Verser ou non des dividendes: les banques européennes en ordre dispersé

AWP

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Renoncer aux dividendes pourrait libérer 30 milliards d’euros de capital, estime le superviseur bancaire européen.

Fortement incitées à ne pas verser de dividendes pour mobiliser plus de capital en faver de l’économie réelle face au choc du coronavirus, les grandes banques européennes y semblent prêtes, à l’exception pour l’heure des banques françaises.

Le pavé a été jeté dans la mare dès vendredi par le superviseur européen qui a appelé les grandes banques de la zone euro à ne pas rémunérer leurs actionnaires pour les années 2019 et 2020, et ce «au moins jusqu’au 1er octobre 2020».

Ces dernières sont également invitées à ne pas racheter leurs propres actions - un autre moyen de rémunérer leurs actionnaires - durant la pandémie de Covid-19.

Problème: ces dernières années, la faible rentabilité des banques s’est traduite par une érosion de leur valeur boursière.

En conséquence, «les dirigeants des banques sont encore plus sous pression des actionnaires, dépités par la baisse des actions, et qui pouvaient encore un peu s’accrocher à un dividende», explique à l’AFP Eric Dor, directeur de recherche à l’Institut d’économie scientifique et de gestion (IESEG).

«La position des banques vis-à-vis de leurs actionnaires devient très délicate, les actionnaires ont beaucoup perdu, ça fait longtemps et ça s’aggrave encore», estime-t-il.

Les entreprises versent généralement leurs dividendes au moment des assemblées générales, au printemps, à moins qu’elles ne versent des acomptes avant l’échéance de l’AG.

Mesure «de bon sens»

Renoncer aux dividendes pourrait libérer 30 milliards d’euros de capital, estime le superviseur bancaire européen, sans manquer de rappeler les mesures prises récemment par l’institution de Franfort pour assouplir les exigences de capital ou les règles de prudence sur le crédit, afin de garantir que les banques continuent de soutenir l’économie.

En échange de ces mesures, la BCE avait déjà souligné mi-mars attendre des banques qu’elles «n’augmentent pas la distribution de dividendes».

Le superviseur bancaire français a à son tour appelé lundi les banques actives en France et les sociétés de financement à s’abstenir de distribuer un dividende.

«C’est une mesure de bon sens de la part de la BCE» qui «démontre aussi l’utilité du mécanisme de supervision unique», a estimé Nicolas Véron, analyste pour le groupe de réflexion bruxellois Bruegel.

Première à réagir, la Fédération bancaire européenne, organisme représentant les banques de la zone euro, a de son côté recommandé à ses membres de suspendre les dividendes au titre de l’exercice 2020, mais de se décider concernant 2019 en fonction des «attentes des actionnaires», selon un document consulté par l’AFP.

Du côté des banques, les réactions sont diverses. Le géant espagnol Santander - dont l’exécutif a décidé de verser une partie de leurs salaires à un fonds de soutien - a annoncé dès lundi vouloir «revoir le dividende» versé pour l’année 2020 et proposer un «dividende final unique» à ses actionnaires en 2021, précisant qu’aucun acompte ne serait versé en novembre 2020.

Les banques françaises réservées

Plusieurs groupes européens se sont depuis engagés à ne pas rémunérer leurs actionnaires au moins jusqu’à octobre à l’image de l’allemand Commerzbank ou des groupes bancaires néerlandais, ING, ABN Amro et Rabobank.

L’exception est pour l’heure française, les banques de l’Hexagone, parmi les plus solides de la zone euro, et ayant engrangé de juteux bénéfices en 2019, demeurant très réservées sur la question.

Sollicités par l’AFP, BNP Paribas, Société Générale, Natixis et Crédit Agricole SA ont répondu avoir «pris connaissance des recommandations de la BCE» sans s’engager à suivre ses recommandations.

Le sujet «sera examiné en conseil d’administration» cette semaine, a précisé Natixis tout comme Crédit Agricole SA qui sollicitera ses administrateurs au plus tard le 14 avril.

Mardi, la banque d’affaires franco-britannique Rothschild and Co a annoncé qu’aucune proposition d’approbation du dividende ne serait soumise à l’Assemblée générale des actionnaires du 14 mai au titre de 2019, se réservant toutefois la possibilité de verser le dividende prévu «quand cela sera approprié».

L’assureur CNP Assurances a lui décidé lundi soir de placer en réserve l’intégralité du résultat de l’année 2019 «en lieu et place du versement d’un dividende».

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