La BCE au pied du mur pour relancer l’économie

AWP

2 minutes de lecture

Mario Draghi va-t-il réaliser son dernier acte de bravoure avant de passer la main à Christine Lagarde, après huit ans d’un mandat marqué par les crises?

Six semaines après avoir laissé entrevoir une panoplie de mesures de relance, la Banque centrale européenne se trouve acculée à agir dès jeudi, malgré ses débats internes, tant le contexte économique demeure fébrile.

Mario Draghi, le président italien de l’institut monétaire, va-t-il réaliser son dernier acte de bravoure avant de passer la main fin octobre à la Française Christine Lagarde, après huit ans d’un mandat marqué par les crises?

Il lui faudra satisfaire les attentes élevées des marchés -alimentées par la BCE elle-même-, tout en apportant la réponse adéquate à la conjoncture en zone euro, certes ralentie mais pas immédiatement menacée de récession.

Si la BCE «devait décevoir en septembre, il lui faudrait en faire davantage plus tard, avec des chances de réussite réduites», résume Frédéric Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.

Des dissensions sont pourtant apparues cet été au sein du Conseil des gouverneurs de l’institution, divisé sur l’opportunité de sortir maintenant le grand jeu monétaire, au risque de griller prématurément toutes les cartouches de l’institut.

Les «colombes», camp traditionnellement favorable à un fort soutien de l’économie et emmené par M. Draghi, prônent la baisse d’un des taux d’intérêt doublée d’une relance du vaste programme de rachats d’actifs mené entre 2015 et fin 2018.

Nouvelles prévisions

Mais les «faucons» au conseil, comme l’Allemande Sabine Lautenschläger ou le Néerlandais Klaas Knot, sont plus réticents à l’idée de reprendre ces achats de dette sur le marché.

Quoi qu’elle décide, l’institution entend mener sa politique monétaire «en fonction des données et non du marché», a averti fin août Luis de Guindos, vice-président de la BCE, s’efforçant de calmer les attentes.

L’institut pourra s’appuyer jeudi sur de nouvelles prévisions économiques, alors que celles de juin tablaient sur une inflation de 1,3% en 2019 et 1,6% à l’horizon 2021, encore loin de l’objectif de la BCE «proche de 2%» à moyen terme.

Or depuis la réunion de juillet, l’économie en zone euro n’a pas montré de signe d’amélioration et flirte même avec la récession en Allemagne, qui a vu son produit intérieur brut reculer de 0,1% au deuxième trimestre.

Certains facteurs d’incertitude ont reflué, comme le risque politique en Italie. Mais la pagaille règne toujours autour du Brexit, et le conflit commercial sino-américain continue d’empoisonner le climat des échanges.

Au minimum, la BCE devrait donc laisser son taux de refinancement des banques à zéro, tout en abaissant celui sur les dépôts. Déjà négatif de 0,40%, il revient à taxer les banques pour les liquidités qu’elles choisissent de confier à la Banque centrale plutôt que de les prêter aux entreprises et aux ménages.

Arme anti-crise de 600 milliards?

En parallèle pourrait être annoncé un système de taux dégressifs déjà mis en place en Suisse, en Suède ou au Japon, pour alléger la charge d’intérêt pesant pour plus de 7 milliards par an sur les banques.

Mais le plus délicat sera la décision de relancer les achats de dette, soit le programme baptisé «Quantitative Easing» ou «QE», arme anti-crise la plus puissante mais aussi la moins consensuelle.

«Une enveloppe totale de 600 milliards d’euros serait justifiée aujourd’hui (...), mais les dissensions entre les faucons et les colombes suggèrent d’en faire moins», estime Frederik Ducrozet.

Si la BCE adopte un programme limité, «une réduction des taux plus profonde sera nécessaire pour éviter le durcissement injustifié des conditions financières», pronostique Marco Valli, économiste chez Unicredit.

Par ailleurs, de nouvelles précisions pourraient être communiquées sur la nouvelle vague de prêts géants aux banques, la troisième depuis 2014, qui doit démarrer en septembre.

Enfin, la BCE pourrait ajuster la communication sur ses intentions, destinée à piloter les attentes des investisseurs pour éviter toute embardée sur les marchés et préserver sa crédibilité.

Selon les experts, elle pourrait donner moins d’importance au calendrier d’une potentielle hausse de taux, actuellement repoussée à la fin du premier semestre 2020, et préciser son objectif d’inflation.

A lire aussi...