L’Américain David Malpass bientôt à la tête de la Banque mondiale?

AWP

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L’administration Trump a probablement désigné ce sous-secrétaire au Trésor comme candidat des Etats-Unis. Les critiques fusent déjà.

Un haut responsable du Trésor américain, David Malpass, très critique de la Banque mondiale, va se présenter à la présidence de cette institution historiquement dirigée par un Américain, une perspective qui risque de susciter des remous parmi les pays émergents.

«L’administration Trump a informé hier (lundi) les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) avoir choisi David Malpass» comme candidat des Etats-Unis, a indiqué mardi à l’AFP une source proche du dossier. Et «il serait très surprenant que Donald Trump change de candidat au dernier moment», a-t-elle ajouté.

Si la Maison Blanche venait à confirmer David Malpass mercredi, elle signifierait sa volonté de faire évoluer le fonctionnement de la Banque mondiale. Elle illustrerait aussi sa politique consistant à nommer à la tête d’administrations ou organismes des personnes très critiques. Dernier exemple en date, la désignation mardi, à la tête de l’Agence de protection de l’environnement, d’un ancien lobbyiste du secteur du charbon.

L’institution, dont la vocation est de réduire la pauvreté dans le monde, doit officiellement lancer jeudi le processus de dépôt de candidatures qui durera jusqu’au 14 mars avant une désignation prévue d’ici mi-avril.

Elle assure que la sélection se veut transparente, ouverte et basée sur le mérite. Mais depuis mardi, un nom revient partout: David Malpass.

Ce sous-secrétaire au Trésor chargé des affaires internationales, âgé de 62 ans, est connu pour avoir blâmé la Banque mondiale devant le Congrès en 2017, l’accusant de «continuer à prêter d’importantes sommes d’argent à des pays» comme la Chine, pourtant deuxième puissance économique mondiale.

Il n’avait pas hésité à accuser les institutions internationales de dépenser «beaucoup d’argent», de ne «pas être très efficaces» et d’être «souvent corrompues dans leurs pratiques de prêts».

Pour autant, M. Malpass a aussi donné son aval en avril 2018 à l’augmentation de capital de 13 milliards de dollars de l’institution pour financer les pays les plus pauvres.

La Banque mondiale attend des prétendants à la succession de Jim Yong Kim, Américain d’origine sud-coréenne ayant démissionné avant la fin de son mandat, une solide expérience de direction d’une grande organisation internationale, le sens de la diplomatie et de l’impartialité.

Mais au-delà de ces critères, un Américain a toujours été nommé à la tête de la Banque mondiale depuis sa création en 1944 et un Européen à la direction du Fonds monétaire international (FMI), selon un partage des rôles de plus en plus contesté par les pays émergents.

«Cette fois, toute la question est de savoir si les Européens --qui ne veulent pas d’un pro-Trump-- sont prêts à ne pas soutenir le candidat américain et donc à rebattre les cartes en prenant le risque de perdre la direction du FMI quand Christine Lagarde s’en ira», résume une source européenne.

Simon Johnson, ancien chef économiste du FMI, en doute. «Ils ont toujours besoin» du FMI, estime-t-il, d’autant que ces pays ne sont pas à l’abri d’une nouvelle crise grecque.

Il argue également qu’ils sont d’autant plus disposés à faire des concessions que le président de la Banque mondiale --nommé pour un mandat de cinq ans renouvelable -- est moins influent que le directeur général du FMI.

Un désastre?

Face aux Etats-Unis, les pays en voie de développement semblent avancer en ordre dispersé bien que disposant de candidats de qualité, tels que l’ancienne ministre indonésienne des Finances Sri Mulyani Indrawati et l’ancienne ministre nigériane des Finances Ngozi Okonjo-Iweala, déjà candidate en 2012.

Mais pour l’heure, tous les yeux sont rivés sur l’administration Trump, qui doit révéler mercredi son poulain.

Avant même sa nomination officielle, David Malpass suscitait une volée de critiques virulentes. Dans une série de tweets mardi, le Nobel d’Economie et éditorialiste du New York Times Paul Krugman a rappelé les erreurs de jugement de l’intéressé avant la crise financière de 2008.

«David Malpass serait un désastre, un choix toxique», avait tweeté le 31 janvier Tony Fratto, ancien porte-parole de la Maison Blanche sous George W. Bush.

Au contraire, affirme la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders: David Malpass «serait un super choix». «Excellent» même, a tweeté le fils du président, Donald Trump Junior.

Face à David Malpass, Mohamed El-Erian, chef économiste du groupe européen d’assurances Allianz, auditionné la semaine dernière, ferait davantage consensus. Cet économiste respecté a trois nationalités: américaine, égyptienne et française.

Justin Sandefur, du Center for Global Development, a exhorté les autres nations à exercer leur libre arbitre. «C’est un simple vote à la majorité», a-t-il souligné. Et les Etats-Unis ne disposent pas de droit de veto.

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