Être futé, rapide et chanceux

Jamie Stuttard, Robeco

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L’idée que les banques centrales sont infaillibles laisse perplexe.

©Keystone

Pour la première fois depuis très longtemps les cycles de crédit ne cessent de donner l’impression de se retourner avec des conséquences sur les marchés qui se font sentir de manière simultanée. Une tendance durable à la démondialisation est en cours, sous l’effet de la montée du populisme, ce qui provoquera une hausse des droits de douane. À moyen terme, cela fera pression sur la main-d’œuvre bon marché délocalisée, ce qui finira par éroder les marges ayant atteint des niveaux records et par, peut-être, réduire la base de clientèle mondiale des firmes. 

Une autre tendance durable est le développement d’un contexte démographique moins favorable à l’économie, ce qui modifie les tendances établies en matière d’épargne et d’investissement. Enfin, l’éclatement, il y a 12 ans, du super-cycle de la dette est la principale raison expliquant la prudence des ménages et l’inefficacité de la politique monétaire traditionnelle qui en découle.

Il faut faire preuve de souplesse et être prompt au changement
pour passer rapidement d’un sentiment baissier à un sentiment haussier.

À ces évolutions à long terme s’ajoutent plusieurs tendances cycliques: un ralentissement cyclique de la croissance, des cycles de spreads plus courts et plus fréquents en raison du manque de liquidité, et des interventions des banques centrales dues à la baisse de l’inflation. 

Des reprises éclair

Nous sommes toujours dans une phase lente de marché baissier, ponctuée de temps à autre par des rallyes rapides, comme ce fut le cas durant le cycle 1997-2002. En attendant, les banques centrales tentent toujours d’y remédier par le même traitement – un remède qui finalement ne fonctionne pas. Toutefois, il est sage de ne pas se battre contre la Fed ou la BCE. 

Une grande partie de cette industrie a grandi avec l’idée que les taux d’intérêt sont négativement corrélés aux performances des actifs, les taux élevés étant synonymes de spreads resserrés. Nous sommes à présent dans une situation de taux faibles et de spreads réduits, ce qui a créé une corrélation entre les classes d’actifs. Associé à la faible liquidité et au fait que les banques centrales réagissent rapidement aux évolutions des marchés financiers, cela aboutit à un sentiment de marché à court terme quasi bipolaire. Il faut faire preuve de souplesse et être prompt au changement pour passer rapidement d’un sentiment baissier à un sentiment haussier. Autrement dit, être futé, rapide et chanceux. 

Nous avons besoin d’une véritable récession
pour réinitialiser le contexte fondamental.

Mais continuer de jouer le bêta à hausse ou à la baisse n’est pas forcement la bonne stratégie car nous sommes probablement dans la phase du cycle de crédit où la sélection de titres, les allocations régionales, les tendances sectorielles et la priorité accordée à la valorisation à long terme ont beaucoup plus de chances d’être rentables. 

Retarder l’inévitable

Les régions du monde qui vieillissent pourraient bien suivre progressivement la voie du Japon, avec des taux inexorablement bas. Après l’Europe, les États-Unis pourraient être le prochain pays concerné. Dans un contexte de taux aussi faibles, les investisseurs sont obligés d’investir sur le marché du crédit pour améliorer leurs rendements.

L’idée que les banques centrales sont infaillibles laisse donc perplexe, mais nous savons aussi qu’elles sont capables de faire éclater les bulles financières. Nous avons besoin d’une véritable récession pour réinitialiser le contexte fondamental, et plus elle tardera, pire elle sera. Pour le moment, il semble que tout le monde connaisse les risques, mais que le marché du crédit ne les ait pas (encore) intégrés.

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