Croissance faible en 2019 et risque d'une quasi-stagnation en 2020

Communiqué, Institut CREA

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Les difficultés de l'économie mondiale et celles de la zone euro se répercutent négativement sur les attentes pour l'économie suisse.

Selon les récentes estimations de l'OFS, la croissance helvétique a atteint en 2018 le taux de croissance le plus élevé depuis 2010. Cette croissance s’est largement appuyée sur le commerce extérieur, aucune impulsion ne venant de la demande intérieure. Un renversement de tendance est intervenu au cours de la deuxième moitié de l’année 2018 et s’est prolongé et même accentué au cours des deux premiers trimestres de 2019. La demande intérieure finale, déjà faible en 2018, s'est encore repliée au cours des deux premiers trimestres de 2019, sous l'impact d'un recul des investissements, dû, non pas aux investissements dans la construction − dont la croissance reste légèrement positive −, mais à la nette baisse des investissements en biens d'équipements. Ceci peut inquiéter, car cela témoigne d'un faible niveau des activités de production attendu dans les mois à venir. La demande globale (incluant les exportations totales) a reculé de 0,9% et il s'ensuit que, si le PIB a augmenté de 0,6% au cours des deux premiers trimestres, c'est «grâce» à la baisse de 3,6% des importations totales - qui viennent en déduction dans le calcul du PIB -, mais baisse qui est synonyme d'une faible demande intérieure.

Selon les dernières estimations de l'OMC, le volume des exportations mondiales de marchandises a pratiquement stagné au deuxième trimestre et le récent indicateur avancé du commerce mondial de l'OMC se situe dans une zone correspondant à une croissance inférieure à la tendance de long terme. Certaines composantes se sont stabilisées, voire légèrement redressées, telles les entrées de commandes à l'exportation ou encore le transport maritime, mais d'autres ont poursuivi leur baisse (le fret aérien ou encore les composants électroniques entrant dans les processus de production). L'OMC a révisé encore une fois vers le bas ses estimations pour 2019, ne s'attendant plus qu'à 1,2%, avant une légère reprise à 2,7% en 2020, inférieure à ce qu'on a pu observer par le passé. Les indices IFO du climat économique mondial se détériorent nettement pour la fin de l'année, le climat, la situation conjoncturelle et les prévisions enregistrant une chute marquée au quatrième trimestre. Les indicateurs avancés de l'OCDE pour l'économie de la zone euro pointent toujours vers une croissance inférieure à la tendance, quoique stable. Il en est de même pour l'indice de l'OCDE dans son ensemble. L'indicateur pour les Etats-Unis signale désormais également un infléchissement de la croissance, confirmant une tendance observée depuis le début de 2019. L'indicateur pour la Chine se trouve en croissance stable depuis le début de l'année. Le principal partenaire commercial de la Suisse, à savoir l'Allemagne, se retrouve avec un indicateur particulièrement faible.

Les difficultés de l'économie mondiale et celles de la zone euro se répercutent négativement sur les attentes pour l'économie suisse, non seulement au niveau des exportations, mais également au niveau de la production en général, comme en témoigne la baisse des investissements en équipements observée au cours de la première moitié de l'année. Si la plupart des PME exportatrices étaient encore assez confiantes en été, elles ont désormais revu à la baisse leurs attentes. La croissance helvétique devrait se replier nettement en 2019, avec seulement 0,7%, et sera suivie d'une année 2020 en demi-teinte avec 1%, l'économie helvétique pouvant frôler la stagnation au début de 2020. Il faudra probablement attendre 2021 pour un redressement un peu plus marqué avec 1,9%, grâce aux exportations. Avec ces taux de croissance, l'écart de production par rapport à l'équilibre redeviendra négatif.

Par rapport au sondage de l'été, le climat de consommation s'est légèrement détérioré, évoluant toujours sous la moyenne de long terme. Si la situation économique à venir est considérée par les ménages helvétiques comme s'inscrivant en baisse, avec un impact négatif sur le marché de l'emploi, les ménages helvétiques s'attendent pourtant à une nouvelle amélioration de leur situation financière, jugeant que depuis le début de 2018 elle s'est nettement améliorée, s'approchant à nouveau de la moyenne de long terme. Les ménages sondés sont ainsi plus nombreux à vouloir faire des grandes acquisitions. Si l'on ajoute que les salaires réels devraient augmenter, après deux années de baisse, la consommation privée pourrait se redresser en fin d'année 2019 et se renforcer en 2020-2021, voire dépasser, de peu il est vrai, la croissance moyenne de long terme, estimée à 1,5%.

La production industrielle a encore enregistré une hausse notable de 4,7% au cours du premier semestre, mais en grande partie grâce aux industries chimique et pharmaceutique (14%). D'autres secteurs ont vu leur production diminuer et pour certains on observe une nette baisse en été. Il en est ainsi en particulier pour les secteurs des machines, des équipements électriques, des produits électroniques et de l'horlogerie. Ce sont là les premiers signes d'un ralentissement conjoncturel attendu pour la fin de l'année et le début de 2020, confirmé, entre autres, par une baisse de 13,2% de l'entrée des commandes dans l'industrie MEM (machines, équipements électriques et métaux) au cours des neufs premiers mois. L'indicateur KOF de la marche des affaires dans l'industrie, après une stabilisation au cours de l'été, est reparti à la baisse en octobre. Les attentes dans l'industrie se sont donc assombries et on devrait observer un nouveau recul des investissements en équipements. Ces derniers devraient se redresser au cours de l'année 2020, mais resteront nettement sous la croissance moyenne observée au cours des vingt dernières années.

Dans le domaine des investissements en construction on enregistre depuis 2015 des taux de croissance assez bas, mais jusqu'à présent ils sont toujours restés positifs. Au cours des deux premiers trimestres de 2019, les investissements en construction n'ont augmenté que de 0,7% en moyenne et ce rythme de croissance ne devrait guère changer pour le reste de l'année. L'indice de la construction du CS indique une évolution toujours favorable, grâce aux réserves de travail, mais certains signaux appellent à la prudence tels la baisse des entrées de commandes dans le secteur du logement ou encore une offre excédentaire dans diverses régions due à la forte hausse des constructions de logements par le passé. Les investissements en constructions pourraient également être tirés vers le bas par les effets du ralentissement conjoncturel général. Les investissements en construction devraient ainsi continuer à se replier en 2020 avant un redressement, quoique modeste en 2021.

Selon l'Administration fédérale des douanes, les exportations de marchandises ont augmenté de 5,5% en valeur au cours des trois premiers trimestres de 2019, grâce aux exportations de produits chimiques et pharmaceutiques et, dans une moindre mesure, à celles d'instruments de précisions et horlogerie, qui ont toutefois perdu de leur dynamisme au fil des trimestres. Les exportations de l'industrie MEM ont perdu 4,4%, ce qui est confirmé par les entrées de commandes de l'étranger qui ont chuté de 15,6% au cours des neuf premiers mois et qui laissent présager de nouvelles baisses des exportations de ce secteur dans les mois à venir. D'ailleurs, selon le dernier sondage S-GE pour le quatrième trimestre, les PME exportatrices ont nettement révisé à la baisse leurs attentes et le baromètre export du CS a poursuivi sa chute, se trouve sous la moyenne de long terme et frôle désormais le seuil de croissance. Au vu de la mauvaise conjoncture internationale, on pourrait enregistrer une baisse des exportations totales (services compris) en 2019 mais un faible redressement en 2020.

Les entreprises semblent toutefois considérer que le ralentissement observé n'est que passager, puisqu'elles ont continué à embaucher, l'emploi ayant augmenté de 1,3% au cours des deux premiers trimestres. D'ailleurs le sous-indice de l'emploi dans le récent sondage PMI se maintient également dans la zone de croissance. De même pour le baromètre de l'emploi Manpower qui montre des employeurs confiants pour les embauches. En conséquence, le taux de chômage devrait rester sous la barre des 3% en 2020-2021.

Après deux années de baisse, les salaires réels devraient à nouveau augmenter, grâce à une hausse des salaires nominaux accompagnée d'une hausse plus faible du niveau général des prix. Les taux d'intérêt à court et à long termes resteront négatifs et ce n'est probablement qu'au courant de 2021 qu'ils pourraient redevenir positifs.

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