début octobre) orientent vers une autre explication: la fin de l’expansion des bilans des banques centrales dans le monde et le revirement de la liquidité annoncée à raison par Warren Buffet. Dans ce cas de figure, 2019 et éventuellement les années d’après pourraient s’avérer tout aussi difficiles avec des rendements faibles et une corrélation des actifs élevée.

L’année 2019 pourrait s’avérer d’autant plus difficile si les deux scénarios de risque que nous avons élaboré dans notre Outlook 2019, qui par ailleurs ont commencé à se dérouler en décembre se concrétisent davantage: la Réserve Fédérale américaine (Fed) moins confiante et l’économie de la zone euro qui sort du cycle expansionniste en premier alors qu’elle y est entrée en dernier.

Premièrement, les conditions financières américaines se sont resserrées dans de nombreux indices. La plupart des métriques demeurent plus positives qu’en 2015, année durant laquelle la Fed a démarré sa politique de hausse des taux, mais ce récent resserrement matériel a changé le ton de la banque centrale américaine. Alors que la réunion du mois de décembre a été marquée par une hausse attendue depuis longtemps avec le taux de la Fed atteignant 2,25%-2,50%, la Fed a retiré ses indications pour une hausse graduelle et a diminué ses perspectives de hausse de taux (les points de la Federal Open Market Committe’s). Lors de sa conférence de presse, le président de la Fed Jérôme Powell a également affiché un ton prudent. Avec une économie américaine en excès de demande et toujours croissant au-delà de son potentiel, nous croyons que la Fed continuera doucement sa hausse des taux en juin de l’année prochaine. Cependant, les réactions de la Fed seront soumises au développement des conditions financières. Si le resserrement actuel s’avère surjoué, la Fed continuera progressivement sa hausse des taux. Mais un resserement plus marqué poserait le risque d’un ralentissement plus matériel de l’activité économique américaine, qui pourrait avancer nos attentes de récession en 2020. Compte tenu du resserrement des conditions, nous réduisons nos attentes et prévoyons seulement deux hausses de taux en 2019. Nous n’attendons plus de baisse de taux au deuxieme semestre 2020 et anticipons donc le taux Fed Funds entre 2,75-3,00% d’ici à la fin 2020.

Deuxièmement, en ligne avec nos prévisions de la croissance significativement en dessous du consensus, les nouvelles ont été assez négatives pour l’économie de la zone euro. Les indicateurs d’activités suggèrent seulement un léger rebond durant le dernier trimestre, après la faible croissance trimestrielle du PIB de 0.2% enregistrée lors du troisième trimestre. Les enquêtes auprès des entreprises de la commission européenne se sont à peine maintenues, pendant que le flash de l’indice auprès des directeurs d’achat (PMI) de décembre a chuté à son plus bas depuis 49 mois. Une partie de cette baisse du sentiment est spécifique à la France avec un PMI Services qui plonge à la suite des manifestations des gilets jaunes. Mais le signal global à l’échelle de l’UEM est préoccupant et l’enquête allemande IFO a atteint son plus bas niveau depuis deux ans. Lors de la réunion du mois de décembre, la Banque Centrale Européenne (BCE) a légèrement revu à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation. Nous croyons qu’une nouvelle dégradation devrait arriver en mars et nous sommes entièrement d’accord avec la BCE sur le fait que la balance des risques vire du mauvais côté. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la réunion du mois de mars aboutisse à l’annonce de nouvelles opérations ciblées de refinancement à plus long terme (T-LTRO) pour alléger les pressions de financement des banques. Sur un horizon plus lointain, nous voyons toujours la BCE sortir des taux d’intérêt négatifs (avec un taux de dépôt allant de -0.4% aujourd’hui à 0% d’ici le printemps 2020) mais nous admettons que cette normalisation puisse être compromise.

Allocation d’actifs: un appétit modéré pour le risque inchangé, mais en partie déplacé des actions américaines vers les émergentes

Dans ce contexte, notre allocation d’actifs voit son appétit pour le risque diminuer mais nous maintenons notre surpondération sur les action américaines, lesquelles conservent un potentiel de croissance supérieure (malgré une lègère décélération) et des valorisations toujours plus attractives. Nous transférons toutefois partiellement notre préférence régionale des actions américaines à leurs homologues des marchés émergents qui bénéficient d’une valorisation attrayante et d’un potentiel de superformance en cas de nouvelle dépréciation du dollar. Nous restons sous-pondérés en crédit investment grade qui pourrait bien enregistrer un nouvel élargissement des spreads. Enfin, soucieux du ralentissement économique attendu et des risques affichés (guerre commerciale, politiques européennes, difficultés potentielles pour la Chine), nous maintenons notre position longue sur les obligations du Trésor américain à 10 ans.

 

Télécharger la présentation détaillée de décembre (en anglais)

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