Les écarts salariaux continuent de se creuser en Suisse

AWP

1 minute de lecture

«Alors qu’on freine les augmentations de salaire pour les travailleurs, à l’étage de la direction, il semble que d’autres critères s’appliquent», assène Adrian Wüthrich, président de Travail.Suisse.

L’écart entre les rémunérations les plus basses et les plus élevées s’est encore creusé en 2018. Alors que la pression sur les salaires, l’insécurité et la peur de perdre son emploi augmentent pour les bas revenus, nombre de dirigeants se sont octroyés de généreuses augmentations.

«Alors qu’on freine à tout va les augmentations de salaire pour les travailleurs normaux, à l’étage de la direction, il semble que d’autres critères s’appliquent», assène lundi Adrian Wüthrich, président de Travail.Suisse, à l’occasion de la publication de la 15e étude sur les salaires des managers, menée auprès de 26 entreprises.

Celle-ci rappelle qu’entre 2011 et 2018, l’écart salarial moyen a progressé de 1:45 à environ 1:51. Loin d’être l’apanage des entreprises financières ou pharmaceutiques, cette évolution est relevée dans l’ensemble des secteurs d’activité, souligne l’association de défense de travailleurs.

Comme exemple de ce creusement des inégalités salariales, Travail.Suisse cite le cas des patrons d’Helvetia (Philip Gmür, de 1:25 à 1:37), de Lonza (Richard Ridinger, de 1:40 à 1:88) et de Georg Fischer (Yves Serra, de 1:32 à 1:58) ainsi que des membres de la direction de Valora (1:12 à 1:28) ou SwissLife (01:35 à 01:42).

La palme pour Schwan

En termes absolus, la palme de l’écart salarial toutes catégories confondues revient cependant à Roche (1:257), devant les deux paquebots bancaires UBS (1:252) et Credit Suisse (1:226). Sans surprise, leurs patrons respectifs sont aussi les mieux payés et les seuls dont la rémunération a dépassé les 10 millions de francs en 2018: Severin Schwan (15,65 millions), Sergio Ermotti (14,12 millions) et Tidjane Thiam (12,65 millions).

L’initiative Minder «contre les rémunérations abusives» (entrée en vigueur début 2014) ne parvient pas à stopper cette tendance, et les mesures mises en oeuvre dans la révision du droit de la société anonyme ne sont pas assez efficaces, selon les auteurs de l’étude, qui fustigent le manque de transparence, les indemnités d’entrée et de départ ainsi que l’approbation incohérente et l’absence de limite pour les bonus.

«Avec une telle mise en oeuvre, l’initiative contre les rémunérations abusives reste évidemment sans effet», constate M. Wüthrich, reprochant l’apathie du monde politique face à ce qu’il qualifie de «ruée absurde sur les bonus».

Part féminine rachitique

A l’inégalité salariale s’ajoute celle des genres. Dans presque la moitié des entreprises examinées, les organes dirigeants sont exclusivemment masculins. Sur les 208 postes dirigeants recensés, seuls 19 étaient occupés par des femmes à fin 2018, soit une part de 8,8%, un chiffre jugé «scandaleux» par Travail.Suisse.

Le tableau est légèrement plus réjouissant en ce qui concerne la représentation féminine dans les conseils d’administration. Celle-ci a doublé au cours de la dernière décennie, pour atteindre 25,6% fin 2018. En comparaison européenne, la Suisse se situe toutefois toujours sensiblement au-dessous de la moyenne européenne (29%).

Revenant sur l’adhésion du Conseil des États aux seuils limités de représentation des sexes dans les directions et les conseils d’administration, le président assure que ceux-ci sont «une étape importante pour parvenir à une vraie égalité des sexes».

A lire aussi...