Le Brésil vire à droite avec Jair Bolsonaro

AWP

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«Nous ne pouvons plus continuer à flirter avec le socialisme, le communisme, le populisme de gauche», a affirmé le nouveau président élu avec plus de 55% des suffrages.

©Keystone

La jeune démocratie brésilienne a basculé dans l'inconnu lundi avec son premier président d'extrême droite plus de 30 ans après la fin de la dictature, Jair Bolsonaro, qui commençait à préparer la transition vers un régime de rupture.

Le président élu, qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2019, a reçu dimanche un mandat clair avec plus de 55% des voix, devant le candidat de gauche Fernando Haddad (45%) à l'issue d'une campagne très polarisée dans le plus grand pays latino-américain.

Ses premiers discours -- trois au soir de son élection -- dans lesquels il n'a pas eu un mot pour son adversaire de gauche Fernando Haddad, augurent d'un virage radical. Il va s'agir d'une rupture par rapport à tout ce qui a été fait par le Parti de travailleurs (PT) qui avait remporté les quatre dernières présidentielles et est jugé responsable des maux du Brésil.

Une fois installé dans le palais du Planalto à Brasilia, l'ancien capitaine, qui a souhaité dimanche voir un Brésil qui soit «une grande Nation, pour nous tous», aura aussi fort à faire pour recoller les morceaux d'un pays qui s'est fracturé profondément.

Bolsonaro va succéder, pour quatre ans, au conservateur Michel Temer, qui se retire sur un taux d'impopularité historique et va lui laisser un pays miné par la violence, le chômage et la corruption, et en plein doute.

Jair Bolsonaro devrait se rendre à Brasilia cette semaine pour s'entretenir avec M. Temer, si ses médecins l'y autorisent.

Depuis l'attentat ayant failli lui coûter la vie le 6 septembre, Bolsonaro, qui a subi des perforations de l'intestin, porte une poche de stomie, limite les sorties de son domicile et fuit la foule.

«changer le modèle économique»

Les marchés vont suivre de près la direction que prendra la huitième économie mondiale sous la baguette d'un président qui avoue sa totale incompétence en la matière.

Le nouveau gouvernement «va changer le modèle économique du pays», a lancé dès dimanche soir Paulo Guedes, futur «super ministre» ultra-libéral de Bolsonaro, fustigeant le «modèle socio-démocrate» et évoquant privatisations et réforme des retraites.

Ce «Chicago boy» -tenant de l'école de pensée née à Chicago prônant une vision libérale de l'économie- «devra remettre l'économie en mouvement le plus rapidement possible, car il n'aura une marge que de six mois, ou un an», dit M. Leandro Gabiati, directeur du cabinet de consultants Dominium, à Brasilia.

Gaspard Estrada, spécialiste de l'Amérique latine à Sciences Po, estime lui aussi que Bolsonaro «aura de très fortes pressions pour donner des résultats très rapidement, puisqu'il s'est basé sur une plateforme très radicale».

Bolsonaro, qui n'a fait voter que deux lois en 27 ans de députation, arrive à la tête d'un pays de 208 millions d'habitants sans aucune expérience du pouvoir, comme ses futurs ministres.

La liste est longue des Brésiliens qui ont de quoi être inquiets de l'avenir après les déclarations agressives du candidat Bolsonaro qui avait dit vouloir gouverner «pour la majorité, pas pour la minorité».

Dans sa ligne de mire, pêle-mêle: les Noirs, les femmes, les membres de la communauté LGBT, mais aussi les militants de gauche, les Indiens, les membres du mouvement paysan des sans-terre (MST) et d'ONG, les défenseurs de l'environnement et les journalistes.

Les plus optimistes pensent que cet admirateur de la dictature militaire (1964-85) abandonnera sa rhétorique de campagne. Mais d'autres le voient gouverner d'une manière très idéologique et faire prendre un virage vertigineux au Brésil.

«Consolider la démocratie»

Bolsonaro sera sous la surveillance de la communauté internationale. Il a déjà reçu lundi de l'Union européenne, qui lui a demandé de «consolider la démocratie», le signal qu'il serait sous le radar. A Paris, le président Emmanuel Macron lui a aussi rappelé la nécessité du «respect» des «principes démocratiques».

A Rome, Matteo Salvini, patron de l'extrême droite italienne et homme fort du gouvernement, s'est félicité qu'«au Brésil aussi les citoyens ont chassé la gauche! ». Steeve Bannon, ex-conseiller de la Maison blanche, s'est réjoui de l'arrivée au pouvoir d'un «leader populiste nationaliste».

Le président américain Donald Trump avait téléphoné à Bolsonaro, qui l'admire, dès dimanche soir pour le féliciter, ce qu'a fait lundi le président russe Vladimir Poutine dans un communiqué.

Bolsonaro aura-t-il les moyens de mettre en œuvre sa politique? C'est une autre grande inconnue. «Il sera face au Congrès le plus fragmenté de l'Histoire», relève M. Estrada.

Le futur président «sera tenté de prendre des mesures très dures, sans passer par le Parlement», où il aura beaucoup de mal à former une majorité. «Il sera confronté à des exigences très vite», dit M. Estrada, qui «craint des dérapages dès le début de son mandat».

 

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