Italie: accord sans sortie unilatérale de l’euro

AWP

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Le M5S de Luigi Di Maio et la Ligue se sont entendu sur un programme anti-austérité. La Bourse de Milan recule.

Les populistes italiens ont présenté vendredi un «contrat de gouvernement» qui tourne résolument le dos à l’austérité et aux «diktats» de Bruxelles, mais qui manque encore d’une figure pour le mener.

Ce programme commun entre le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite) affirme aussi son caractère nettement à droite sur la sécurité ou l’immigration.

Les deux chefs de file, Luigi Di Maio et Matteo Salvini, prévoient de le présenter lundi au président Sergio Mattarella, avec l’objectif de former dans la semaine le premier gouvernement antisystème dans un pays fondateur de l’Union européenne.

«C’est un moment historique», a annoncé M. Di Maio, 31 ans, en révélant sur internet ce texte en 30 points présentés par ordre alphabétique sur une soixantaine de pages.

Les militants du M5S sont invités à voter toute la journée sur «Rousseau», la plate-forme internet de cette formation qui prône la démocratie participative depuis son lancement en 2009 par le comique Beppe Grillo. Leur verdict devrait être connu tard dans la soirée, ou samedi si le vote est prolongé.

La Ligue, ancien parti sécessionniste devenu souverainiste, a pour sa part invité ses sympathisants à se prononcer samedi et dimanche sur un millier de stands à travers le pays.

Chef du gouvernement mystère

Mais le mystère reste entier sur le nom et même le profil du futur chef du gouvernement.

«Ce ne sera ni moi, ni M. Di Maio (...). Nous sommes en train de chercher une synthèse», a assuré M. Salvini, 45 ans.

Son nouveau partenaire s’est montré moins catégorique: «Je ne sais pas si je serai chef du gouvernement, mais c’est notre vrai leader, le programme, qui gouvernera ce pays».

D’une façon générale, le «contrat de gouvernement du changement» tourne résolument le dos à l’austérité et parie sur une politique de croissance pour réduire la colossale dette publique italienne.

Il n’évoque pas une sortie de l’euro mais entend «revoir, avec les partenaires européens, le cadre de la gouvernance économique», y compris la monnaie unique, pour revenir à une Europe des pères fondateurs, de «paix, de fraternité, de coopération et de solidarité».

De quoi préoccuper les partenaires européens, qui ont régulièrement rappelé l’Italie au respect des règles européennes.

Et les marchés financiers: la Bourse de Milan a perdu 1,5% vendredi et le spread -- l’écart très regardé en Italie entre les taux d’emprunt italien et allemand à dix ans -- a atteint 166 points (+35 points par rapport à mardi soir).

Berlusconi en embuscade

Selon certains experts, il n’y a pourtant pas péril en la demeure. «Par rapport aux projets précédents, le texte est beaucoup plus modéré», a jugé Giovanni Orsina, professeur de sciences politiques à l’université Luiss de Rome, interrogé par l’AFP.

Reste cependant, souligne-t-il, le «problème du financement» de toutes les mesures préconisées, dont le coût total a été estimé par certains experts à plus de 100 milliards d’euros par an.

Dans le pays le plus vieux du monde après le Japon, les deux partis prévoient ainsi d’abaisser l’âge de la retraite, qui devait selon la loi actuelle passer à 67 ans en 2019. Désormais, il sera possible de cesser le travail quand la somme de l’âge et des années de cotisation aura atteint le chiffre 100.

Et les deux promesses-phare des partis sont bien là: une réforme fiscale «courageuse et révolutionnaire» avec des baisses d’impôts drastiques pour la Ligue, l’instauration d’un «revenu de citoyenneté» de 780 euros par mois pour le M5S.

Dans cette tentative de synthèse de deux philosophies politiques, on trouve aussi bien la rhétorique du M5S sur l’environnement, les nouvelles technologies ou la moralisation de la vie publique que le tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam de la Ligue.

Le texte évoque aussi l’abandon des sanctions contre la Russie, l’instauration d’un salaire minimum, un coup d’arrêt à la vente d’Alitalia et une remise à plat du projet de liaison Lyon-Turin, une lutte contre les jeux de hasard.

Il interdit aussi l’entrée au gouvernement de francs-maçons, qui y ont vu un rappel «des lois fascistes».

Le gouvernement disposera d’une très courte majorité parlementaire et devra résoudre l’équation du poids relatif des alliés: le M5S a obtenu plus de 32% des voix contre 17% pour la Ligue, qui assure cependant représenter les 37% d’électeurs de la coalition de droite formée avec Silvio Berlusconi.

Le vieux milliardaire de 81 ans a clairement rejeté le programme commun, le jugeant hors-sujet. Sa peine d’inéligibilité ayant été levée, il s’est d’ailleurs proposé pour diriger un gouvernement de droite.

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