COVID-19, nouveau nuage à l’horizon déjà chargé de la finance

AWP

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Moody’s a dégradé jeudi sa perspective pour six secteurs bancaires en zone euro: France, Italie, Espagne, Danemark, Pays-Bas et Belgique.

L’épidémie mondiale de coronavirus et ses conséquences très négatives pour l’économie assombrissent encore l’horizon d’une finance européenne. Celle-ci doit déjà relever de nombreux défis allant de la révolution numérique au durcissement réglementaire en passant par les taux bas.

L’agence de notation Moody’s a dégradé jeudi sa perspective pour six secteurs bancaires en zone euro - France, Italie, Espagne, Danemark, Pays-Bas et Belgique - et maintenu la perspective négative pour l’Allemagne et le Royaume-Uni. La Suisse a elle vu sa perspective stable confirmée.

Avec le confinement des populations, «les prêts à risque des banques vont augmenter, au moment où l’augmentation des provisions pour risque de crédit va réduire la rentabilité des banques européennes, déjà faible en comparaison de celle de leurs rivales mondiales», explique Moody’s. Les établissements européens pourraient voir s’envoler pas moins de 30 milliards d’euros (31,5 milliards de francs) de bénéfice net ces trois prochaines années, estime de son côté la banque américaine Goldman Sachs.

Cette crise vient au moment où les financiers européens ont pour la plupart achevé de solder les conséquences de la crise financière de 2008. Ils n’en sont pas moins confrontés à un environnement semé d’embuches: taux bas qui rabotent les marges, durcissement réglementaire ou révolution numérique qui pousse les établissements financiers à des plans d’investissement cyclopéens.

Assureurs vie à risque

Coté assurance, cette crise «teste la résilience» du secteur, estime l’agence Standard & Poor’s, affirmant que la situation va «exacerber les faiblesses existantes». «Les assureurs vie sont les plus à risque, particulièrement ceux affichant des réserves de capital modestes et des expositions importantes à la volatilité des marchés financiers», souligne l’agence.

L’effondrement récent des Bourses mondiales affecte «le bilan des assureurs et donc leurs positions de solvabilité, mais d’une manière encore plus forte dans un contexte déjà très dégradé. Ça accentue une tension sur la solvabilité», abonde Jean-Christophe Gard, directeur associé au sein du cabinet BCG.

«Depuis dix ans, les superviseurs et les régulateurs ont modifié considérablement les règles bancaires. Nous entrons dans cette crise (...) avec des prêts solides et des ressources bien meilleures», se félicite Frédéric Oudéa, patron du groupe Société Générale et président de la Fédération bancaire française, dans un entretien à l’AFP diffusé lundi.

Les établissements financiers peuvent aussi compter sur le soutien des États et de la Banque centrale européenne, qui ont multiplié les mesures pour fournir liquidités et assouplissements des exigences de capital, tout en allégeant les charges tous azimuts pour les entreprises et ménages.

Spectre d’une récession prolongée

Les autorités européennes de supervision ont, de plus, autorisé les banques à appliquer avec «flexibilité et pragmatisme» les règles de prudence sur le crédit, permettant ainsi de faire le tri entre les accidents temporaires de remboursement et les situations durablement compromises. Les assureurs pourraient, quant à eux, profiter d’une baisse de la sinistralité, notamment dans l’automobile avec la baisse de la circulation due au confinement.

«Le secteur est nettement plus solide qu’en 2008-2009, mais cette crise va quand même laisser des traces au cours des deux trois prochaines années», affirme à l’AFP Simon Outin, analyste chez Allianz Global Investors. La reprise économique risque en effet de se faire de manière très graduelle et pourrait fragiliser un certain nombre d’entreprises au delà de la seule période de confinement.

«À court terme, les revenus des commissions et des transactions devraient être soumis à une plus forte pression que les revenus d’intérêts nets», pointe dans une note Justin Bisseker, analyste pour le gestionnaire britannique d’actifs Schroders. «Plus la récession est longue et profonde, plus le risque que les bénéfices et le capital des banques soient affectés est élevé», prévient cet analyste.

Selon lui, un ralentissement durable pourrait notamment contraindre les banques les plus faibles à supprimer les dividendes et in fine à devoir lever des capitaux.

«Pour les assureurs, l’effet à court terme le plus sensible risque d’être (...) des retards ou des défauts de paiement, voire même des annulations de polices (...) Et ça peut être assez sensible, surtout si cela vient d’entreprises de taille significative», selon M. Gard.

Les financiers pourraient aussi devoir composer avec les pressions de responsables politiques sourcilleux, au moment où les banques centrales et les Etats lancent des plans d’aide titanesques pour soutenir le crédit aux entreprises.

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