Italie: une ébauche inquiétante de «contrat de gouvernement»

AWP

2 minutes de lecture

Le chef de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini, a réagi en affirmant que l’éventuel accord M5S-Ligue ouvrait «les portes de Rome aux barbares modernes».

Sortie de l’euro, renégociation des traités européens, annulation de 250 milliards d’euros de dette... Une ébauche de «contrat de gouvernement» en Italie entre la Ligue (extrême droite) et le M5S (populiste) suscite une vague d’inquiétudes, même si les deux partis assurent que le document n’a rien de définitif.

Les marchés financiers étaient en alerte après la publication par le Huffington Post de ce texte: la Bourse de Milan a fini en recul de 2,32% à 23.734 points, la pire performance des places financières européennes.

Quant au spread – l’écart très observé en Italie entre les taux d’emprunt italien et allemand à dix ans – il a grimpé à 151 points, en nette progression par rapport aux 131 points de mardi soir.

Parmi les nombreuses mesures énumérées dans le document de 39 pages figurent l’introduction de mesures «techniques de nature économique et juridique qui permettent aux Etats membres de sortir de l’Union monétaire, et donc de retrouver leur souveraineté monétaire».

Un passage évoque aussi la possibilité de demander à la Banque centrale européenne (BCE), dirigée par l’Italien Mario Draghi, d’annuler quelque 250 milliards d’euros de dette italienne détenues sous forme de titres d’Etat par l’institution de Francfort.

Autre mesure préconisée: la création d’un «comité de conciliation», structure liée aux partis et parallèle au gouvernement, chargé de régler les éventuels désaccords entre les deux forces politiques

Confirmée à l’AFP par une source proche du M5S, cette «ébauche» datant de lundi matin est toutefois «dépassée» et a été «amplement modifiée», ont rapidement réagi dans un communiqué les deux formations sorties vainqueurs des élections législatives du 4 mars.

Le scrutin n’a permis à aucune d’elles d’obtenir seule une majorité au parlement, les obligeant à s’allier pour accéder au pouvoir.

Le texte a suscité une avalanche de réactions, journalistes et experts critiquant en particulier sa «naïveté».

Pour Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien et désormais à la tête du cabinet LC Macro Advisors l’inventaire de mesures révèlent «la bizarrerie, l’inexpérience et le côté décalé des deux formations».

«L’attitude des marché financiers ne sera plus la même dorénavant», ajoute-t-il.

«Mieux vaut les barbares»

Le chef de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini, a réagi en dénonçant les «insultes» de la presse, et en particulier un titre du Financial Times affirmant que l’éventuel accord M5S-Ligue ouvrait «les portes de Rome aux barbares modernes».

«Mieux vaut les barbares que les larbins qui bradent la dignité, l’avenir, les entreprises et même les frontières de l’Italie. Les Italiens d’abord !», a-t-il martelé.

Dans cette vidéo, le patron de la Ligue a aussi évoqué des «avancées» dans les pourparlers sur le programme. «Aujourd’hui, nous devrions avoir un accord», a-t-il ajouté, tout en rappelant que cela avait pris six mois pour l’actuel gouvernement allemand.

Les pourparlers, qui avaient semblé sur le point d’aboutir lundi, ont dû être prolongés quand M. Salvini a posé ses conditions en matière de lutte contre l’immigration ou de politique européenne.

Les deux formations ont, quant à elles, tenté d’apaiser les esprits en expliquant que la version du «contrat de gouvernement» sur laquelle ils travaillaient ne correspondait «pas à celle qui a été publiée» par la presse.

De nombreux contenus ont «radicalement changé» en particulier sur l’euro, les deux partis ayant «décidé de ne pas mettre en discussion la monnaie unique», ont-ils assuré.

En revanche, l’immigration reste un thème «chaud» dans les discussions, a expliqué M. Salvini, qui tient à une ligne dure: «Il y a un avenir ici pour les braves gens mais pour les milliers de délinquants il n’y a qu’une voie: rentrer à la maison».

La Ligue veut pour cela accélérer l’examen des demandes d’asile, expulser les détenus étrangers «qui nous coûtent les yeux de la tête» et tailler dans le budget de près de 5 milliards d’euros alloués ces dernières années aux secours en mer et à l’accueil des demandeurs d’asile «pour mettre un peu d’argent au chapitre rapatriements».

A lire aussi...